Je vis là un signe de Dieu. C'est assez incroyable qu'on puisse ainsi prendre tout et n'importe quoi pour un signe de Dieu quand on cherche à trouver un alibi pour faire quelque chose qu'on a envie de faire.
(p. 238)
J'entrepris de définir l'idée que je me faisais du luxe. Quelque chose qu'on s'offrirait sans en avoir besoin. Quelque chose qu'on voudrait posséder pour ses qualités intrinsèques, parce qu'on voudrait l'avoir auprès de soi, non pas nécessairement pour en faire usage mais pour en savourer la présence. Le plaisir du trop-plein. L'amour de ce qui est superflu. Le fait d'apprécier une chose pour elle-même. Pour son excellence en rapport avec - quoi donc ? - sa structure, sa finesse, la qualité supérieure de son tissu. Quelle est la limite quantitative de la beauté ? Quand donc en arrive-t-on à la dépasser ? La même question pourrait se poser à propos du plaisir.
(p. 110)
Je me haïssais moi-même parce qu'il me disait que, si je le voulais, je pouvais satisfaire le désir que j'avais d'une image, vivre comme si cette image - et le fait de la traquer, de la localiser, de ne pas permettre à la vie d'interférer avec elle - était ce qu'il y avait de plus important .Et c'était d'ailleurs ainsi, avais-je proclamé, que j'entendais vivre. Mais quand la possibilité de le faire s'en présenta, elle me sembla terrifiante.
(p. 92)
Peter avait toujours eu l'extrême délicatesse de ne pas l'interroger sur son passé. Béatrice était convaincue qu'elle l'avait choisi pour cette raison. La plupart des hommes qui ont atteint la maturité à une époque où l'on incite à tout déballer auraient vu une coupable négligence dans ce manque de curiosité. Il s'expliquait peut-être par la réserve propre à la Nouvelle-Angleterre où sa famille était établie depuis plusieurs générations. Ou peut-être par sa profession de mathématicien. À moins que ce ne fût parce que l'apparence de Béatrice et son mode de vie lui avaient tout de suite plu et continuaient à lui plaire. Toujours est-il qu'il s'était contenté de ce qu'elle avait bien voulu lui confier
Je m'étais forgé la ferme conviction que si une femme artiste devait être digne de ce nom [...] elle devait garder ses distances par rapport aux choses[...] Dans le courant artistique auquel je souhaitais appartenir, celui régenté par les austères maîtres postmodernistes, il n'y avait pas de place pour la libido féminine.