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Nathalie Quintane (Autre)
EAN : 9782358722094
144 pages
La Fabrique éditions (14/01/2021)
3.87/5   52 notes
Résumé :
34 ans… non… si je compte la fac, 5 ans de plus… et le secondaire, 7 ans… et l’école, 5 ans… et la maternelle : + 2… 53 ans que, élève, étudiante, enseignante, je suis dans l’Éducation nationale.

De la disparition de l’estrade à l’arrivée du numérique, des concours aux cantines, des mutations insidieuses aux réformes à marche forcée, ce livre tente une traversée de l’institution — sans se retenir d’en rire, et en tâchant de ne pas trop en pleurer.
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Je crois que je suis « mal placée » pour chroniquer « Un hamster à l'école ». Ou trop bien, tout dépend du point de vue. Je vous explique : je n'ai pas fait d'études de sociologie, mais il me semble que, lorsqu'on a le même âge, le même sexe, la même origine géographique, que l'on a fait les mêmes études et passé les mêmes concours pour faire le même boulot… il me semble que l'on risque fort de se trouver deux/trois points en commun, ce qui évidemment est le cas ! Alors, inutile de vous dire que ces petits chapitres en vers libres (rien de tel que cette forme inattendue pour nous faire sortir de notre zone de confort et nous réveiller, nous secouer !) sur l'institution scolaire, qui me renvoient à mon quotidien depuis plus de trente ans maintenant, m'ont ravie! Pas dépaysée mais ravie ! Évidemment, je m'y retrouve complètement et je n'ai pas résisté à cette écriture mordante et offensive, à l'humour pince-sans-rire et incisif de Nathalie Quintane. C'est bien simple, j'ai bassiné tous mes collègues pour qu'ils écoutent ma lecture de tel ou tel passage de son livre : je profitais des longues minutes perdues à la photocopieuse pour en coincer un.e/des (collègue.s) : « Tiens, écoute ça… », tandis que d'autres ont retrouvé des photocopies-tracts dans leurs casiers et pour ceux qui pensaient avoir échappé aux vers quintaniens, ils n'avaient qu'à regarder les murs de la salle des profs, généreusement tapissés d'extraits du livre (à cause de moi, on n'aura peut-être pas notre label « éco-collège » cette année)...
Un délice. Un vrai délice. Les sujets abordés ? Ils sont nombreux ! Par quoi commencer ? Ah si, bien sûr, parlons par exemple des notes qu'il a fallu transformer en compétences - matérialisées par des codes-couleurs (ça allait tout changer…) : « il aura fallu que les mots de/ l'entreprise pénètrent bien profondément/ toute la société pour qu'elle nous les refile/ comme on refile la chtouille. »
D'ambitieux missionnaires se sont courageusement aventurés jusque dans nos bleds de fin fond de campagne pour nous transmettre la bonne parole institutionnelle… Je me souviens de nos incompréhensions (réelles surtout et feintes un peu aussi) au sujet de ces dites compétences (sont-ce « des savoirs identifiés » ou « des savoirs mobilisés » ou les deux à la fois?), des colères qui les accompagnaient et des fous rires aussi avec mon collègue de lettres classiques… Et les sigles, les sigles… une spécialité de l'EN (quoique…) Quand soudain, en réunion, tu ne sais même plus de quoi on parle ! Et avec ces compétences, les bulletins, tels des tableaux de Pollock, devinrent très vite illisibles : « j'y comprenais rien/ c'était écrit tout petit, y avait des couleurs partout/ quatre pages en tout. Il a fallu que je me penche/ sur la question un bon quart d'heure avant de / comprendre, moi qui remplissais des bulletins/ depuis trente ans »
Un autre point : les projets... « Projet de ceci, projet de cela ; j'ai/ jamais vraiment compris ce que ça recoupait sinon/ que quand t'as un projet, tu dois remplir des objectifs/ (c'est comme ça que ça se dit) » (au passage, je me souviens d'une inspection où l'on m'avait interrogée bille en tête sur le « projet académique »… j'avais fini par avouer à mon inspectrice que je ne comprenais pas la question. Je flottais dans un étrange univers kafkaïen - un cauchemar que cette inspection.)
Il y a eu aussi le parachutage du fameux « oral d'Histoire des Arts » (sans prof dédié) : qui faisait quoi ? Tout le monde. Ah oui, tout le monde ? Et le prof de physique, il allait parler de quoi ? Et le prof de maths ? Je me souviens d'un échange fastidieux autour du « nombre d'or » pour nous démontrer qu'on avait bien besoin des maths aussi pour commenter un tableau. Et les discussions interminables autour de cela. Les refus des uns, l'engouement un peu forcé des autres, les modalités de l'examen qu'il fallait aller chercher je ne sais où sur Internet… « du coup, pendant sept ans, on a préparé surtout/ à la tour Eiffel, à la Joconde, et aussi aux affiches de / Norman Rockwell, surtout celle de la petite fille noire/ parce que ça permettait de parler de la/ ségrégation raciale aux États-Unis qui était/ au programme de 3e. Vers la fin, j'ai remarqué/ qu'il y avait de plus en plus de peintres pompiers/ genre les gladiateurs de Jean-Léon Gérôme./ Des peintures vraiment bien peintes./ Ça devait pas être facile d'expliquer aux élèves/ que ces peintures tellement bien peintes/ en fait c'était de la merde. »
Et ces oraux du bac où les gamins, fiers d'eux, balancent à la tête de l'examinateur des noms de figures de style comme s'il s'agissait d'un Sésame ouvre-toi leur permettant d'obtenir un 19/20 haut la main, et ce sans penser une seule seconde qu'ils en oublient de mettre en évidence le sens même du texte : « les candidats te sortaient des noms de figures de style/que j'avais jamais rencontrées personnellement/ comme la polysyndète ou l'homéotéleute/ après ils recopiaient scrupuleusement/ tous les mots qui appartenaient au champ lexical/ (ça veut dire vocabulaire)/ de la navigation ou de la pâtisserie, puis c'était la/ liste de tous les verbes à l'imparfait du subjonctif/ et ainsi de suite ». Voilà comment l'école vide de son sens la notion même de « littérature » en dépiautant le texte à l'infini et en lui faisant dire parfois le contraire même de ce qu'il dit ! Et puis, le bac, pour l'examinateur, ça signifie une semaine loin de chez soi. le brevet, c'est mieux : « une journée à compter/ des points et demi sur des questions un peu floues/ de compréhension de textes de le Clézio. » Les « questions un peu floues », ah, ah, c'est exactement ça ! T'es obligé d'admettre toutes les réponses, du coup...
Il faut aussi que je vous parle des « îlots » (non, non, on ne part pas en voyage : il s'agit d'un concept dans l'air du temps qui consiste à regrouper quatre tables, les élèves sont donc face à face, bavardent -forcément- et souvent tournent le dos au tableau) : tiens, je me souviens d'une Principale qui m'avait demandé un jour pourquoi je ne mettais pas mes tables en îlots (les îlots, c'est tendance aussi bien dans les classes que dans les cuisines). Je lui avais répondu que mes élèves étaient là pour travailler, pas pour discuter. Et puis, j'avais fini par lui demander pourquoi elle insistait pour que je change. Sans ironie aucune et avec une franchise désarmante, elle m'avait répondu : « C'est la mode ». Outre les îlots, le prof devait (doit - c'est toujours d'actualité ce truc?) « quasi disparaître/ au moins de leur champ de vision, on leur donne une A4/ avec des phrases toutes prêtes, à compléter, à manipuler, à inventer, à chambouler, et vite vite/ on se carapate derrière notre ordi dont on ne bouge plus », oui, les gamins doivent tout trouver tout seuls. Ca prend du temps (mais paraît-il qu'on en a suffisamment !) Et parfois ils ne trouvent rien, forcément…
Je pense aussi aux interventions des uns, des autres parce que c'est l'école qui doit résoudre tous les problèmes de la société : prévention drogues, problèmes auditifs, réseaux sociaux et cyber harcèlement, éducation à la santé et à la sexualité, lutte contre l'homophobie, initiation à la nutrition, théâtres forum pour l'égalité des sexes, petits-déjeuners allemands, espagnols, anglais… Et les heures de cours qui partent en fumée… ( déjà que quatre heures de français hebdomadaire, c'est un peu juste, hein !)
Et le temps perdu à se connecter à l'ENT (qui bloque), aux codes (qui marchent pas)…
Un livre-critique vivant, vibrant, drôle, désespéré, sensible, touchant qui dénonce, dans une langue-torrent où se mêlent tous les registres de langue, un système scolaire souvent absurde, des réformes dénuées de bons sens qui s'accompagnent d'un verbiage abscons et incompréhensible. Un beau portrait en relief d'une institution en liquidation...
Et puis, au milieu de tout ça, il y a des profs usés, sonnés, désarçonnés, consternés et des élèves qui suivent comme ils peuvent, cahin-caha, s'accrochant aux branches, si les hasards de l'orientation ne les envoient pas valser là où ils n'ont jamais pensé mettre les pieds, des élèves dont l'un d'eux, un jour, à la fin d'un cours, lèvera la main pour demander, tandis que sa voix sera presque recouverte par une horrible sonnerie tonitruante « -Mais Madame, finalement, c'est quand qu'on va profiter de la vie ? »
Magnifique !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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C'est le titre qui m'attiré. J'ai visualisé un petit rongeur engrangeant dans ses bajoues un maximum de nourriture et je me suis dit : « Tiens, l'élève serait cette sympathique bestiole ! Bon. L'auteure est une prof qui a 34 ans d'expérience, voyons ce qu'elle à dire. Après tout nous avons un profil très semblable… »
Pffff, dur, dur..
J'ai peiné sur ce court texte qui était censé évoquer l'évolution de notre « belle » institution au cours des dernières décennies.
Les thèmes sont conformes à ce que j'attendais : sa scolarité plus ou moins réussie, la salle des profs, les établissements fréquentés, les bavardages avec les amies sur la scolarité de leurs enfants, les bulletins et les fameuses évaluations, l'orinetation, les nouveaux patrons ici de collèges et la nouvelle politique nationale de l'Education.
Le hic, c'est que ça passe du coq à l'âne, c'est décousu, sans suite… C'est pénible.
Le ton est censé être percutant.
Je n'ai pas trouvé. Je crois que j'ai été bien trop dérangée par « le style » de cette auteure. Elle écrit de la poésie ? Anime des ateliers d'écriture ?
Un exemple vaut mieux que de longs discours alors :
« - Les gens que j'ai connus le plus à gauche dans l'Education nationale, et quand je dis à gauche je devrais dire à l'extrême gauche, l'amorce de la dérive de la gauche vers la droite s'étant accentuée sous Mitterrand, ceux qu'auparavant on classait à gauche après être passés par le centre sont à présent à droite, être de gauche, de droite et du centre ne signifiant pas qu'on n'est ni de gauche ni de droite ni du centre mais qu'on est de droite, tout bonnement et donc les personnes du personnel de l'Education nationale que j'ai connues le plus à gauche (ancienne manière), ce sont les patrons, les chefs si vous voulez : les principaux. »
Pour finir, je ne sais pas qui sont les hamsters du titre. Les gosses. le prof qui cavale dans sa petite roue avec l'énergie du désespoir, à fond, s'épuise, pour à final faire du surplace ?
Sais pas.
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Longue oscillation avant de lancer l'écriture d'une critique de ce livre qui parle de l'école, plus précisément de l'expérience d'une professeure de Lettres en collège.
J'imagine que l'intention était de se purger de longues années dans l'enseignement, à travers un genre chéri par l'autrice (la poésie), arrosé d'une bonne dose de sarcasme, de comique et de réalisme.
Je doute du résultat. Il existe, prend la forme d'un livre, mais qui que nous soyons en tant que lecteur - élève, ancien élève, professeure, professeur retraité, parents d'élève, grands parents d'élèves - nous pouvons nous demander si ce livre nous a instruit ou diverti ? Il a certainement eu de nombreux bienfaits pour celle qui l'a écrit mais pour celui qui l'a lu ?
Je ne suis pas certaine que le phrasé de la rue, des banlieues ou l'oralité, soient les meilleurs procédés pour parler d'un sujet somme toute sérieux (et préoccupant). Il est presque dommage qu'une professeure de Lettres, qui plus est "brillante" , gâche ainsi son talent et offre une purée de mots... Je me demande ce qu'en ont pensé ses (anciens) élèves, ses collègues. Etait-ce, pour Quintane, une manière de s'en foutre, en attendant les prochaines vacances, exprimant ainsi qu'on fait avec les moyens du bord le métier de professeure et donc de la même manière un livre sur ce thème ?
J'ai souri parfois mais trop rarement contrairement à ce qui était promis en 4eme de couverture, je n'ai pas pleuré non plus car la forme choisie a tué, d'emblée, toute crédibilité , à l'inverse d'un Pennac, capable de faire s'émouvoir un lecteur sur ce métier et ce que sont les publics avec lesquels l'enseignant a affaire chaque lundi matin.
J'ai tout de même apprécié découvrir une autrice.

La poésie en vers libres, je l'aime, farouchement, d'autant plus quand elle s'apparente à un récit, Ponthus me l'a fait aimer ainsi, il parle vrai, il parle fort, il parle comme il pense et comme il vit, en ouvrier cultivé, en fin limier du vers. Son amour des Lettres il le transmet, pari que Quintane n'a pas ( ou difficilement), selon moi, su relever. Dommage.
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Ne croyez pas en lisant ce titre que vous trouverez relaté quelque expérience déviante d'un prof féru d'expérimentation pédagogique, il y a longtemps que les hamsters sont interdits en classe because les allergies ! le hamster ici, c'est le prof dans sa cage de classe, moulinant sans fin de l'instruction, assommé par des réformes et un management de plus en plus ineptes de façon à lui faire accepter tout et n'importe quoi sans moufter.
Mais ce livre, loin de se résumer à cela, empoigne l'école par tous les bouts. En de courts chapitres, il dresse un portrait sensible de ce monde où tout un chacun est passé et que l'auteure n'a jamais quitté puisque prof de français ( agrégée) dans un collège du sud de la France. Les entrées prises par Nathalie Quintane pour décrire cette énorme machine qu'est l'école à la française sont multiples. du changement d'atmosphère d'un établissement à l'autre, même distants de quelques centaines de mètres, à la notation, au verbiage imposé aux profs aux devoirs à la maison en passant par à l'autorité voire à la solitude du prof après son travail, tout sera passé dans la moulinette littéraire de cette auteure inclassable.
"Un hamster à l'école" se démarque franchement de toute cette production éditoriale de profs racontant leurs expériences souvent de la même façon, soit sur le mode humoristique soit politique. Ici, il n'y aura pas à trancher, ce sera les deux modes qui seront employés mais avec plusieurs singularités.
Il y a d'abord, en plus de son regard critique jamais méchant, le style même de l'auteure, mélange subtil de langage parlé et de phraséologie plus complexe, dont les mots s'entrechoquent comme pour montrer la diversité de la langue actuelle ( et peut être la diversité des publics de certains établissements). A cela se rajoute, une autre originalité, celle qui fait apparaître le texte comme un poème, avec cette convention typographique du crochet en bout de ligne quand le ver est trop long. Ce n'est pas réellement un poème, ou alors des vers libres, de la poésie contemporaine ( ne pas oublier que Nathalie Quintane est poète également et surtout ne pas effrayer le lecteur potentiel qui pourrait croire à un ouvrage trop déviant surtout s'il est habitué à Delphine de Vigan). Cette mise en page attire l'oeil et oblige le cerveau à prendre de nouveaux repères de lecture, comme si, en utilisant ce procédé, on voulait également exhorter les enseignants à s'extraire un tant soit peu du cadre très strict de leur boulot, qui après la poste ou la SNCF est en train d'être soigneusement cassé.
Même s'il est certain que "Un hamster à l'école" trouvera plus facilement lecteur dans le milieu enseignant tant il connaît bien le milieu évoqué, le lecteur lambda lui prendra plaisir à sourire ( parfois jaune) à ce décapant portrait d'une enseignante qui montre combien ce métier, cette institution qu'est l'école, est diablement complexe ( et en danger). Et face à cette complexité, du recul et de l'humour permet de mieux l'appréhender, le comprendre et ...le défendre ?
Lien : https://sansconnivence.blogs..
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99 pages sur 198, j'estime que j'ai fait le job. Et j'arrête là.
Quand je finis ou abandonne un livre, 3 options s'offrent à moi: la poubelle (c'est vraiment trop pourri pour que je prenne le risque que quelqu'un d'autre y perde son temps), la boîte à livres ou le don (je ne le relirai pas mais je veux faire profiter quelqu'un d'un bon kif/Je n'ai pas aimé mais probablement que ça peut plaire à quelqu'un qui a d'autres goûts que les miens), ma bibliothèque (je le relirai / je le lirai quand ce sera le bon moment). Là j'hésite entre les 2 premières.
Nathalie Quintane raconte - non, même pas - parle de sa vie de prof. Déjà, la mise ne page est nulle, avec des rejets qui font penser à de la poésie mais qui n'en est pas. En plus, ça ne sert pas du tout le texte. le contenu m'est totalement inintelligible moi qui partage pourtant son expérience ! Dans le premier chapitre, elle se targue d'avoir été, élève, très bonne en français. Et ben mon cochon! J'ai tout le temps envie d'écrire en rouge dans la marge "précisez", "Que voulez-vous dire ?". C'est ça le hic: je ne comprends pas où elle veut en venir. Ce n'est ni drôle, ni émouvant, ni édifiant, ni rien. C'est du rien. Allez, j'ai tranché, poubelle.
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critiques presse (2)
NonFiction
15 mars 2021
L’éducation nationale, attrapée par le vers libre et l'humour de la poétesse Nathalie Quintane.
Lire la critique sur le site : NonFiction
LesInrocks
27 janvier 2021
Elle publie en cette rentrée" Un hamster à l’école" : un récit sarcastique de sa traversée de l’Education nationale comme élève, étudiante et enseignante.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
Y a rien de plus rapide à corriger qu’un paquet de dictées. T’as des notes, tu
les rends, les parents comprennent et tout le monde est content.
On a pu faire chier des profs pour une phrase dans Artaud ou dans Zola, un
geste ou de l’humour mal compris, mais on a jamais emmerdé personne
parce qu’il donnait trop de dictées – en tout cas, j’en ai jamais entendu
parler. La dictée notée sur 20, c’est le seul exercice où tu peux te récolter -
40, et à ce que je sache, ça n’a jamais étonné personne. - 40, c’est
probablement un dyslexique.
En 2010, ils se tapaient encore la dictée en entier et la descente en enfer. La
plupart on croyait qu’ils étaient bêtes.
C’est là que d’un coup, à un moment, j’ai réalisé que mes meilleurs amis
étaient nuls en orthographe et que je vivais avec un dyslexique qu’on avait
pris pour un abruti pendant toute sa scolarité et qui finalement avait fait des
études supérieures – tout comme mes amis nuls en orthographe. Mais alors
s’il y avait des gens nuls en orthographe et capables de développer une
pensée et une appréhension sensibles du monde, ça impliquait a contrario
qu’il y avait des gens à l’orthographe impeccable qui pensaient comme des
pommes ou qui étaient vraiment cons.
On connaît tous des cons qui font pas de fautes, non ?
Il paraît que sur les applis de rencontres, ça trie par l’orthographe
ceux qui écrivent sans fautes branchent ceux qui écrivent sans fautes
et s’auto-sélectionnent comme ça socialement sous-entendu que les pauvres
sont incapables d’aligner deux lignes et en général de s’exprimer.
C’est pour ainsi dire l’aboutissement d’une manière de voir les choses, la
société telle qu’elle fonctionne et telle qu’on croit qu’elle est ; pour ainsi
dire le couronnement d’une centaine d’années d’école publique et privée,
confessionnelle ou laïque et obligatoire, parce qu’au niveau de
l’orthographe et de son respect c’est pareil des deux côtés. On peut
s’écharper sur le genre par rapport au zizi mais certainement pas sur
l’accord du participe passé avec avoir quand le complément d’
objet direct est placé avant le verbe, là, tout le monde est d’accord pour dire
que le savoir c’est une preuve d’
intelligence puisque c’est pas facile à comprendre (et en effet, c’est
incompréhensible). Récemment j’étais surprise de ce que de plus en plus de
mes collègues laissaient des fautes
dans leurs communications (depuis l’arrivée de l’informatique, on n’arrête
pas de s’écrire). Les mômes aussi le remarquent :
— Vous avez vu, monsieur Truc il fait plein de fautes !
Je tempère :
— Lamartine aussi il en faisait plein, et il est devenu député. Malgré tout,
j’avais dans la tête que les fonctionnaires font pas de fautes, pas parce que
le concours agirait magiquement et que dès lors que vous l’avez passé vous
n’en faites plus, bien sûr mais parce que l’orthographe, c’est quelque chose
d’extrêmement surveillé dans la fonction publique tout comme les
fonctionnaires sont extrêmement surveillés (c’est ce qu’on appelle le devoir
de réserve).
Eh bien, ni l’un ni l’autre.
Il n’y a aucun texte de loi qui dise que le fonctionnaire doit avoir une bonne
orthographe. Y a bien une légende, celle du décret de 1832. Mais ce fameux
décret, il a jamais existé que dans les têtes. Pareil pour le devoir de réserve
dans l’éducation nationale.
Y a aucun texte. Y a bien
un devoir de réserve dans l’armée, mais pas dans l’éducation nationale ;
c’est d’ailleurs la raison pour laquelle un ministre a dernièrement inclus un
entrefilet de loi dans lequel il précise que désormais il y a un devoir
d’exemplarité pour les profs (c’est parce que des profs avaient un peu
rechigné à sa réforme ; il aime pas que ses profs rechignent). Du coup le
devoir de réserve dans l’éducation nationale il a jamais existé que dans les
têtes aussi.
C’est assez troublant quand même, cette manie de s’inventer des lois qui
existent pas dans le droit et qui vont toutes dans le même sens de plus de
contraintes. Par exemple
(en tout cas dans l’éducation nationale) on se met jamais à fantasmer des
lois qui iraient vers plus de liberté ou plus d’égalité. On se fabrique son
petit droit en interne
qui fait jouer le martinet. Plus royaliste que le roi.
Plus dirigeant que l’État. Plus
administrant que l’institution.
Plus répressif que la
police.
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c’était l’imaginaire national, et bien sûr un imaginaire qui se pense
rationnel… enfin, non : raisonnable. On tâche tous
de tenir un milieu ; d’échapper à l’hybris.
Que ça déborde pas, je veux dire. Les personnels de l’éducation nationale
sont sans doute les plus aguerris à repérer le débordement possible, c’est-à-
dire à savoir que quel que soit l’état de stabilité ou de stase apparent d’un
moment, tout peut, d’un mot d’un geste ou d’un regard, partir brutalement
en vrille c’est-à-dire, et en considérant a priori les adolescents moins
comme une population spécifique que comme un âge précis qui ne clôt pas
à dix-huit ses désirs ses arbitraires mais en établit un répertoire décliné
ensuite plus poliment, que les personnels de l’éducation nationale ne
perdent jamais de vue et ont toujours conscience que tout
peut dans le pays partir en vrille d’un instant à l’autre et c’est la raison pour
laquelle ils font toujours deux choses à la fois : dicter une dictée ET guetter
; expliquer un théorème ET guetter ; raconter Louise Michel ET guetter ;
distribuer des copies ET guetter, etc. Faire toujours deux choses à la fois,
dont guetter. Avoir l’œil. Si on a un point commun avec les gendarmes
mobiles c’est celui-là. Il ne nous appartient pas de veiller à ce que chaque
élément prenne ou ait l’air de prendre plaisir à ce qu’il fait, c’est-à-dire soit
d’accord.
Je n’ai personnellement jamais connu de classe où il n’y ait pas de perte
sèche, d’élève qui s’ennuie depuis le début jusqu’à la fin sans relâche, la
moyenne sur un groupe standard de 25 étant de 5
(qui s’ennuient) avec certitude
de 10 supposés, de 5 passionnés
ou faussement désinvoltes + le reste. La constante c’est que la plupart, à un
degré plus ou moins élevé de conscience de ça, ne sont pas d’accord et
qu’on les laisse ne pas être d’accord, ce qui
est la grandeur du métier, et qu’on surveille ceux qui ne sont pas d’accord,
ce qui est moins la grandeur du métier. Le boulot de l’élève, c’est à peu près
ce que vous êtes en train de faire : lire du texte assis, mais assis sur une
chaise.
C’est la position. Bon.
Vous tenez combien de temps ? Il s’agit de tenir quatre heures le matin ;
trois heures l’après-midi.
On se sert de ses mains pour
tourner les pages, écrire, ouvrir une trousse. Ouvrir une trousse et fermer
une trousse, et ce moment intense de la fermeture éclair qui glisse bien à
l’aller et au retour.
Ouvrir une trousse. Fermer une trousse.
Ouvrir une trousse. Fermer une trousse. Ouvrir une trousse. Fermer une
trousse. Ouvrir une trousse. Fermer une trousse. Ouvrir une trousse. Fermer
une trousse.
Ou alors plier
scrupuleusement
un papier en quatre ou en six ou en huit et le glisser sous un pied de table
pour qu’elle ne branle pas. Ou alors mettre son doigt dans le trou qu’a
creusé quelqu’un au compas dans la table. Ou alors toucher du doigt le pull
de sa voisine, son coude pour qu’elle transmette. Ou alors démonter son
stylo. Dévisser le capuchon, ôter le ressort et la cartouche, poser le
capuchon, le ressort et la cartouche et le corps en plastique du stylo sur la
table et les faire rouler avec le doigt et puis tout remonter.
Détacher des bouts de gomme. Mettre sa main sur la fonte toute chaude du
radiateur. Passer son doigt sur un mot gravé dans la table, ça fait
une sensation. Fouiller dans sa trousse. Arracher des morceaux de papier
peint. Arracher des feuilles dans son classeur les rouler en boule. Déchirer
en petits morceaux une feuille et poser les petits morceaux sur la table. Fin
des travaux pratiques.
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C’était quand même assez bizarre, mais bon an
mal an, je me suis faite à ces nouveautés, notant juste qu’il y avait de
sacrées têtes dans cette classe des mômes qui, dans le Nord, auraient pu
directement passer le bac. Les premières réunions parents-profs avaient lieu
avant la Toussaint. J’ai disposé deux tables face à face, trois chaises d’un
côté, la mienne de l’autre, j’ai posé le carnet de notes sur la table et j’ai
attendu. Voilà que déboule une dame. Furieuse.
Que je donnais pas de devoirs. Qu’ils travaillaient pas assez. Que quel
avenir ils auraient. Que ça n’allait pas du tout. Qu’il allait falloir que je
revoie ma façon de faire. Et hop elle repart.
Elle m’avait retourné la tête. Pourtant j’en donnais, des devoirs. On
travaillait. Ça avançait. Je me suis dit qu’elle devait avoir des problèmes
personnels, cette dame, et je suis passée à autre chose. Ce n’est que bien
plus tard, des années après, que j’ai compris qu’elle n’avait pas de
problèmes personnels et qu’
elle avait juste exprimé de manière un peu vive ce que la plupart des parents
de la classe, trop polis pour le dire, devaient penser. Car leurs enfants
n’étaient pas des enfants d’agriculteurs, foyers ni petits commerçants,
destinés à devenir caristes coiffeuses, caissier, aide à la personne ou
reprendre la ferme : les parents visaient tous pour eux les classes prépa, et
j’étais bien placée pour savoir qu’une classe prépa, ça se prépare dès le
primaire ou à défaut dès le collège, et que la 3e est l’année décisive où vous
commencez à vous habituer à bosser comme un bourrin trois heures par soir
pour pouvoir enchaîner ensuite sans trop de surprise sur trois années de
lycée à bloc. Avant la prépa. La classe que j’avais eu pendant un an devant
moi, c’était une classe ghetto ; la meilleure 3e de toute ma carrière, sans
conteste. La crème de la crème.
Des futurs architectes, normaliens, énarques, profs de fac au pire. Et par un
de ces hasards bureaucratiques qui n’arrivent qu’en province, j’avais
décroché, alors que je débarquais du Maine-et-Loire par la grâce d’un
rapprochement de conjoint qui m’avait fait toucher le jackpot en
m’accordant 50 points de mute, la meilleure classe du meilleur bahut local,
de toute éternité destinée au prof préparé à les faire bosser trois heures par
soir rien qu’en français, et qui cette année-là avait dû bouffer de rage ses
copies en apprenant que quelqu’un lui avait
grillé la priorité sur le bahut dans lequel il comptait s’incruster. Les années
d’après, les choses sont revenues progressivement dans l’ordre. On a touillé
davantage, des très bons, des bons et des moins bons, mais l’établissement
s’est toujours distingué du second collège de la ville, à dix minutes à pied,
où étaient inscrits les gosses de la petite cité la seule. C’était bien trié dans
cette ville, et quand les parents ne voulaient pas du second bahut et
n’étaient pas contents du premier, ils mettaient dans le privé. Une grosse
dizaine d’années après mon arrivée, fin 2000, on a d’ailleurs construit un
lycée technologique qui a permis de déclasser
le lycée général où tout le monde allait ; comme ça on a pu formaliser les
trois étages : tout en bas le lycée pro ; au deuxième le vieux lycée général ;
et au sommet le nouveau lycée, pour les commerciaux les ingénieurs et tout.
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Le chef qui a voulu nous imposer des heures de trois quarts d’heure, c’était
un jeune, un jeune chef assez type, y a les mêmes un peu partout, privé-
public.
Je dirais : sémillant. À l’aise, en particulier avec les élus et toujours en
quête d’un papier dans la presse et comme ici y a que le journal local, y a
pas deux, trois quatre ou cinq journaux, y en a qu’un, et donc s’agit de
trouver chaque fois une idée différente pour être dans le journal. Peut-être
que c’est ça, d’ailleurs qui lui a donné l’idée des heures de trois quarts
d’heure : une innovation personnelle qui mérite bien un papier dans le
journal. Parce que c’était l’époque pas si lointaine où les chefs ont pu
commencer à essayer des trucs perso, organiser à son goût son
établissement, faire des heures d’une heure, ou bien de 55 minutes, 50, 45
ou même pourquoi pas 40
inviter Hewlett-Packard à venir faire de l’information sur les dangers
d’Internet, mettre au point des réunions marathons de toute une après-midi
pour nous demander notre avis sur les heures de trois quarts d’heure déjà
décidées
et tout un tas de choses déjà décidées par plus haut que lui dont je ne me
souviens plus du tout. Officiellement les heures de trois quarts d’heure, il
nous avait dit que c’était pour les élèves, parce qu’ils avaient du mal à se
concentrer plus de trois quarts d’heure. Mais en fait c’était pas plus de trois
quarts d’heure qu’ils avaient du mal à se concentrer, c’était pas plus de dix
minutes.
On allait quand même pas faire des heures de dix minutes. De toute façon,
dès qu’un chef ou le ministre disait que c’était pour les élèves, telle mesure,
c’est pas compliqué, c’est qu’y avait anguille sous roche. Donc on a
cherché l’anguille
et elle était pas difficile à choper.
On a calculé : des heures de trois quarts d’heure à raison de 2, 3 ou quatre
heures par classe, ça aboutissait qu’on aurait 1 ou 2 voire trois classes de
plus par semaine – autant de préparations, autant de copies. Et le jackpot :
qu’évidemment si les profs prenaient des classes en plus, on pouvait
supprimer des postes, car plus besoin d’autant de profs.
C’est quand même bizarre qu’une idée aussi simple et géniale n’ait pas déjà
été appliquée partout.
Ce résultat a rapidement tilté dans la tête de tout le monde et là, pour une
fois, on était tous d’accord : les heures de trois quarts d’heure, c’était niet.
Il en est devenu furibard, comme on s’y attendait. Quoi cette idée de génie
qui allait le propulser dans le journal local, les élus locaux, et dans sa
carrière qui allait peut-être lui permettre d’embrayer à moins de quarante
ans vers un lycée local, ou même un lycée de ville, ou même, qui sait, un
établissement pour l’élite, là où les mômes sont trilingues en 6e !
On a tenu bon.
Alors, ce qu’il a fait
et c’est drôle quand on y pense
je le résumerais comme suit : puisque vous voulez des heures bien pleines
des heures d’une heure
je vous sucre cinq minutes de vos récrés pour vous les faire, vos heures
d’une heure.
Il savait très bien ce qu’il faisait : les récrés duraient alors quinze minutes,
et c’était tout juste pour traverser la cour et arriver à la salle des profs, boire
un café, se poser un peu.
Avec des récrés de dix minutes
c’était plus possible.
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— La première réaction des gens, quand je dis que j’enseigne en collège,
c’est : Oh là là
comment vous faites ?! Et j’ai beau leur dire que bah, c’est pas si terrible
que ça, que ça dépend des bahuts, des classes, et surtout des moments de
l’année je vois bien qu’ils me croient pas ou plutôt qu’ils préfèrent croire ce
qu’ils voient sur Internet ou à la télé.
Je suppose qu’ils pensent que me voilà devant des classes de trente Arabes
qui foutent le bordel et refusent de manger du porc à la cantine. Attention je
ne vais pas nier que l’âge du collège, entre onze et quinze ans, est spécial.
On l’a tous vécu et on sait très bien que c’est spécial ; seulement avec le
temps, on a tendance à sous-estimer le degré de spécial que ça peut
atteindre, on a tendance à oublier que pendant que nous on vit, de gré ou de
force, dans BFM bizness, eux ils vivent dans Tolkien. Un truc que j’ai
compris sur le tard c’est la force du transfert au collège : c’est spiralaire et
alors ça n’arrête pas de faire le grand huit. Bref ça transfère sans cesse et
dans tous les sens (d’où les chouchous, entre autres). Le prof transfère
toujours à fond sur un ou deux mômes, soit parce qu’il est bon, soit parce
qu’il est nul, et il s’enferre dans ce transfert. Il peut s’y enferrer toute
l’année et déborder sur l’année suivante même s’il a pas le môme, d’où les
trois cent cinquante lignes pour le lendemain ou les heures de colle toutes
les semaines le mercredi après-midi ou
tout simplement les punchlines en plein cours, les remarques blessantes, les
ironies, ou au contraire les compliments à n’en plus finir – et que je
t’astique dans un sens ou dans l’autre.
Je me souviens d’une année où je transférais sur un môme sans m’en
apercevoir, naturellement, juste qu’il m’obsédait un poil plus que les autres
et que j’avais l’impression qu’il me cherchait, alors que je le cherchais tout
autant ; jusqu’à ce que je réalise qu’il portait le même prénom que mon ex
à une lettre près ; du coup, tout s’est débloqué et on a pu terminer l’année
tranquilles, lui et moi.
Que l’enfant soit devenu le cœur de quelque chose c’est bien la preuve
admise par tous que la vie des adultes est de merde mais aussi que le boulot
d’enseignant est secrètement détesté-envié
parce que c’est l’école qui a accès au stock d’enfants.
C’est l’école qui dérobe vite fait leurs enfants aux gens, dès trois ans, et si
ça pouvait être plus tôt on le ferait, et chacun sait d’expérience que le rêve
de la plupart des parents est de ne pas être séparé. Mais l’école vend dès
trois ans un boulot dans vingt ans. Ça fait trente ans que je vampirise la
vitalité des mômes qui me
comme on dit sont confiés ; c’est la seule raison pour laquelle à quarante
ans j’en faisais
trente et à cinquante quarante.
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