Il fallait bien qu'un jour les hommes se vengent de cette hauteur qui narguait les foules depuis des années.
Horatius avait les traits de Grégoire, sa bouche, ferme et bien dessinée, le galbe de son front , fier et sans concession. Horatius venait du fond des âges lui parler de l'homme qu'elle avait aimé, lui dire qu'il ne l'oublierais jamais, dans cet autre monde qui était devenu le sien, et, surtout, qu'il penserait à elle chaque jour qu'elle vivrait sur cette terre du Lubéron qu'elle avait faite sienne.
Anne s' élança le coeur soulevé de joie.Enfin, elle acceptait ce destin, elle aimait ce pays qui les avait accueillis, elle continuait.
Elle, Anne du Lubéron.
Des marches de pierre descendent de la bastide jusqu'au gazon découpé en terrasses.Tout en bas, un bassin recueille les jets d'eau qui ruissellent depuis les chiens de pierre sculptés sur la margelle de la Fontaine. S' ils épousent le mouvement de l'eau, les yeux s' arrêtent bientôt à une balustrade de fer forgé. Au loin, à perte de vue, les vignes d'une fin d'automne.Une éclaboussure d'or et de couleurs, une farandole de grappes poudres , violettes, qui réchauffent le ciel de plus en plus pâle.
Les visiteurs contemplent les tombes, très émus.
-Il fait savoir remettre ses pas dans les traces anciennes afin de mieux goûter les couleurs du présent, déclara le père de Colin.