Michael Z. Lewin

En attendant Proffitt, je me suis souvenu d'une histoire à propos d'un flic et d'Ohio Street. Un type l'avait racontée dans un bar où je me trouvais. Il n'était pas de première jeunesse et parlait de son frère aîné, qui était flic dans les années trente.
Celui-ci faisait sa ronde habituelle quand, en tournant le coin de Massachusetts Avenue, il était tombé sur un cheval mort.
Le cheval était couché par terre. Il n'était pas attelé à une voiture de laitier, ni à une charrette, ni rien. Il n'avait même pas de bride. Mais il était bel et bien crevé et gisait dans le caniveau; et on ne pouvait strictement rien y faire, à part le ramasser et embarquer sa carcasse.
Mais le frère du type avait d'abord empoigné le cheval par les pattes de derrière et l'avait traîné jusqu'à l'angle d'Ohio Street.
- Pour quoi faire ? avaient demandé les gens au type qui racontait l'histoire.
- Parce que mon frère, avait-il répondu, savait qu'il allait devoir rédiger un rapport, et il pouvait écrire "Ohio", mais sûrement pas "Massachusetts".

- Vous êtes vraiment un drôle de petit bonhomme. Le plus bizarre que j'ai jamais rencontré. Bon, vous vous décidez à monter, ou vous comptez passer la nuit planté sur le trottoir, à sourire comme un crétin ?
Je suis monté.