Nassira Belloula, algéroise et montréalaise
Entrevue au Salon du livre de Montréal 2015
Nassira Belloula était journaliste à Alger dans les années 1990 et vit maintenant à Montréal.
En ce matin tout blanc de soleil et de clarté, Taga s’agenouilla, il lui semblait sentir l’odeur de l’aimé. Elle prit une bonne quantité de la terre maculée par l’essence de son mari, qu’elle mit à son retour à la maison dans un gros pot de glaise et y planta trois graines….(page 123)
À trente ans, j'étais déjà arrivée au bout de la route, venue de nulle part, comme j'étais née, trop tôt ou trop tard, balancée comme une torche au milieu de la nuit.Je ne voyais rien venir...
Elle tourna son visage impassible vers son roi et époux, d’une voix digne, elle lui dit : « J'ai cette consolation dans mon infortune, qu'ayant toujours eu une haine inconciliable pour la tyrannie romaine, j'ai du moins l’honneur de n'avoir été captive que d'un Numide, et qui se trouve être mon mari et mon libérateur, non pas comme esclave mais maîtresse absolue de son âme. Allez donc mon cher, ne manquez pas de tenir votre parole à l'infortunée que je suis. J’attends ma liberté »
Le poison obtiendra la femme, princesse déchue, reine perdue… la haine… l’amour… Sophonisbe avait absorbée la coupe de poison le soir même de ses noces. (page 21)
Le froid devenait mordant et vif, obligeant les soldats à de fréquents arrêts, les hommes se frigorifiaient et ces haltes permettaient aux hommes d’allumer de grands feux afin de réchauffer leurs pieds et leurs jambes qui gelaient facilement à ces hauteurs et dans la froideur de la neige qui tombait sans interruption. Les flocons tourbillonnants obscurcissaient l’air, ce qui obligea la colonne à une marche forcée dans les montagnes hostiles aux précipices vertigineux. Les soldats étaient obligés d’escalader les mamelons escarpés, les mains agrippées à la rocaille glissante.
Dans le poudroiement du crépuscule, des multitudes de graines scintillaient comme des petites pierres sur le sentier. Au milieu des pierres déplacées, ressemblant à des pierres tombales, froides et sans inscriptions, gisait le corps inerte de Chriff, abandonné dans son sang
La montagne n'existe plus. May veut hurler face à la platitude de la ville sans relief, hideuse qui l'absorbe. Les murs des bâtisses trop hautes vacillent sur elle à l'étouffer, en vain, elle cherche à humer cette brise qui n'existe plus que dans sa petite tête
j'avais imaginé cette fille nubile de Tifrent, à peine sortie de l'enfance, portant sur son dos le poids d'un enfant, arpentant des ruelles inconnues mais, comme si l'auteur du manuscrit avait sondé mes capacités de réfléchir, il avait cessé d'écrire
Le frère déposa doucement sa petite sœur par terre, retira la longue dague de sa ceinture et s’enfonça dans les bois. Il ne tarda pas à tomber sur l’odieux meddough, qui lui aussi pistait la fillette qui venait de lui échapper. trainé de force, l’homme fut jeté aux pieds de Zwina, qui détourna la tête en mettant instinctivement la main devant sa bouche, le dégoût au bord des lèvres. Les doigts d’Ali se refermèrent violemment sur le petit visage de sa sœur, il l’obligea à regarder meddough alors qu’il lui tranchait la gorge d’un geste si rapide que l’homme – maintenu immobile au sol par les deux genoux enfoncés dans sa poitrine – n’eut pas le temps de réagir. Le sang gicla chaud et visqueux sur les pieds de la fillette qui n’osait ni bouger ni pleurer. Les yeux figés sur la plaie béante.
Mon monde a basculé, livré aux ombres des morts qui a présent hantent le village. Sous un ciel cramoisi, je contemple les cadavres qui jonchent les ruelles, je regarde les visages ; devine les sourires sur les bouches muettes, des champs dorés dans les pupilles rétractées
Il ne fallait pas s'en prendre à nous
"Quand arrive le moment où on doit mourir, on arrête de respirer et on attend l’instant fatidique qui se trouve en ce moment face à moi ; des hommes sortis de nulle part, armés de fusils et couteaux, cheveux longs et visages cireux comme échappés des enfers. Je sens un froid glacial me parcourir, alors que dans la lumière blafarde du jour qui se lève, des étrangers aux allures bigarrées, entre militaires et chasseurs, avec des gilets aux multiples poches transportant toute une panoplie guerrière nous encerclent. Un essaim d’oiseaux effrayé prend son envol d’un coup, rompant le silence. Des cris et des beuglements résonnent."