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Citation de MegGomar


C’était quand même assez bizarre, mais bon an
mal an, je me suis faite à ces nouveautés, notant juste qu’il y avait de
sacrées têtes dans cette classe des mômes qui, dans le Nord, auraient pu
directement passer le bac. Les premières réunions parents-profs avaient lieu
avant la Toussaint. J’ai disposé deux tables face à face, trois chaises d’un
côté, la mienne de l’autre, j’ai posé le carnet de notes sur la table et j’ai
attendu. Voilà que déboule une dame. Furieuse.
Que je donnais pas de devoirs. Qu’ils travaillaient pas assez. Que quel
avenir ils auraient. Que ça n’allait pas du tout. Qu’il allait falloir que je
revoie ma façon de faire. Et hop elle repart.
Elle m’avait retourné la tête. Pourtant j’en donnais, des devoirs. On
travaillait. Ça avançait. Je me suis dit qu’elle devait avoir des problèmes
personnels, cette dame, et je suis passée à autre chose. Ce n’est que bien
plus tard, des années après, que j’ai compris qu’elle n’avait pas de
problèmes personnels et qu’
elle avait juste exprimé de manière un peu vive ce que la plupart des parents
de la classe, trop polis pour le dire, devaient penser. Car leurs enfants
n’étaient pas des enfants d’agriculteurs, foyers ni petits commerçants,
destinés à devenir caristes coiffeuses, caissier, aide à la personne ou
reprendre la ferme : les parents visaient tous pour eux les classes prépa, et
j’étais bien placée pour savoir qu’une classe prépa, ça se prépare dès le
primaire ou à défaut dès le collège, et que la 3e est l’année décisive où vous
commencez à vous habituer à bosser comme un bourrin trois heures par soir
pour pouvoir enchaîner ensuite sans trop de surprise sur trois années de
lycée à bloc. Avant la prépa. La classe que j’avais eu pendant un an devant
moi, c’était une classe ghetto ; la meilleure 3e de toute ma carrière, sans
conteste. La crème de la crème.
Des futurs architectes, normaliens, énarques, profs de fac au pire. Et par un
de ces hasards bureaucratiques qui n’arrivent qu’en province, j’avais
décroché, alors que je débarquais du Maine-et-Loire par la grâce d’un
rapprochement de conjoint qui m’avait fait toucher le jackpot en
m’accordant 50 points de mute, la meilleure classe du meilleur bahut local,
de toute éternité destinée au prof préparé à les faire bosser trois heures par
soir rien qu’en français, et qui cette année-là avait dû bouffer de rage ses
copies en apprenant que quelqu’un lui avait
grillé la priorité sur le bahut dans lequel il comptait s’incruster. Les années
d’après, les choses sont revenues progressivement dans l’ordre. On a touillé
davantage, des très bons, des bons et des moins bons, mais l’établissement
s’est toujours distingué du second collège de la ville, à dix minutes à pied,
où étaient inscrits les gosses de la petite cité la seule. C’était bien trié dans
cette ville, et quand les parents ne voulaient pas du second bahut et
n’étaient pas contents du premier, ils mettaient dans le privé. Une grosse
dizaine d’années après mon arrivée, fin 2000, on a d’ailleurs construit un
lycée technologique qui a permis de déclasser
le lycée général où tout le monde allait ; comme ça on a pu formaliser les
trois étages : tout en bas le lycée pro ; au deuxième le vieux lycée général ;
et au sommet le nouveau lycée, pour les commerciaux les ingénieurs et tout.
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