Comment faire une chronique sur cet ouvrage sans évoquer Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet et héros des romans de Jean-François Parot ? Mis à part l’époque et leur métier, nos deux personnages n’ont rien en commun : Nicolas Le Floch aime son roi, et il reçoit avec gratitude toutes les marques de sympathie et d’estime que le monarque daigne lui témoigner. Volnay quant à lui, malgré son poste au service du roi, hait la monarchie, et ne rêve que de la renverser.
Certes, leur approche du métier est identique, ce sont tous deux des précurseurs en matière de police technique et scientifique, et ils ont chacun leur légiste attitré : le mystérieux moine pour l’un, le bourreau Sanson pour l’autre. Au niveau du caractère, là où Le Floch est plutôt enjoué et d’un commerce agréable, Volnay est un solitaire, n’ayant pour seuls amis que ce moine hérétique et sa pie qui parle. Il traîne avec lui le poids d’un passé douloureux, hanté par la vision d’un père soumis au bûcher.
« Les flammes d’un bûcher s’élevaient sous les yeux d’un petit garçon qui pleurait, consumant son âme parce que ce petit garçon… c’était lui.
— Je ne crois plus en Dieu, mademoiselle, car on dit de lui qu’il a fait l’homme à son image. Ce doit être alors quelqu’un de bien détestable. »
Il est d’un tempérament plus sombre et plus rigide, lequel va être mis à rude épreuve par la belle Chiara d’Ancilla, agent de la Pompadour, pour laquelle il a une tendre inclination, mais qui est aussi courtisée par ce diable de Casanova. Et entre les deux va naître une rivalité, perturbant Volnay et affectant ses capacités de réflexion, ce dont va jouer Casanova, rompu aux intrigues de toute nature, qui paraît être dans cette affaire plus qu’un témoin.
Volnay hait le Roi et la monarchie, et parallèlement à cela il les sert fidèlement, par amour de la vérité et de la justice, ce qui crée en lui une certaine dichotomie. Malgré son côté rigide, il nous apparaît tout de même sympathique, cette rigidité masquant les failles intimes que nous devinons. J’ai bien aimé aussi le personnage de ce moine énigmatique, savant et médecin, et le rapport presque filial qu’il entretient envers le chevalier de Volnay.
Louis XV, que l’histoire a surnommé « Le bien aimé », nous est présenté ici sous un jour un peu moins flatteur, peut-être exagéré, monarque obsédé de sexe à qui il faut des concubines de plus en plus jeunes. Il a l’air de n’être pas concerné par les affaires du pays, le mécontentement du peuple et sa misère grandissante. Son comportement même pourrait augmenter le ressentiment à son égard. On remarquera que tous les ingrédients sont déjà en place pour le grand embrasement qui ne se produira que 30 ans plus tard…
Il est quand même curieux de constater qu’en ce siècle dit « des lumières », qui voit l’émergence des encyclopédistes, où la raison et le progrès triomphent de l’obscurantisme, où la philosophie bat en brèche la religion, les gens soient prêts à croire aux mirages de l’alchimie, et toutes autres superstitions.
Ce roman est bâti sur un arrière-plan historique d’une grande précision, érudit sans être didactique ni assommant. Fort bien troussé, d’une écriture fluide et élégante, l’intrigue captivante comporte son lot de rebondissements et de péripéties assez rocambolesques. C’est un roman que j’ai lu sans peine, même si par moments je me suis un peu embrouillé et ai perdu le fil de l’histoire, parmi tous ces personnages et factions aux intérêts multiples et divergents.
Une roman fort agréable à lire, présentant une vision de l’Histoire assez éloignée des images d’Épinal, bien différente de celle que l’on nous a enseignée sur les bancs de l’école, mais sûrement bien plus proche de la réalité.
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