S’en défaire est le dernier des reniements, frappé d’infamie et puni d’éternel remord.
C’est le coup de téléphone, que par économie dérisoire, on ne passe pas à l’ami esseulé ou dans la peine, c’est la bonne bouteille qu’on hésite à déboucher pour lui, que l’on garde pour une prétendue meilleure occasion, le petit cadeau que l’on ne fait pas, que l’on ne fait plus, que l’on ne se fait pas, la petite pièce que l’on refuse au mendiant, le petit coup de cœur auquel on ne cède pas…
Pourquoi irais-je toucher du doigt le bout du monde alors que beaucoup plus près j’ai tant de choses sous la main pour être parfaitement heureux ? Du moins aussi heureux qu’ailleurs. Qu’irais-je chercher au loin, quand il me suffit de m’asseoir sur le talus d’un sentier de mon canton pour voir, sentir, écouter, toucher, deviner le monde et faire le compte de ses beautés à profusion ?
Espace public : une belle expression pour désigner ce qui appartient à tous, habitants et étrangers, à vous, à moi, à eux, lieu de vie ouvert à chacun, ouvert jour et nuit à la flânerie, à la fête, à l’échange, à la rencontre, à l’amour… Comme ces bancs verts qu’on voit sur les trottoirs sont faits pour accueillir quelque temps les amours débutantes.
Plus récemment, Claude et moi aimions accueillir Jean-Pierre Bloch, un ami de mes beaux-parents, qui avait été proche de Léon Blum, puis ministre du général de Gaulle et fondateur de la Licra. Mais surtout Yves Guéna, lui aussi ministre de De Gaulle, qui nous faisait avec son épouse Oriane le plaisir d’apprécier les dîners à Mareynou. Et pour moi, chaque fois c’était un peu comme si le Général nous visitait.