Surtout ne pas y penser. Ce n’est ni le lieu ni le moment. D’ailleurs, ça ne le pourra jamais. Pourtant la voilà si adorable ainsi, à le fixer avec ses grands yeux verts teintés de brun et d’or. Elle demeure la bouche entrouverte, estomaquée par la supposition infâme d’être droguée. Tokihiro contemple les lèvres qui ont si savoureusement goûté aux siennes. La tenir contre lui, vibrante, spontanée, s’est révélé un délice qu’il n’avait pas imaginé. Le sentiment qui l’a envahi, ce désir libéré, cette envie si passionnée l’a déboussolé. Lui appartenait-il ? Était-ce celui de Mabh ? Dans les deux cas, Tokihiro s’est effrayé. Jamais il n’a appris à ressentir d’affection pour une femme. Jamais il n’aurait pensé que cet attouchement existe et apporte autant de douceurs. Ses lèvres sur les siennes et sa langue même qui tentait de s’infiltrer entre ses dents. Il aurait dû considérer ce geste obscène ou inédit, mais son corps, indépendant de toute raison, y réagit autrement. Il rougit et baisse la tête, espérant qu’elle ne note ni sa gêne actuelle ni celle qui se trouve dans son entrejambe. La toile grossière de sa veste de paysan possède assez de longueur pour en cacher le résultat. Il frissonne. Tout est si nouveau.
S’enfuir à la suite d’une guerrière sauvage. Se revêtir des frusques de toile rêche d’un vulgaire paysan pour masquer son état de samouraï, lui si habitué à revendiquer son statut et le blason de son clan. Cacher ses armes. Donner sa confiance à des servantes. Désobéir tout simplement. Choisir pour soi-même.
Cacher ses armes. Donner sa confiance à des servantes. Désobéir tout simplement. Choisir pour soi-même.