AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Bibliographie de Martine de Clercq   (2)Voir plus

étiquettes

Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
en haut de la falaise...



en haut de la falaise de Maenporth
     d'où nous vîmes
          un mirage de cristal,

palais et temples à colonnes
     érigés sur l'eau
          au milieu desquels glissait un bateau de pêche,

inconscients du miracle —
     N'en croyant pas nos yeux,
          nous demandâmes à un randonneur qui passait,

vous avez vu ?
     Son étonnement confirma le nôtre —
          il y avait là — effleurant les vagues,

une Byzance de glace
     édifiée par accord
          de la lumière et de la vapeur glacée,

comme si cette architecte du scintillement se servait
     des matières les plus délicates
          et les plus rares qui soient –

          afin de nous l’offrir...


// Penelope Shuttle (1947 -)

/ traductions de Martine de Clercq et de Jacques Darras,
Commenter  J’apprécie          50
Foutus hommes

Ces foutus hommes sont comme les foutus bus -
On attend parfois près d'une année
Et dès que l'un s'approche de votre arrêt
On en voit deux ou trois autres se pointer.

On les regarde faire clignoter leurs signaux,
Vous proposer de monter.
On essaye bien de lire leurs destinations,
On n'a pas beaucoup de temps pour ce décider.

Si on se trompe, pas question de faire demi-tour.
Si on saute en route, on risque de rester plantée à regarder
Défiler les voitures, les taxis, les poids lourds,
Avec les minutes, les heures, les jours.
(Wendy COPE)
Commenter  J’apprécie          20
Peau

J'ai trouvé la peau du monde
clouée à la cimaise
d'une chambre minuscule dans un hôtel minable.

Voici donc pourquoi les rivières ont des croûtes sèches,
pourquoi l'herbe pleure chaque jour à l'aube,
pourquoi le vent souffle à cru :

la terre est une blessure vive,
et c'est ici que pend sa dépouille
tel un trophée, atrophiés au-delà de toute

taxidermie, réduite à un tapis d'âtre.
Qui l'a écorchée ?
Aucune indication dans le registre.
(Michael Symmons Roberts - les quatre premières strophes)
Commenter  J’apprécie          20
Ma mère frotte le sol

Elle avait des pieds de danseuse, élégants, spirituels.
Nous, ceux de notre père, rebelles propagateurs de crasse.

Casse de Londres, crasse du Kent,
Boue, poussière, herbe, déjections, humidité, j'en passe.
Crasse effrontée, crasse puante, crasse invisible.

Quoi que ce fût, elle était prête :
Tapis de caoutchouc, seau galvanisé cliquetant,
Sa bouée de sauvetage, de l'eau bien chaude.

Laisse-moi faire ! disions-nous en pensant Te voir me fait mal.
Tu es trop vieille. Trop aigrie. Et puis, tu finiras par
Nous le reprocher.

Jamais elle ne cédait. Nous n'en aurions pas été capables.
N'ayant pas sa haine de la saleté, ses belles mains fortes.

Pas question que tu le fasses, disait-elle, que tu te sentes obligée.
Souviens-toi bien de ceci : l'amour ce n'est pas le sexe
Mais toutes les corvées qu'on fait pour ceux qu'on aime.
Pour une fille, la maison est une prison,
Pour une femme, le bagne, disait-elle.
Ce n'est pas de moi, ajoutait-elle. C'est de Shaw.

Je m'en souviens bien. Je suis debout là où elle était à genoux.
(U. A. FANTHORPE 1929-2009)
Commenter  J’apprécie          10
Ermenonville



Ce fut ainsi jadis, ça l’est encore aujourd’hui,
le temps d’un après-midi,

à bicyclette, roues ensablées
dans le désert d’Ermenonville

où les filles du feu font flotter leurs spectres
au fond vague des avenues.

C’étaient elles les démons de la mélancolie
là parmi les fougères

elles les sirènes qui m’ont rendu fou.
Pour garder la tête froide cette fois-ci, j’ai ramassé

une pomme de pin que j’ai mise dans ma poche
tandis que tu pédalais devant moi

sur le chemin qui va à Mortefontaine
où Corot a peint en taches argentées,

au-delà du puits sur la route
à l’eau calme et claire.

Cette fois-ci les yeux étaient les tiens
seuls, doux et baissés,

croisant les miens par-delà les années
avec tes cheveux en chignon, ton dos bien droit,

ton port de reine,
comme ce jour d’antan où je t’aperçus,

sur ton vélo, papoose sanglé derrière toi,
sortant résolument de ma vie.


// Stephen Romer

/ Traductions de Martine De Clercq et Jacques Darras
Commenter  J’apprécie          10
La similitude de cette grande fleur

Ces vignes sont bien taillées, je les renverse. J’ai les traits de ma mère dans mon cœur, la gemme la plus sombre, errant dans le goudron, une affinité avec l’Islande. Le monde cliquète : nom, nom, nom. Sable en chaussure ne fait pas de toi une huître. Cette rivière s’écoule constamment. « La similitude de cette grande fleur », son violent prestige. Abandonne tes intérêts quand la clarté lunaire vire le soleil. Le chien est-il sous verre ou vitré ? La voix du paradis a un enfer derrière. J’observe la fleur du mal, mouche dans la serrure qui tente de déchiffrer le mur. Celui-ci dit que nous ne sommes pas morts malgré le froid, il vend sueur et rire de la chambre verte. Il fait brumeux dans le rêve. Dit que tu as promis de continuer.

Elizabeth Willis : Meteoric flowers, Wesleyan University Press 2006. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
Commenter  J’apprécie          10
Vue de la maison
depuis le fond du jardin

Dans l'obscurité. Sous la pluie. Toi à la limite précise
où le sang de ce qui t'appartient s'écoule à travers la clôture
jusqu'à une terra incognita, où la traque sanglante de la nuit
démarre dans les taillis : impression que quelque chose se faufile
avec un sourire, prêt à l'assaut et à l'esquive rapide.

Une femme est en train de mettre le couvert ; la nappe
gonfle en se posant ; un verre à vin réfléchit la lumière.
Corbeille pour le pain, cuillers et bols pour le bouillon
comme de juste, toi sachant justement la fragilité
de ton emprise sur tout cela : fenêtre éclairée, faible
odeur d'iode dans le va-et-vient de la pluie.

Voici qu'elle regarde dehors, mais tu es invisible
tu l'as voulu, quoique ce soit peut-être une faiblesse
de se tenir à l'écart, en spectateur, de vouloir
suspendre son souffle une seconde pour tout figer.

La maison, la femme, la fenêtre, la lumière de la lampe
qui ne pèsent rien en comparaison de la terre nue —
vois-tu bien la scène ? Peux-tu dire pourquoi t
u te trouves justement là, à l'endroit précis où l'allée du jardin
s'enfonce dans le noir, toujours à l'observer
alors qu'elle se détourne brusquement, comme effrayée,
tandis que l'averse redouble et que son ombre sur le mur,
tremblante, est livrée à la nuit ?

Oui bien sûr, c'est le moment précis du mythe
où l'on regarde en arrière et que tout bascule vers l'enfer.

Poème de David Harsent

David Harsent
(1942)
Explorateur d'une terra incognita aux marges de la société, insomniaque en quête d'images oniriques, David Harsent revisite les mythes. Né dans le Devonshire, cet autodidacte a d'abord été libraire et éditeur avant de se consacrer totalement à l'écriture. Librettiste, scénariste, c'est aussi un auteur de romans policiers publiés sous divers pseudonymes. Son imagination macabre le rapproche du théâtre jacobéen ou de Baudelaire qu'il affectionne. C'est un poète instinctif, hanté par la précarité humaine, qui suit sa vision propre. Encouragé à ses débuts par le critique Ian Hamilton, il s'est forgé peu à peu un style très personnel explorant dès son premier recueil, A Violent Count'', (1969), les zones d'ombre des relations humaines : souffrance, perte, violence. Ses narrateurs ambigus créent une atmosphère souvent énigmatique reposant sur le rythme et la sonorité des mots : ‘Si je n'entends pas la musique, je ne pense pas que c'est un poème’ »

(pages 189 à 193)
Commenter  J’apprécie          00
A view of the House
from the Back of the Garden

In darkness. In rain. Yourself at the very point
where what's yours bleeds off through the palings
to terra incognito, and the night's blood-hunt
starts up in the brush: the notion of something smiling
as it slinks in now for the rush and sudden shunt.

A women is laying a table; the cloth
billows as it settles; a wine-glass catches the light.
A basket for bread, spoons and bowls for broth
as you know, just as you know how slight
a hold you have on this: a lit window, the faint
odour of iodine in the rainfall's push and pull.

Now she looks out, but you're invisible
as you planned, though maybe it's a failing
to stand at one remove, to watch, to want
everything stalled and held on an indrawn breath.

The house, the woman, the window, the lamplight falling
short of everything except bare earth -
can you see how it seems, can you tell
why you happen to be just here, where the garden path
runs off to black, still watching
as she turns away, sharply, as if in fright,
while the downpour thickens and her shadow on the wall,

trembling, is given over to the night?

Surely it's that moment from the myth
in which you look back and everything goes to hell.

Poème de David Harsent
Commenter  J’apprécie          00
Plutôt être de l’eau...



Plutôt être de l’eau
     perpétuellement en mouvement
          de la source à la mer,

du nuage à la terre
     et inversement
          ou bien être faite d’air

qui lui aussi s’échappe
     même si on le retient farouchement
          plutôt être feu insouciant

ou terre constamment en sommeil
     mais je suis de chair et de sang,
          incapable de croire

que le monde est tout aussi beau maintenant
     qu'il l'était
          ce matin bleu-zéro



// Penelope Shuttle (1947 -)

/ traductions de Martine de Clercq et de Jacques Darras,
Commenter  J’apprécie          00
Vue de la maison
depuis le fond du jardin



extrait 1

Dans l'obscurité. Sous la pluie. Toi à la limite précise
où le sang de ce qui t'appartient s'écoule à travers la clôture
jusqu'à une terra incognita, où la traque sanglante de la nuit
démarre dans les taillis : impression que quelque chose se faufile
avec un sourire, prêt à l'assaut et à l'esquive rapide.

Une femme est en train de mettre le couvert ; la nappe
gonfle en se posant ; un verre à vin réfléchit la lumière.
Corbeille pour le pain, cuillers et bols pour le bouillon
comme de juste, toi sachant justement la fragilité
de ton emprise sur tout cela : fenêtre éclairée, faible
odeur d'iode dans le va-et-vient de la pluie.

Voici qu'elle regarde dehors, mais tu es invisible
tu l'as voulu, quoique ce soit peut-être une faiblesse
de se tenir à l'écart, en spectateur, de vouloir
suspendre son souffle une seconde pour tout figer.



// David Harsent (1942 -)

/ traductions de Martine de Clercq et de Jacques Darras
Commenter  J’apprécie          00

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Martine de Clercq (8)Voir plus

¤¤

{* *}