Ermenonville
Ce fut ainsi jadis, ça l’est encore aujourd’hui,
le temps d’un après-midi,
à bicyclette, roues ensablées
dans le désert d’Ermenonville
où les filles du feu font flotter leurs spectres
au fond vague des avenues.
C’étaient elles les démons de la mélancolie
là parmi les fougères
elles les sirènes qui m’ont rendu fou.
Pour garder la tête froide cette fois-ci, j’ai ramassé
une pomme de pin que j’ai mise dans ma poche
tandis que tu pédalais devant moi
sur le chemin qui va à Mortefontaine
où Corot a peint en taches argentées,
au-delà du puits sur la route
à l’eau calme et claire.
Cette fois-ci les yeux étaient les tiens
seuls, doux et baissés,
croisant les miens par-delà les années
avec tes cheveux en chignon, ton dos bien droit,
ton port de reine,
comme ce jour d’antan où je t’aperçus,
sur ton vélo, papoose sanglé derrière toi,
sortant résolument de ma vie.
// Stephen Romer
/ Traductions de Martine De Clercq et Jacques Darras