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Citation de Partemps


Vue de la maison
depuis le fond du jardin

Dans l'obscurité. Sous la pluie. Toi à la limite précise
où le sang de ce qui t'appartient s'écoule à travers la clôture
jusqu'à une terra incognita, où la traque sanglante de la nuit
démarre dans les taillis : impression que quelque chose se faufile
avec un sourire, prêt à l'assaut et à l'esquive rapide.

Une femme est en train de mettre le couvert ; la nappe
gonfle en se posant ; un verre à vin réfléchit la lumière.
Corbeille pour le pain, cuillers et bols pour le bouillon
comme de juste, toi sachant justement la fragilité
de ton emprise sur tout cela : fenêtre éclairée, faible
odeur d'iode dans le va-et-vient de la pluie.

Voici qu'elle regarde dehors, mais tu es invisible
tu l'as voulu, quoique ce soit peut-être une faiblesse
de se tenir à l'écart, en spectateur, de vouloir
suspendre son souffle une seconde pour tout figer.

La maison, la femme, la fenêtre, la lumière de la lampe
qui ne pèsent rien en comparaison de la terre nue —
vois-tu bien la scène ? Peux-tu dire pourquoi t
u te trouves justement là, à l'endroit précis où l'allée du jardin
s'enfonce dans le noir, toujours à l'observer
alors qu'elle se détourne brusquement, comme effrayée,
tandis que l'averse redouble et que son ombre sur le mur,
tremblante, est livrée à la nuit ?

Oui bien sûr, c'est le moment précis du mythe
où l'on regarde en arrière et que tout bascule vers l'enfer.

Poème de David Harsent

David Harsent
(1942)
Explorateur d'une terra incognita aux marges de la société, insomniaque en quête d'images oniriques, David Harsent revisite les mythes. Né dans le Devonshire, cet autodidacte a d'abord été libraire et éditeur avant de se consacrer totalement à l'écriture. Librettiste, scénariste, c'est aussi un auteur de romans policiers publiés sous divers pseudonymes. Son imagination macabre le rapproche du théâtre jacobéen ou de Baudelaire qu'il affectionne. C'est un poète instinctif, hanté par la précarité humaine, qui suit sa vision propre. Encouragé à ses débuts par le critique Ian Hamilton, il s'est forgé peu à peu un style très personnel explorant dès son premier recueil, A Violent Count'', (1969), les zones d'ombre des relations humaines : souffrance, perte, violence. Ses narrateurs ambigus créent une atmosphère souvent énigmatique reposant sur le rythme et la sonorité des mots : ‘Si je n'entends pas la musique, je ne pense pas que c'est un poème’ »

(pages 189 à 193)
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