Il repense à une scène, un jour où il a vu un camion de déménagement renversé sur l'autoroute. La sueur froide qu'il a éprouvée de voir tout ce qu'on peut entasser avec les années, répandu sur le bitume, cartons de vaisselle éventrés, meubles disloqués, matières plastiques roulées par le vent. Et les voitures qui dépassaient en ralentissant à peine. [...]
Il avait encore ce souvenir en tête, plusieurs années après, lorsque sa raison de vivre ne consistait déjà plus qu'à rembourser des crédits, accumuler les objets, les appareils, multiplier les abonnements, les contrats d'assurance. Acheter, penser à l'argent, toujours. Poursuivre pour que rien ne s'écroule. Travailler à la seule fin de perpétuer le train de vie moderne, en être complice, maintenir la surenchère jusqu'au dernier souffle, transmettre le virus à la progéniture.