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Citation de MegGomar


Le chef qui a voulu nous imposer des heures de trois quarts d’heure, c’était
un jeune, un jeune chef assez type, y a les mêmes un peu partout, privé-
public.
Je dirais : sémillant. À l’aise, en particulier avec les élus et toujours en
quête d’un papier dans la presse et comme ici y a que le journal local, y a
pas deux, trois quatre ou cinq journaux, y en a qu’un, et donc s’agit de
trouver chaque fois une idée différente pour être dans le journal. Peut-être
que c’est ça, d’ailleurs qui lui a donné l’idée des heures de trois quarts
d’heure : une innovation personnelle qui mérite bien un papier dans le
journal. Parce que c’était l’époque pas si lointaine où les chefs ont pu
commencer à essayer des trucs perso, organiser à son goût son
établissement, faire des heures d’une heure, ou bien de 55 minutes, 50, 45
ou même pourquoi pas 40
inviter Hewlett-Packard à venir faire de l’information sur les dangers
d’Internet, mettre au point des réunions marathons de toute une après-midi
pour nous demander notre avis sur les heures de trois quarts d’heure déjà
décidées
et tout un tas de choses déjà décidées par plus haut que lui dont je ne me
souviens plus du tout. Officiellement les heures de trois quarts d’heure, il
nous avait dit que c’était pour les élèves, parce qu’ils avaient du mal à se
concentrer plus de trois quarts d’heure. Mais en fait c’était pas plus de trois
quarts d’heure qu’ils avaient du mal à se concentrer, c’était pas plus de dix
minutes.
On allait quand même pas faire des heures de dix minutes. De toute façon,
dès qu’un chef ou le ministre disait que c’était pour les élèves, telle mesure,
c’est pas compliqué, c’est qu’y avait anguille sous roche. Donc on a
cherché l’anguille
et elle était pas difficile à choper.
On a calculé : des heures de trois quarts d’heure à raison de 2, 3 ou quatre
heures par classe, ça aboutissait qu’on aurait 1 ou 2 voire trois classes de
plus par semaine – autant de préparations, autant de copies. Et le jackpot :
qu’évidemment si les profs prenaient des classes en plus, on pouvait
supprimer des postes, car plus besoin d’autant de profs.
C’est quand même bizarre qu’une idée aussi simple et géniale n’ait pas déjà
été appliquée partout.
Ce résultat a rapidement tilté dans la tête de tout le monde et là, pour une
fois, on était tous d’accord : les heures de trois quarts d’heure, c’était niet.
Il en est devenu furibard, comme on s’y attendait. Quoi cette idée de génie
qui allait le propulser dans le journal local, les élus locaux, et dans sa
carrière qui allait peut-être lui permettre d’embrayer à moins de quarante
ans vers un lycée local, ou même un lycée de ville, ou même, qui sait, un
établissement pour l’élite, là où les mômes sont trilingues en 6e !
On a tenu bon.
Alors, ce qu’il a fait
et c’est drôle quand on y pense
je le résumerais comme suit : puisque vous voulez des heures bien pleines
des heures d’une heure
je vous sucre cinq minutes de vos récrés pour vous les faire, vos heures
d’une heure.
Il savait très bien ce qu’il faisait : les récrés duraient alors quinze minutes,
et c’était tout juste pour traverser la cour et arriver à la salle des profs, boire
un café, se poser un peu.
Avec des récrés de dix minutes
c’était plus possible.
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