Grandir
Alors le ciel était plein de vieilleries entassées. Les plus légères
étaient de bois tressé. L’ouragan apportait de grands sacs de feuilles
nous nous y sommes engouffrés. En même temps que naître, se perdre
au premier cri, se perdre. On rit d’abord
bien obligé de se cacher dans l’indécis. Un son guttural
et puis ça change, et nous sortons tout couverts de sang
Le soleil au dessus du pont a réduit l’eau du fleuve en sel
un sel bleuté tant il brille. La corde terrorisée et le visage précoce
Elle braque de grands yeux sur ces méchantes mains
aux doigts enduits de sang. Nous sommes assis là
nous n’avons pas mal, sauf la surprise et l’effroi de l’origine
et je ne peux atteindre ses deux petits seins, parce qu’elle dérive
Au retour pourtant ce sont de petites rêveries
qui tanguent sur la planche de bois. Les deux mains cramponnées, de peur
que l’oiseau de nuit s’envole, que des rondeurs se voient sous les habits courts
Arrivant tout gonflé d’orgueil parmi les marionnettes qui parlent
on rit fort et on leur tord bras et jambes. Mais à la fin,
tout tombe. Pourquoi avoir lâché ? C’est si soudain
L’eau est toujours la même. Rouge en automne, l’hiver venu
elle brille comme du mercure. Depuis, j’ai revu Ying, à S.
assis tous deux sur la balançoire, à nous échapper dans nos souvenirs
silencieux, fuir les humains et regarder la lune
Mais parce que la mort peut rattraper nos rêves
Il n’est plus temps de crier de tout en haut, avant de lâcher prise.