Filles de la terre et du vent, les arches ne représentent-elles pas, aux yeux des Indiens, des fenêtres ouvertes sur un autre monde?
Ces paysages fous, ces poèmes de pierre, nous sont aussi des paysages intérieurs, et ces pistes, des chemins où retrouver une part de nous-mêmes, enfouie et tellement nécessaire.
Nous le savons bien, dans le fond, que la beauté ne naît jamais qu'au plus près de notre "part sauvage" -- et que nous nous en exilons de plus en plus, nous trop civilisés.
Le Wild West? D'abord une expérience métaphysique.
Chaque jour dessine un paysage nouveau sur Grand Canyon. Les tout derniers rayons du soleil embrasent les cathédrales de pierres. Au petit matin, l'ombre bleutée d'avant le lever du jour dévoile peu à peu l'entaille profonde du fleuve Colorado.
L'air est si sec que, lorsqu'il vient à pleuvoir, l'eau parfois s'évapore avant même de toucher le sol -- et ces écharpes de pluie ondulant dans le ciel ont quelque chose d'irréel, tandis qu'à vos pieds tout crie de chaleur et de soif.
Il y a des lieux sacrés sur le plateau du Colorado oû les arcs-en-ciel sont restés prisonniers de la pierre. D'après les croyances des Indiens Navajo, qui peuplent la région des Four Corners, les dieux voyagent juchés sur le dos de ces arcs de lumière. Page 47.
Dans les déserts de pierre, les genévriers bois morts en apparence, s'accrochent à la vie en puisant encore de l'eau dans d'étroites fissures.
Rocs éclatés de sécheresse, terre trop maigre, ciels brûlés, canyons inaccessibles, mais aussi forêts bien profondes, eaux claires sous le silence des grands séquoias pourpres, prairies sans fin, glaciers -- qu'est-ce donc qui nous ramène sans cesse à ces paysages, quelle musique, quel appel?
Buissons coléreux dardant des feuilles tranchantes comme des lames, épieux empoisonnés, harpons barbelés, lanières ondulant dans le vent, hérissées d'épines, cabrées par la volonté féroce de durer -- et dominant ce tumulte meurtrier, pensifs, les géants saguaros : splendeur féroce du Sonora.