« Mais tu ne peux pas être mon mari ! » - dit lise avec un léger soupir. « Et pourquoi donc ? » - « je suis une paysanne. » - « Tu veux m’offenser. Pour ton ami, rien ne compte que ton âme, ton âme sensible et innocente, - et Lise sera toujours la plus proche dans mon cœur. »
Elle se jeta dans ses bras, - et en cet instant l’innocence devait succomber !
Que te manque-t-il, pauvre Lise ? Autrefois, quand l’oiseau célébrait à son réveil le réveil de la nature, tu la saluais comme lui par tes chants. Ton âme pure, ta gaîté franche brillaient sous tes longues paupières, comme les rayons de l’aurore sur les gouttes tremblantes de la rosée. Et maintenant, tu es là, triste, pensive. La joie de la nature, la fraîcheur du matin n’arrivent plus jusqu’à ton cœur.
Si quelquefois le vent s’engouffre dans les tours, entre les murailles désertes, ou dans les longs corridors du monastère ; s’il rase, en sifflant, les tombes ou l’herbe qui les couvre, assis sur leurs marbres brisés, je crois entendre la voix des siècles passés, et je sens mon cœur se remplir peu à peu d’émotion et de mélancolie
« Ah ! Lise, lui dit-elle, comme Dieu a bien fait tout ce qui est sorti de ses mains ! J’existe déjà depuis soixante ans, et mes yeux ne peuvent se lasser encore d’admirer ce qu’il a créé ; ce ciel surtout, qui s’arrondit comme un vaste toit sur nos têtes ; cette terre qui se rajeunit tous les ans, et qui tous les ans se couvre de fleurs et de fruits. Ce bon père qui habite au-dessus de nous aime les hommes, puisqu’il a fait le monde aussi beau. Et qui pourrait sans regret se décider à le quitter, si l’infortune et les besoins ne s’y faisaient sentir quelquefois ? Mais cela, sans doute, est encore nécessaire ; c’est un malheur qui en empêche de plus grands ; car les hommes peut-être deviendraient plus méchans encore, si l’infortune ne leur rappelait de tems en tems leur faiblesse. On dit que ce sont après les années de bonheur qu’il y a le plus de malice sur la terre. »
D’un air mélancolique elle considérait les petits nuages qui, s’élevant de la prairie, retombaient en gouttes éclatantes sur les feuilles et le tapis de verdure dont la nature était parée. Autour d’elle régnaient le silence et le repos ; mais le soleil levant vint réveiller la nature engourdie ; les forêts, les buissons, l’herbe même parurent s’animer ; le chant des oiseaux annonça leur réveil, et quittant leur doux asyle, ils volèrent chercher la pâture et l’amour ; les fleurs ouvrirent leurs calices, et relevèrent leurs têtes inclinées, afin de recevoir les rayons nouveaux de la lumière ; les insectes même commencèrent à animer la scène champêtre par leurs bourdonnemens ; et Lise était toujours à la même place, plongée dans sa mélancolie.
Je me mets alors à errer, pensif, au milieu des cellules détruites, et je me crois bientôt environné des esprits des êtres malheureux qui les habitèrent.... Si j’arrête ensuite mes regards sur les peintures à-demi effacées qui couvrent encore les murs du temple, l’histoire de mon pays, de ces temps malheureux où des hordes de tartares inondaient la Russie, où Moskou elle-même, la superbe Moskou, semblable à la veuve, n’attendait de secours que du ciel ; l’histoire de cette époque funeste se retrace toute entière à ma mémoire.
Que te manque-t-il, pauvre Lise ? Autrefois, quand l’oiseau célébrait à son réveil le réveil de la nature, tu la saluais comme lui par tes chants. Ton âme pure, ta gaîté franche brillaient sous tes longues paupières, comme les rayons de l’aurore sur les gouttes tremblantes de la rosée. Et maintenant, tu es là, triste, pensive. La joie de la nature, la fraîcheur du matin n’arrivent plus jusqu’à ton cœur.
Telle fut la fin de la pauvre Lise !
On l’enterra au bord de l’eau, à l’ombre du gros chêne. Une croix de bois indique la place où repose sa cendre. J’aime à m’asseoir en ce lieu ; et souvent, plongé dans une triste rêverie, je considère en silence l’asyle où s’est réfugiée la jeunesse, la beauté : devant moi roulent les vagues du lac, et j’entends, sur ma tête, bruire les rameaux du chêne.
Cette remarque l’ayant rendu mélancolique, il commençait, comme tous les gens trompés dans leur attente, à se plaindre du monde, à se plaindre du sort. La beauté simple, les grâces ingénues de Lise, firent tout-à-coup une profonde impression sur son cœur ; et comme il avait la tête meublée de tous les contes de nos poëtes et de nos romanciers
« Je t’aime, Lise ! lui dit Login. » Et ces mots, plus doux qu’une musique céleste, pénétrèrent jusqu’au fond de son âme. À peine pouvait-elle en croire ses oreilles, et cependant.... Mais arrêtons-nous, et abandonnons à l’imagination un tableau qu’elle seule peut achever.