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Citation de Livretoi


La philosophie hédoniste est une proposition psychologique, psychagogique, éthique, érotique, esthétique, bioéthique, politique… Elle propose de la même façon qu’Epicure et les épicuriens, mais également et surtout de Lucrèce, un discours sur la nature des choses afin que tout un chacun puisse trouver sa place dans une nature, un monde, un cosmos dans la perspective d’une vie réussie – la vie réussie se définissant comme celle qu’on aimerait revivre s’il nous était possible d’en vivre une à nouveau. Sachant cela, voulons ici et maintenant ce que nous voudrions voir se répéter dans l’hypothèse d’un éternel retour.

Nous sommes un matériau brut qui doit être informé. Ce que nous sommes, nous le devenons. Si nous ne devenons rien, nous ne serons rien, sinon un fragment aveugle de la nécessité du cosmos. L’éthique est une affaire de sculpture de soi.
L’impératif catégorique de l’éthique hédoniste a été justement formulé par Chamfort dans un aphorisme définitif : « Jouis et fais jouir, sans faire de mal ni à toi ni à personne, voilà toute morale ».

Portrait de Michel Onfray par son ami Jean-Paul ENTHOVEN :
« Mon antipode »

6- Michel me fait penser à un étang inscrit depuis toujours dans son paysage. Me voit-il comme un estuaire où convergent des fleuves sans mémoire ? Je change souvent d’opinion. Les siennes sont immuables. Ces deux énergies, une fois mises en présence, auraient pu provoquer des courts-circuits. On aurait même pu trouver, dans leur antagonisme esthétique ou moral, la matrice d’innombrables combats mortels. Mais rien n’advint entre nous. Serait-ce parce que chacun, en la circonstance, eut toujours la nostalgie de ce qui constituait l’autre ?

8- Le plus singulier : cet hédoniste vit comme un moine. Cet athée a le goût de l’absolu. Ce matérialiste argumenté croit à l’idéal. Ce non-freudien est souvent dupé par ses propres actes manqués. Ce nietzschéen est compatissant. Cet anti-platonicien chérit sa caverne. Ce théoricien de l’érotique libertine voue un véritable culte à la fidélité amoureuse. Ce gastrosophe est janséniste. A croire que, chez Michel, chaque certitude se ménage une réserve de certitudes inverses. Cette disposition mentale a-t-elle facilité, entre lui et moi, l’alliance de ce que nous sommes ? Tout l’indique.

10- Ce que je redoute chez lui : son intransigeance ; sa raideur quand il est malheureux ; son obstination à douter de l’amour qu’on lui porte ; son affinité avec la solitude ; son antipathie pour les romans ; le peu d’égards qu’il témoigne à sa santé ; son refus, trop fréquent, de faire la part des choses et des petitesses humaines.

11- Ce que j’aime en lui : sa sensibilité de fleur-bleue ; son étonnement quand il s’avise qu’on l’admire ; sa volonté de vérité ; sa puissance de travail ; son talent d’écrivain ; sa gratitude sans faille pour qui, ne fût-ce qu’une seule fois, l’a aidé à traverser une épreuve.

12- Michel écrit beaucoup. Sans cesse. Un seul long distance flight lui suffit pour bâtir un manuscrit solide. Il peut concevoir une histoire de l’Antiquité en un week-end ; Rédiger douze articles et trois conférences dans le Paris-Argentan. Cette frénésie, toujours renouvelée, m’intrigue et m’inquiète : devrais-je l’indexer sur le pressentiment d’une malédiction ? Sur cet infarctus qui, lui rendant une visite trop précoce, l’a convaincu qu’il n’y avait pas de temps à perdre ? Serait-ce, une fois encore, le syndrome Mozart-Radiguet – tout accomplir, sans tarder, puisque la mort guette – qui hante mon ami ? Je rêve d’un jour où ce forçat n’entreprendra rien. Où il se contentera de flâner au fil d’heures vides. Où il apprendra à regarder le monde tel qu’il est, imparfait et beau, en négligeant la forge dans laquelle il veut l’améliorer. Ce jour-là, Michel sera réconcilié avec lui-même. Avec sa mère. Avec Paris. Avec la vie. Mais sera-t-il encore celui qu’il est ?


Ingrid ASTIER (spécialiste de Cioran) : « Jamais sans mon corps. Eloge de l’appétit »

La lecture de Michel Onfray m’a toujours confortée dans cette assise du corps. Je crois au corps, à son langage franc, par le biais du désir et des pulsions. Le sensualisme a sa rectitude.
Face aux sables mouvants de la vérité, à la statuaire pompeuse des illusions, le corps veut, le corps réclame, le corps exige. Il décrète le souverain bon. Bien souvent, le corps précède le langage et sa formulation. Que l’on songe aux joues empourprées qui annoncent l’aveu ou au tombé des paupières – rien de plus franc que le sommeil. Toutefois, il importe de distinguer plaisir et bonheur : l’art de vivre ne rejoint pas toujours celui d’être heureux. Ils peuvent se confondre par accident, non par essence.

Sans culture des sens, sans esthétisation du plaisir, nul hédonisme. Notre époque n’est pas sans spectre : l’hédonisme combat le rachitisme des sentiments, l’avarice des gestes et l’étiolement des appétits. Encouragée par la peur, rôde la tendance des plaisirs minuscules. Contre le rationnement du plaisir et le désir pusillanime, l’hédonisme encourage l’expansion, le baroque, l’exigence et l’audace. Dans cette écoute de soi, des autres et du monde, on est loin de l’élitisme. Et si l’hédonisme tournait autour de cet axe majeur, familier de l’éthique : le respect ? Car il y a urgence à faire usage de son corps. L’hédonisme serait caduc sans la conception que sur cette terre, seule la mort est certaine.
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