Julie me demandait toujours : "Comment fais-tu pour ne pas perdre pied ? Comment fais-tu pour côtoyer aussi aisément la mort ? " Je lui répondais que je ne m'y habituais pas, bien qu'elle fasse partie de mon quotidien et que j'aie appris à vivre avec elle. Julie me trouvait parfois insensible, impassible, mais c'est une carapace, une armure... Non, Julie, je ne la supporte pas, la mort, elle me révulse, néanmoins elle fait partie de notre univers, c'est le bout du chemin de tous les êtres. Je ne suis pas fatigué de voyager, de dénoncer les injustices et les barbaries de notre monde. Je ne vois pas que la laideur. Notre quotidien ne me fait nullement peur. Je me sens seulement coupable d'être heureux, fautif parfois d'exister quand tant de gens mériteraient de vivre. Oui, j'ai choisi la plume comme arme, un atout fragile, mais tellement vrai. Et l'encre qui coule sur le papier ne suffira pas à combler tout le sang versé dans des conflits absurdes pour lesquels tant d'innocents paient le prix fort.
Sommes-nous si peu de choses ? Pablo et moi avons notre dignité en commun. Nous sommes debout, par conséquent vivants. La vie est le bien le plus précieux : notre liberté intellectuelle contre le fanatisme religieux. Nous faisons notre métier, au front, mais proprement. Nous en connaissons les risques. Nous les bravons. Un courage désarmant pour nos proches et une chance inouïe pour notre directeur de rédaction. Nous sommes en contact permanent avec lui. Nous disposons de ce code : nous joindre, d'une manière ou d'une autre, une fois par jour, de préférence en soirée.
La véritable arme contre la guerre demeure la paix.
" ne ferme pas la porte à tes rêves, et si une porte reste close, essaie une autre clé".