Pégase sukkelait* pour se défaire de Bellérophon ou de Persée.
De ces cabrioles célestes jaillirent des gerbes de poussières d'étoiles.
Sur terre, Nicodème, un livreur de pizza pédale dans la choucroute pour assurer son quota de livraisons. Nicodème avait dû voir le jour sur un iceberg à la dérive ou quelque continent boréal oublié des hommes. Blond comme un viking, des yeux bleus de léopard des neiges.
Là, en rue, un vieil homme, les bras dressés très haut au-dessus de la tête en une sorte de supplication ou d'incantation semblait fixer quelque chose dans le ciel.
- Ça va grand-père ?
- Expulsion, lança un des déménageurs. Ordre de l'huissier. Tu vois bien gamin, il est à la masse le vieux.
- « …Les étoiles, elles m'ont abandonné… »
- Vous savez, dit Nicodème en allumant une cigarette, si vous voulez venir chez moi, je squatte une grande villa dans la banlieue, il y a de la place.
Le vieux le regarda, l'air de ne pas comprendre.
- Vous ne savez pas où aller dormir, non ?
- Dormir… répondit le vieux... Oh, ce n'est pas tellement le problème.
La nuit je…
*
Martin Ryelandt nous propose de jeter un regard sur une société en errance. Ses jeunes avec leurs codes propres, les autres, souvent des naufragés, qui tentent de surnager dans cette mer de tourmente. Ainsi est le monde.
*
Le vieux s'était arrêté et pivotait sur lui-même, observant les alentours fiévreusement, cherchant visiblement quelque chose. Élargissant son bestiaire imaginaire, Nicodème ne put s'empêcher de penser à un chien d'arrêt prompt à sauter sur sa proie. Et en effet, le vieux bondit tout à coup de sa place et se dirigea vers un groupement d'arbustes persistants s'élevant autour d'une tonnelle à moitié en ruine.
- Elles sont là, elles sont là, je le sens... Et il y en a beaucoup ! Putain de brol...
Il entreprit de fouiller, pour ne pas dire flairer, les mottes de gazon aux alentours des arbustes. Après quelques instants où Nicodème se demanda s'il n'allait pas retourner tous les parterres, le vieux eut subitement un temps d'arrêt, tendit le bras, ramena précautionneusement quelque chose vers lui, puis se redressa dans une attitude triomphale.
- J'en ai un, s'écria-t-il, radieux, exhibant un gros caillou aux tonalités vaguement jaunâtres.
Nicodème se précipita, impatient de voir enfin de quoi il s'agissait.
- Mais quoi!? Et puis votre nom, je ne sais même pas comment vous vous appelez ! le vieux cessa de sourire et laissa voir une physionomie tout à coup plus grave. Il tenait un caillou serré dans son poing.
- Mon nom, p... Tu ne connais pas mon nom...! Nicodème lui sourit, heureux de le voir s'adresser à lui un peu normalement.
- Ben non, vous n'avez pas été très loquace jusqu'à présent.
Le vieux eut un petit sourire qui parut bizarre à Nicodème. Il a l'air d'halluciner, pensa-t-il, j'espère qu'il n'est pas en train de virer zinzin.
- On m'appelle Zénon, comme la lumière du ciel.
- Je suis chargé, en quelque sorte, que tout reste en place là-haut…
*
Martin Ryelandt a osé jouer avec les mots, usant d'un phrasé musical multiculturel.
Le monde est un théâtre, ses personnages épousent leurs propres danses en un ballet lumineux sous un ciel constellé des étoiles du passé, du présent et de l'avenir. Que de scintillements dans l'écriture ! de quoi bousculer les us et coutumes de certains lecteurs avertis.
La voie lactée couchée sur papier !
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*Sukkeler : Prononcer {soukelé}. Belgicisme d'origine buxelloise signifiant : peiner, souffrir.
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