J'ai toujours fui les groupes charismatiques pour les monastères bénédictins. Il suffit de contempler le visage enfantin d'un moine qui suit la Règle de saint Benoît et de le distinguer d'avec la trogne vociférante d'un nouveau prophète Philippulus pour s'en convaincre. D'un côté, l'humilité du Christ, de l'autre, l'orgueil bruyant du grand inquisiteur.
Je veux demeurer dans ce diocèse de Jérusalem! Habituer mon coeur à une vie d'intériorité intense, à un retournement définitif! Il me faudrait dix jours encore! Ou peut-être une vie...
Au petit matin, j'erre des heures dans les ruelles de Jérusalem. Je me laisse subjuguer par les exhalaisons orientales des nombreux souks. Je marche, sans but. juste le plaisir de me perdre, de glisser entre les frontières invisibles des quartiers chrétien, juif et musulman. Les rues grouillent de barbus, d'encalottés, de femmes voilées, de papillotés, d'ensoutanés; difficile de se frayer un passage au milieu de cette population hybride. Partout, des longues étoffes multicolores s'agitent, tripotées par des mains envieuses, des encens enfument quelques asthmatiques, des icônes orthodoxes émerveillent des agnostiques de passage, les pâtisseries au miel allèchent le badaud gourmand, de la camelote made in China excite la pingrerie des touristes qui croient conclure l'affaire du siècle; des épiceries fines et des commerçants hâbleurs pullulent... Les ruelles du centre historique de Jérusalem sont un petit trésor, chaotique et affriolant.
Tibériade...
La nuit s'empare du lac. Un mystérieux silence suspend le temps. Quelques grillons palestiniens chantent leur bonheur d'être ici; ils crissent allègrement, conscients d'être les propriétaires de ces rivages mythiques. Les palmiers ploient calmement au gré du vent. Le ciel est bleuté, illuminé par la pleine lune et l'étoile du berger.
"La littérature n'est pas une auxiliaire de police ou une cure de psychanalytique. Elle est avant tout une expérience des palais somptueux et des bas-fonds atroces. Le gouffre de l'aventure échappe à la surveillance et à la punition de l'inquisiteur."
Les touristes dégueulent des pubs, veulent vous enlacer avec leur ivrognerie poisseuse. C'est le bonheur des âmes vulgaires, bruyantes, qui ricanent pour mieux faire entendre leur vide intérieur.
Je longe les dunes de sable blanc. Une brise fraîche me chatouille le visage. Je reconnais les rivages de la Césarée maritime. D'abord comptoir phénicien avant de devenir cité romaine, puis ville chrétienne et croisée! Elle est à l'image de la Terre sainte. Convoitée de tous jusqu'au viol et au martyr.
La fragilité et la rédemption de dernière minute me bouleversent.