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4.18/5 (sur 19 notes)

Nationalité : Belgique
Né(e) à : Bruges , le 1/01/1952
Biographie :

Né à Bruges en 1952, Martin Ryelandt a écrit des scénarios pour les éditions Delcourt, Glénat, et Hélyode (La Jeune fille et le vent, Trans-Europe-Express, Yasuda...) Il travaille actuellement en milieu psychiatrique. L’Incendiaire est son premier roman.

Source : http://www.bedetheque.com
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Voila un auteur qui sait manier l’argot moderne et
peut même se permettre de transcrire les vulgarités
d’une certaine classe, car il sait également manier
le français à la perfection.
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Mais, continua Paul, à l'origine de la plupart des fortunes on trouve un forfait, soyez-en certain.
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L'illustration que se portent mutuellement les astres leur correspondait assez bien. Le rapprochement réciproque qui s'était opéré leur avait fait perdre quelques parties d'eux-mêmes, mais sans qu'il soit déjà nécessaire d'en ramasser les morceaux épars. D'ailleurs à quoi bon les ramasser ces morceaux, se disait Nicodème, pourquoi ne pas tout laisser en l'état ? On dirait les peaux mortes que nous n'arrêtons pas de perdre toute notre vie. Que dirions-nous si on nous obligeait à les remettre en place ? Beurgh ! Quelque chose dans la quête de Zénon lui échappait.
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Nico lui, en avait de la niaque, le quadruple saut qu'il avait réalisé sur le toit des choses, comme il disait, le prouvait. Un vrai dingue. En plus il est honnête et il a l'air d'être à la bonne avec le vieux. Quel con, Il sera toujours dans la merde à force d'être réglo.
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Ce n'est pas la vérité en elle-même qui compte, mais ce qu'on en fait. Donnadieu n'est pas intéressé par la vérité, mais par le pouvoir que le doute qu'il distille dans l'esprit des gens lui confère.
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Antoine Friedland souffrait en silence. Il voulait être acteur. Le spectacle de sa vie commençait à le dégoûter . Comme beaucoup d'hommes qui vivent dans leur tête plus que dans la réalité, il fut pris d'une impulsion soudaine et étrange, pour ainsi dire incompréhensible. Il ramassa l'Uzi posé à ses pieds, ouvrit la fenêtre et tira une longue rafale en direction d'un panneau de signalisation lumineux sur lequel était écrit en grand: BATAILLE DE LA SOMME.
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Les étoiles... Elles sont comme cette tasse. Á trop aimer, elles perdent des parties d'elles-mêmes, elles volent en éclats, risquent de mourir...
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Martin Ryelandt
Le Carnet et les Instants
Revue des Lettres belges francophones






Tout sauf l’ennui
Thierry DETIENNE
Employé de poste, Antoine Friedman vit en apesanteur. Son existence insipide lui est comme étrangère, il est en attente de changements dont les contours incertains en font un acteur passif. Mais il est profondément habité par le sentiment que tôt ou tard, il sera appelé à un destin héroïque quand le signal lui sera donné qui fera de lui un cavalier. À la merci des autres, il croise le parcours de Louise, belle Biélorusse au passé tortueux et torturé. Victime d’un maquereau sans scrupules, elle cherche la passion sincère et croit la trouver auprès d’Antoine. Mais ce dernier, quoique sensible à ses charmes, est en quête d’autre chose de plus palpitant, qui donne enfin un sens à sa vie. Son travail de postier, et surtout ses relations avec ses collègues, prennent de moins en moins d’importance, jusqu’à disparaître à ses yeux, devenant « une sorte de chuchotement à peine audible, mais permanent ». Privé de son travail à force de nonchalance, il rencontre un homme répondant au doux nom d’Aston Martin. Malfrat impliqué dans de sombres trafics, l’inconnu trouve en Antoine un collaborateur idéal. Sans poser de questions, juste émoustillé par le parfum de risque qui le sort de l’insignifiance et par la promesse d’argent facile, il accepte de devenir convoyeur régulier au volant d’un 4X4 rutilant et puissant qui lui sert de monture et avec lequel il parade dans Bruxelles. Il lui suffit de transporter des colis en échange de fortes sommes d’argent qu’il s’empresse de dépenser en frais amoureux, au grand plaisir de Louise à qui il cache sa perte d’emploi. Car dans ce roman dont les séquences narratives s’enchaînent sans marquer de pause, chacun des personnages roule pour lui. Des alliances se nouent et se dénouent, les uns acceptent de les conclure pour un temps avec d’autres car elles leur ouvrent des portes nouvelles leur permettant d’accéder à l’argent, à la vengeance ou de sortir de l’ennui. Antoine Friedman reste fasciné par la figure de Wilbur, un ami de longue date qui vit dans la Montagne Bleue et qui fait office de gourou distillant ses sentences depuis son ermitage. Mais cet ensemble de relations fondées sur de faux semblants est à la merci du moindre grain de sable. Les missions d’Antoine lui laissent cependant le temps de s’initier au maniement des armes, ce qui va lui permettre de régler quelques comptes avec l’homme qui a séquestré Louise et avec son propre patron qui fut son client. Jusqu’au moment où les événements se précipitent et où les coups de feu couvrent les bruits de galop et les paroles du groupe Louise Attaque qui ne cessent de lui occuper l’esprit. Cette chevauchée macabre au pays de la pègre n’est pas rythmée que par les séquences d’un thriller. Antoine Friedman est un incorrigible rêveur et dans son esprit, le passé prend un malin plaisir à se mêler au présent. En fait, il joue sans crier gare à une forme de dédoublement qui donnerait du fil à retordre au thérapeute qu’il ne consulte pas. Car aux refrains de Louise Attaque se superposent des passages de la Chanson de Roland, galopade par excellence, qui prennent possession de son esprit et du décor de la Montagne Bleue. On le voit, l’univers d’Antoine est encombré de rêves aux consonances littéraires et chevaleresques qui contrarient son rapport à la réalité, mais dont les séquences le propulsent brusquement dans la conquête amoureuse et le combat contre de vagues forces du Mal. Le tout sans qu’il mesure lui-même le moment où il franchit la frontière de l’irréel et de l’irréparable. En arrière-fond de ce portrait de malfrat improvisé et maladroit, qui transporte à son insu des fortunes en billets de banque, le roman décline toute une galerie de portraits de truands actuels. S’y trouvent brassés pêle-mêle la traite des êtres humains, le blanchiment d’argent, les réseaux de passeurs de clandestins, les trafics en tous genres, la seule régulation étant celle imposée par le plus fort et le plus rapide. Au milieu de ce tourbillon de criminalité, il faut régulièrement du sang neuf, des hommes de paille qui se recrutent aussi parmi les plus faibles, ceux qui n’ont rien à perdre et que le réseau propulse dans un statut inespéré. Ces êtres ont la gâchette facile et ils sont prêts à tout tant que le jeu dure, et cette réalité nous évoque singulièrement et tristement l’actualité de ce début d’année 2015. Martin Ryelandt vient du monde de la BD et cela se sent. Le cavalier est le deuxième roman d’un écrivain qui a plus d’une corde à son arc, dont celle de la connaissance du monde psychiatrique qu’il côtoie comme professionnel.
Cette entrée a été publiée dans Recensions, Romans et récits, et marquée avec MaëlstrÖm, Martin Ryelandt, pègre, Roman, Thierry Detienne, le 28/01/2015 par Le Carnet et les Instants.


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Martin Ryelandt
Lire LE CAVALIER de Martin Ryelandt avec SOUMISSION de Michel Houellebecq

Un article d’Isabelle Robert Philosophe ULB.



Le quart de tour pour Tous ou la reterritorialisation Un par Un ?

Deux romans sortis en même temps – dans une époque trouble,
Deux romans qui parlent de notre époque,
Deux fables, du 21ème siècle.
Chaque auteur prend le siècle par une perspective différente.
Chacun d'eux, à leur façon, sont réceptifs, poreux, perméables à leur époque,
et c'est pour cela qu'on les a lus côte à côte.

Michel Houellebecq voit ce siècle par la lorgnette d'un « bourgeois rémunéré », un professeur universitaire. Son livre semble une mise en roman de la thèse de Jean-Claude Milner qui, dans « Le salaire de l'idéal », décrit le miracle de la promotion de la classe bourgeoise en Occident – bourgeoisie rémunérée qui bénéficie d'un surcroît de salaire (non justifiable économiquement) mais surtout d'un surcroît de temps, à consacrer à la culture.

« Pendant plusieurs années, les ultimes résidus d'une social-démocratie agonisante m'avaient permis (…)
de consacrer l'ensemble de mes journées à une activité que j'avais choisie : la libre fréquentation intellectuelle d'un ami »
- il s'agit de sa thèse de doctorat sur Huysmans. » (Soumission)

Dans son essai, Jean-Claude Milner prédit l'extinction de ce régime d'exception propre à l'Occident. Ce système, qui souhaitait accompagner le progrès social formulé comme suit

« plus de non-bourgeois deviennent bourgeois salariés »

arrive à une limite. Michel Houellebecq prolonge la réflexion de J.C. Milner et voit se profiler une rotation d'un quart de tour selon Lacan, retour du discours universitaire/capitaliste au discours du maître : les femmes retournent au foyer, les ouvriers restent ouvriers, et seule l'élite masculine reste riche et bénéficie d'un accès à la culture. Le personnage du roman se réjouit de garder ses privilèges, quitte à laisse tomber son idéal de démocratie, à laisser partir sa copine juive en Israël, à abandonner les femmes à leur inféodation à leur mari, à renvoyer les homosexuels à la discrétion au mieux.

Dans cette nouvelle société patriarcale, l'instruction pour tous vise le minimum nécessaire – lire écrire et respecter les valeurs. Dans une société qui ne veut pas ou ne sait plus payer le salaire de l'idéal, le personnage est contraint à une compromission, laisser tomber ses valeurs démocratiques. Slavoj Zizek pressentait il y a quelques années la fin prochaine de l'union entre la démocratie et le capitalisme. Michel Houellebecq en fait l'humus de son roman.

Dans ce monde de « Soumission », on entrevoit – de très loin et en gris clair - les ravages d'un capitalise ultralibéral et son instabilité, d'abord larvée puis à ciel ouvert : violence entre identitaires d'un bord à l'autre. Troubles violents qui ne sont plus même relayés par la presse, déjà censurée. Ces violences se passent en province et François, le personnage principal n'en est pas inquiété, il l'apprend presque par hasard, lors d'un voyage.

Pour résoudre ce conflit civil et promouvoir une Europe élargie à la Méditerranée, un signifiant pour tous, le Coran, et un retour à un discours du maître – avec son lot de retour dans l'invisibilité – les femmes, les Juifs, les homosexuels, les singularités. C'est moins une soumission, qu'une révolution au sens lacanien, soit la montée sur scène d'un nouveau discours ou plutôt un changement d'agent du discours de la société : du savoir (experts scientifiques à la solde du capital) au signifiant-maître (Un du pouvoir unique) – car c'est bien le nœud gordien sur lequel butent toutes les démocraties : il n'y a pas de Un de la démocratie, car s'il y en avait, il nous mangerait ! - pour plagier une chanson lupine bien connue des enfants.

Arrive en effet, sur la scène, un maître, même pas vraiment absolu, ni vraiment despotique. Un maître, même plutôt éclairé, « bon père de famille », en somme, qui permet un retour au calme, avec une pacification certaine – contrairement au capitalise d’État en Chine, au capitalisme mafieux au URSS ou aux régimes ouvertement autoritaires ailleurs.

Ce quart de tour prend des allures de « bénédiction ». Le nouveau maître dit oui aux enfants (allocations familiales majorées), aux femmes (qui ne doivent plus se cogner à l'impossible quadrature travail/maternité), aux Juifs (on ne va pas avoir des problèmes avec Israël pour quelque Palestiniens) et s'allie les dynasties des pétrodollars tout en les tenant en respect avec quelques humiliations. Real politique.

La politique actuelle de l'Europe déjà satellisée par la Chine qui a « sauvé » ses banques et par les pays du Golfe qui a acheté la société Aston Martin (sic) rend nos valeurs de soi-disant libertés toujours un peu plus nauséabondes. Ce livre nous met le nez sur l'humus de notre monde actuel et le narrateur de dire « Ah si j'avais fait de la politique dans le passé »… petite tentative d'évasion un peu vaine… maintenant c'est le nouveau politique qui décide pour lui.

On sent que Houellebecq, s'il n'en cite que quelques-uns, a lu de nombreux essayistes. Ce roman invite à la réflexion politique, sociologique, démographique, géographique, (…). Louis Althusser dans « Idéologie et appareils d’État » avait repéré le rôle joué par l’école,

« (pour assurer) une reproduction de la soumission (de la force de travail) aux règles de l'ordre établi,
une soumission à l'idéologie dominante... » 1966

Ben Abbes, le nouveau président, a retenu la thèse. L'éducation est le seul ministère qui l'intéresse vraiment. Houellebecq excelle dans les multiples clins d’œil pour rendre visibles nos propres compromissions, contradictions, ou complexités contemporaines : comment faire groupe sans Un (Freud), comment défendre la langue française, comment construire une Europe qui vaille,(…) Le nouveau maître, quant à lui, garantit une Europe enfin capable de se défendre face à l'impérialisme des USA, sans être inféodée aux pays pétroliers ; les dégâts collatéraux sont à peine esquissés : les minorités dans l'ombre et les femmes en minorité prolongée.

Dans Houellebecq, ça pense : l'auteur pense, le narrateur pense, les personnes rencontrées pensent, le lecteur se met à penser. C'est un roman de la pensée et ce n'est pas là son moindre défaut. François, son anti-héros arriverait presque à nous convaincre…

Forces de la nature et Bières belges.

Houellebecq et Ryelandt partagent un esprit d'époque, un Zeitgeist, dirait Hegel, celui du 21ème siècle.
Il y a chez Houellebecq quelques passages d'étrangeté, suggérée par le biais d'un élément hyper-contingent : « Une dépression venue des Açores... » Le pas-de-signification atteint un tel sommet qu'il produit un-plus-d'inquiétude. Les commentaires météos viennent là comme en excès, pour obliger le lecteur à sortir de l'espace-temps propre au roman. Chez Ryelandt, cet élément inquiétant arrive par la description d'une nature qui tout à coup devient étrange, où il se passe des choses inédites, dans un règne où on s'attend à un certain ordre.
Les noms propres de lieux liés à des nectars (désormais interdits dans Soumission) jouent aussi un rôle semblable. Au milieu d'un univers de fiction, les noms propres de bières jettent sur le lecteur, comme un regard qui court-circuite l'image indirecte du temps promue par le livre. Le lecteur, pris à partie, est ramené tout à coup à un temps direct, à un réveil brutal ; le poids de l'énigme plane et une angoisse se mêle au plaisir du livre : et si c'était nous, les buveurs de bière ? Chez Houellebecq on boit des Hoegaarden et des Leffe. Chez Ryelandt ce sont des Blanches de Bruges et des Trappistes. Affaire de goût ?

et Le cavalier dans tout cela.

Jacques Lacan disait, à la suite de Descartes : « je suis là où je ne pense pas, je pense là où je ne suis pas » (1960) Cette petite phrase dit le gap entre Houellebecq et Ryelandt.

Chez Martin Ryelandt, ça ne pense pas et c'est la force de ce roman. « Ce qui s'énonce bien, on le conçoit clairement » disait encore ce même Lacan corrigeant Boileau. La parole précède la pensée, en est la condition. L'être du roman « Le cavalier » file à toute les pages, il est derrière chaque mot ; on est dans l'être et non la pensée…par cela, ce roman touche au réel.

Martin Ryelandt se laisse traverser par ce siècle, il ne le pense pas, il y est présent par une volonté farouche de ne pas bloquer le mouvement de ses personnages. Après avoir campé son décor et les voix, il attend d'eux la suite de l’histoire. On est dans le préreflexif à la mode de Sartre. S'il y a réflexion, c'est toujours dans un deuxième temps ; nous lecteurs, découvrons, avec le personnage, la pensée qui émerge (ou pas) de ce qu'il vient de dire ou faire ou voir.

L'histoire se narre par la voix de ses personnages, leurs divisions, leurs discordances, leurs hésitations, leurs ratages, et les branchements de vie qu'ils choisissent. Sartre encore : le vie se crée. On assiste à des trajets de vie se créant, et on voit les destins qui se croisent et se décroisent….c'est rhizomatique comme dirait Gilles Deleuze.

Ryelandt n'a pas choisi le prisme du « privilégié » comme l'a fait Houellebecq (riche, straight, non-sidéen, francophone, européen, blanc. Pour sa fiction, Ryelandt a privilégié plutôt : ceux qui répondent au schéma « action, réaction par l'intermédiaire des sensations » dirait Deleuze, à propos du cinéma ; oui, avec Ryelandt on est au cinéma : les exilés, les rejetés de ce monde ultralibéral, l'ermite, la femme de l’Est - objet de violence dès son enfance, le contrevenant à cet ultralibéralisme - le mafieux, l'homme perdu – perplexe - qui fuit l'énigme, le fonctionnaire - pervers hors des heures de bureau et mari aux heures de table, les petites mains, les têtes brûlées...

De l'émasculation, de l'infertilité, des renvois sans préavis, des meurtres, des viols, un suicide… Ici c'est l'envers du décor de Houellebecq ; ce q
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Martin Ryelandt
Réception du livre de Martin Ryelandt «Le cavalier»

Ceci n'est pas un cavalier.

Quand j'ouvre un livre d'auteur, j'ai d'abord un a priori, que le livre vaut : je pars à la découverte, je m'installe et me laisse conduire.
Alors, avec ce préjugé, j'ai peur de l'ennui, des fautes de goût, des redondances non maîtrisées, des répétitions non décidées, j'ai peur que le voyage ne soit pas au rendez-vous. Parfois, il me suffit de lire trois mots, et je sais, qu'il n'y aura pas lendemain.

Ici ça commence plutôt bien: «Antoine Friedland quitta subitement la file de marcheurs et se glissa sans se faire remarquer dans un taillis de chênes verts». Cet incipit me plut. Ça marche, ça se cache, ça se hâte : la métaphore du chemin, vieille comme le monde, -le chemin de Parménide -, la métaphore du voile, vieille comme le monde -la physis aime à se cacher- se plaisait à nous répéter notre professeur de philosophie, en citant Aristote, et enfin «quitta subitement» la hâte ! Le kairos, cher à Aristote, encore lui. Hâte, merveilleux signifiant remarqué par Jacques Lacan dans l'apologue des trois prisonniers! Ici aussi, trois temps : le moment de voir (le voile tombe), le temps pour comprendre (le chemin), le moment de conclure (quitta). Ouf, j'étais chez moi, tout en étant chez l'autre. « Je est un autre, mais toi aussi ! », ai-je lu ce matin sur une carte postale.

Après avoir été conquise par le style, les résonances, le tempo, l’atmosphère,… je dus me résoudre à reconnaître : je n'y comprends rien (à l'histoire), ça « résonance », ça « chapitre », ça « mélodie », ça fait voir, oui mais quant à articuler le tout…je déteste les « touts ».

Alors j'ai relu, toujours dans le désordre, - quand j'aime, je lis sur le mode aléatoire - les chapitres, une fois, deux fois… avec autant de plaisir, je les ai lus à haute voix pour certains, puis un matin, oui je crois j'ai trouvé un fil, des fils…mais au fond, du fil, je me fiche. Avec d'autre œuvre célèbre, je n'ai pas dépassé le premier chapitre - le chat du rabbin -, dont la première scène est si consonante avec mon univers et si riche de trouvailles que je la passe en boucle ; sans jamais avoir envie d'aller au-delà.

Lire un livre ryelandtien demande donc du temps, du travail, de l'effort.
S'avouer, un moment, qu'on n'y comprend rien.
Savourer à chaque moment, la musique.
Relire le livre dans le désordre, pour goûter le tempo, pour laisser apparaître la trame et se laisser à nouveau saisir par l'« haïku » des dialogues, des chapitres, des phrases.
Épuiser le livre petit à petit, chapitres par chapitres, phrases par phrases, un crayon noire à la main, scanner le livre au scalpel,

et on découvre, que derrière l'apparent désordre, se trouve une marche « implacable », un chevauchée !

donc je reprends la démonstration,

le cavalier

c'est

un roman, oui, il y a une histoire, une intrigue, des histoires, des personnages, auxquels il arrive quelque chose…

un thriller, oui, « on a peur ! » il y a du suspens, du vrai suspens, une atmosphère sourde, des menaces qui plane ...

freudien, oui, il y a une idée de la cause qui effleure, ou plutôt des hypothèses de causes, un « ne pas savoir dire non » ou encore, une « non-maternité » comme cause de la bifurcation d'un chemin...

deleuzien, oui, le livre est un plan d'immanence avec un jeux de forces qui se croisent, se dépassent, se contournent, reviennent en arrière, accélèrent, se retiennent,...

nietzschéen, oui, aucun arrière-monde, ou chef de file, tout est en surface, tout est dans le détail, dans la matière,...

lacanien, oui, il y a des sujets, mais causés, surpris, produits, qui n'apparaissent que par des traces, par des actes manqués, par des lapsus, sujets qui surgissent par éclipse, sujets connus de nous, lecteurs, avant d'être connus d'eux-mêmes,…

post-moderne, résolument, les dialogues ryelandtiens le sont à plus d'un titre dans leur concision ; ils sont taillés au scalpel,

du 21ème siècle, avec un personnage qui pose un constat « nous ne sommes plus rien que des interfaces du marché »,

tragique : oui, assurément, on n'est ni dans le comique, ni dans la bouffonnerie, ni dans le cynique même si on le frôle, dans l'ironie, guère plus. Ici, Dieu est mort ou dans une version plus analytique, ici l'Autre n'existe pas ; une fable tragico-poético-philosophique.

J'ai eu le sentiment que la plume de Martin Ryelandt, s'auto-dirige de manière à éviter la faute de goût que serait un roman à clé, elle fuit un Autre trop consistant, elle fuit la symétrie, la cause unique, elle vogue entre déterminisme et créationnisme (les personnages sont à la fois déterminés, à la fois créateurs d'eux-mêmes), elle oscille entre conte et réalité (Montagne Bleue et Blanche de Bruges), entre structure et événement.

A la fin du voyage, on atterrit avec quelques trouvailles, « j'aime le café mais il ne m'aime pas », variante de l'histoire du fou guéri de se croire poule, qui sort de chez son psychiatre et qui revient en courant. « Oui je sais que je ne suis pas une poule mais la poule, le sait-elle ! » ; ici apologue du café, que je tiens, de l'auteur lui-même, de lui avoir été inspirée par son propre père.

Les personnages ne pensent pas dans ce livre, ils actent, ils prennent acte des conséquences de ce qu'ils ont fait, et un matin, après un carnage, après avoir tout perdu, l'a-héros est saisi par un savoir sur son désir qui lui revient : « il sut qu'il voulait vivre »

Lire le cavalier, c'est marcher pieds nus sur des débris de verre brisé, qui renvoient nombre reflets et écorchent, en même temps, la peau du pied…

« La bataille est merveilleuse »

Isabelle Robert, Bruxelles le 10 janvier 2015


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