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Citation de le_Bison


Deux jours plus tard, vers midi, il y eut une étrange lueur au nord dans le ciel et nous apprîmes qu'un malheur, sur la nature duquel circulaient toutes sortes de rumeurs, avait frappé Hiroshima. Nous avons gagné la ville, à pied mon frère et moi. Bien avant les faubourgs le ciel était gris de suie en suspension. La terre était encore chaude. A l'endroit où se trouvait autrefois l'hôpital, une pancarte barbouillée par des médecins survivants donnait rendez-vous à vingt jours de là aux familles des malades et du personnel disparu, et recommandait de s'éloigner au plus vite. C'est la première fois que j'ai lu en japonais le mot "radiations". Du cœur des ruines montait le ronflement des grillons et des cigales, bien plus résistants que nous, qui agonisaient en chantant.
Au jour dit, nous sommes revenus, nous et ce qui restait de la famille. Il y avait foule autour de la pancarte : vestons rapiécés, vieilles casquettes d'armée, pieds entourés de chiffons : un petit clan primitif apeuré sous un totem tombé du ciel nouveau. Les cendres et les ossements humains récoltés dans les ruines de l’hôpital furent pesés sur une balance et équitablement répartis entre les endeuillés pour que les rites funéraires puissent avoir lieu dans les formes. Je ne me souviens pas d'avoir vu quelqu'un pleuré, je crois que nous avions trop peur : il y avait dans cette ville calcinée une menace qui dépassait bien les sanglots et les larmes. La distribution terminée, chacun s'est égaillé dans le soir en reniflant son chagrin. Nous avons fait le chemin du retour avec notre part nouée dans un mouchoir.
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