Dans les braises d'Hervé Guibert

De la même qualité que Retour à Duvert, de Gilles Sebhan (Le Dilettante, 2015), cette biographie littéraire (quel terme trouver pour éviter - à tout prix - celui d'exofiction?) de l'écrivain Hervé Guibert par Maxime Dalle est certainement aussi belle qu'une balle, qu'un roman de Jean Genet ou qu'un passage des Chants de Maldoror. Guibert, lié à Mathieu Lindon, aux éditions de Minuit, aux années 70, puis 80, à Michel Foucault, au Sida, mais avant tout à Eros et Thanatos. Guibert lecteur, lui qui aimait tant Tolstoï, Boulgakov, Leskov, Goethe, Musil, Walser, Dostoïevski et j'en passe ; Guibert photographe ; Guibert écrivain, lui qui jetait sa vie et son entourage sur du papier comme Jackson Pollock la peinture sur ses toiles. Idéal pour (re)découvrir Guibert, ce livre est aussi une de ces oeuvres qui vous hante longuement et réajuste votre vision du monde.

Aujourd'hui je vais évoquer Dans les braises d'Hervé Guibert essai biographique de Maxime Dalle. En douze brefs chapitres l'auteur évoque l'écrivain mort du sida il y a plus de trente ans.
Dans les braises d'Hervé Guibert n'est pas une biographie chronologique exhaustive, ce texte assez incandescent s'apparente plus à un hommage à un auteur apprécié qu'à un exercice critique autour de son oeuvre littéraire ou d'une exploration de la vie intime du protagoniste. le texte est composé de nombreux extraits des romans et journaux de Guibert. L'absence de références précises et de bibliographie à la fin contribue à ne pas classer cet ouvrage dans la catégorie des biographies traditionnelles. Ce texte peut s'adresser aux lecteurs de Guibert (dont je ne suis pas) qui retrouveront les principales étapes de son parcours littéraire avec l'évocation des principales oeuvres mais également aux curieux qui replongeront ainsi dans une époque récente et qui pourtant apparait à présent assez éloignée. Il est ainsi à noter que Guibert écrit « le SIDA » quand la maladie a désormais reculé et réintégré les minuscules. Hervé Guibert est une sorte de météore frappé par la maladie en pleine jeunesse et qui s'éteint dans un état de maigreur christique à l'âge de trente-six ans. Il est homosexuel mais se marie avec Christine (autre époque), il vit rue de Vaugirard à Paris et est voisin de Michel Foucault qu'il fréquente, c'est pour lui une sorte de mentor. Il a fait ses études à La Rochelle avant de rejoindre Paris, il débute dans la vie comme journaliste, mais c'est en écrivain ou artiste qu'il se rêve. C'est lors d'une émission d'Apostrophes qu'Hervé Guibert gagne en visibilité et en notoriété. Il met en scène sa maladie et son agonie en racontant tout dans le moindre détail avec impudeur. Il rend visible par ses mots et aussi avec les films d'autofiction (notamment avec ses deux grands-tantes) sa déchéance, les ravages du sida sur le corps jeune vieilli avant l'âge. Il est très attaché à l'île d'Elbe où il séjourne régulièrement et se baigne dans les flots méditerranéens. Avant de mourir il réside deux ans à la Villa Médicis à Rome. Il est un styliste plus qu'un théoricien, il est adepte de la vérité au risque de choquer, c'est lui qui révèle les causes (le sida) de la mort de Foucault. Hervé Guibert a récemment été évoqué avec tendresse dans le récit Hervelino de Mathieu Lindon dont il fût très proche.
Dans les braises d'Hervé Guibert est un joli texte, une façon touchante et délicate de se souvenir d'Hervé Guibert dont on retient souvent le supplice et le martyre. Dans ces pages il est incarné et vivant, il est le témoin de ce qu'étaient les années 1980 pour les victimes du sida.
Voilà, je vous ai donc parlé de Dans les braises d'Hervé Guibert de Maxime Dalle paru aux éditions Louison.

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