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Critiques de Omar Benlaala (17)
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L'Effraction



Si l'auteur prend comme prétexte le livre d'Edouard Louis "histoire de la violence" comme toile de fond et en déplace les personnages en racontant l'histoire du point de vue de Réda, jeune homme "issu de l'immigration" et interrogé par un sociologue. Il expose ses difficultés à vivre entre deux cultures, ses problèmes de sexualité, le mal être des jeunes à vivre à notre époque, l'intégration de ses parents et le poids de la religion face à toutes ces frustrations.

Un livre intéressant, une réflexion sur le mal être des jeunes français à vivre, s'intégrer dans notre société.







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Tu n'habiteras jamais Paris

Cet ouvrage, somme toute modeste, avec moins de 200 pages, est un récit qui parle d'exil, d'Histoire et d'histoire, de famille et de racines, de transmission, au travers de 2 voix principales :

Bouzid, l'Algérien qui rejoint Paris dans les années 60. Martin, un limousin du début du 19e qui arrive à Paris en 1830, lui aussi pour travailler et tenter d'avoir une vie meilleure. Martin suit les traces d’ouvrier de son père dès 14 ans, Bouzid se démène pour échapper à son destin qu'il juge étriqué.

Tous deux seront maçons.

Une troisième voix est celle de l'auteur. Il clarifie – souvent a priori – le texte des 2 autres, mais il reste secondaire, comme un support.



Des préoccupations et sujets communs se répondent d'un chapitre à l'autre, des parallèles inattendus à plus d'un siècle d'écart et pourtant pas si surprenants pour ces deux histoires d'exil : l'alcool, les dangers du chantier, les rivalités de corporations, le poids de la famille, la transmission des valeurs. Et Paris.

Avec Bouzid, on revisite Paris, on la voit avec d'autres yeux et à notre cœur s'accroche un peu de nostalgie partagée.

Avec Martin, l'esprit du 19e est très bien saisi. Un joli vocabulaire, le rythme des phrases est agréable et entrainant. Les vieux métiers, la ville de Paris comme on ne la reverra plus, car Haussmann (dont Martin est d'ailleurs un bras armé) sera passé par là. L'ambiance est bien retranscrite, on s'y voit.

On parle, donc, d'Haussmann et des barricades, de Paris des maisons de bois et de la Banlieue ouvrière, Villemomble, Le Raincy, Montreuil…

Dans les 2 récits, la musique de Paris résonne à nos oreilles… Ménilmontant, Place de Grève, Chaussée-d'Antin, Belleville, Place de Clichy, galerie Vivienne…



J’imagine si bien Bouzid racontant son histoire ! Et moi dans la peau de son fils, attentive et souriant aux anecdotes qui se raccrochent parfois à ma propre vie, les petites piques aussi parfois : "Certains parlaient très bien le français. Mieux que toi." Il y a vraiment de la tendresse dans ce texte.

Le passage sur la quête spirituelle de l’auteur, étrange interlude (pp. 148-153), arrive un peu comme un cheveu sur la soupe, même si ensuite il aidera à un peu mieux comprendre le contexte du discours de son père. J’ai grandi en banlieue parisienne, à une époque où la mixité sociale et la religion des copains n’était même pas un sujet, alors, question de génération, les anecdotes et souvenirs de collège de l'auteur, notamment celui concernant la 1ère guerre du Golfe en 1991, trouvent en moi un certain écho.



Ce Bouzid, je l’aime. A une dizaine d'années près, il a l'âge de mon propre père, immigré lui aussi. Et plusieurs fois dans le texte des passages semblent me parler directement. J'y retrouve cette mentalité commune à une grande majorité des immigrés 1ere génération, centrée sur le travail et les enfants, si différente de celles des 2èmes générations, dont je suis, qui ont pris des directions tellement variées.

J'ai été plus touchée par les chapitres le concernant que par tout le reste. Je pense, à moins que ce ne soit qu'une question de sensibilité, que l'auteur y a mis plus de cœur, plus de lui-même. Le récit de Martin est plus factuel.



J'ai aimé l'écriture de cet ouvrage, qui décrit la pauvreté, le dénuement et les âmes en détresse avec une langue riche et ronde, lumineuse. Globalement c’est assez bien construit en ce sens que tout semble à sa place.

Ce n'est pas un livre qu'on dévore. Il se lit facilement et rapidement, mais il se sirote comme un bon sorbet.



Ouvrage reçu dans le cadre de Masse Critique septembre 2018. Merci !
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La barbe

C'est le livre qu'il faut lire pour comprendre le phénomène de la radicalisation religieuse. Loin des afféteries de pseudo-experts, des bazars de la pensée et des théories aussi molles que vaseuses, l'auteur nous donne de quoi réfléchir sérieusement à travers un récit amusant et détaché en ces temps de perturbations idéologiques.
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La barbe

Cela se passe au milieu des années 1990. Omar Benlaala est un jeune parisien aux marges de la délinquance. Sa scolarité est un échec, il traîne avec ses amis du quartier et ne sait guère quoi faire de sa vie. Comme nombre d'entre eux, son avenir semble tout tracé : prison ou hôpital pour toxicomanes ou encore cimetière. Un jour, un ami lui propose de l'accompagner dans une mosquée des hauteurs de la capitale française. «Il y a du thé et des cacahuètes» lui dit-il en guise d'argument définitif. Omar est convaincu, il va suivre le mouvement.



Premier contact, donc, avec la mosquée. Et là, déjà, face aux gens agglutinés autour de la théière, une certaine fascination pour l'apparence : «sur une dizaines de convives, la moitié porte la barbe et l'habit ‘'musulman'' - un mixte entre la tunique héritée de l'arrière-pays pakistanais et la robe de l'homme d'affaires saoudien : ça en jette bien plus que ma dégaine mille fois vue et revue. L'image de Satan Petit Cœur me vient immédiatement à l'esprit. Ce personnage de Dragon Ball – dessin animé culte pour ma génération – m'a ensorcelé au point de devenir l'une des causes de ma précoce déscolarisation».



C'est d'ailleurs ce personnage qui va inspirer Omar quand il va commander « sa » tenue. Lui qui, quelques semaines plus tôt usait et abusait des substances interdites. Lui qui ne parle presque pas l'arabe, qui connaît à peine les premiers versets du Coran – il s'entraîne ferme pour mémoriser la Fatiha – le voilà paré de l'habit qui lui permet d'afficher sa réislamisation car c'est bien de cela qu'il s'agit. Autre extrait : « L'adaptation aux normes musulmanes de virilité se fait sans heurt : le turban vaut bien la casquette, et quel plaisir de glisser un bâton de khôl entre les paupières avant chaque promenade ! (…) Sur la route, regards stupéfaits et mines pantoises. Si, à l'heure où j'écris, les barbus en tenue traditionnelle sont légion à Ménilmontant, au début des années 1990, ils étaient aussi rares que la naissance d'une étoile dans le ciel de Paris. Moi, le boutonneux de service, je devenais celui dont on parle, que l'on regarde, et j'adore ça. Je teste, bien avant l'émergence des réseaux sociaux, l'effet pervers du commentaire. »



En lisant ces lignes, il est impossible de ne pas penser à toute cette jeunesse française de culture ou de confession musulmanes dont l'affirmation identitaire passe par l'habit. Qamis et barbes pour les uns, hidjab voire plus pour les unes. Il y a quelques jours, dans une station de métro située dans les beaux quartiers de l'ouest parisien, cinq ou six jeunes filles voilées sont montées dans la rame. Silence gêné, regards inquiets ou hostiles les ont accueillies. Une fausse indifférence, crispée, aussi. Elles en avaient conscience. Certaines en rajoutaient dans le bruit et l'agitation. D'autres faisaient mine de ne pas s'en émouvoir mais leurs regards en coin les trahissaient. « Ce ne sont que des adolescentes mais la plupart des gens ne le voient pas. Ils se persuadent d'autre chose », m'a dit le confrère qui m'accompagnait. A la gauche de la gauche, islamophile et militant anticolonial de longue date, il m'a avoué qu'il a mis longtemps à accepter la vision quotidienne du voile. Je n'ai pas eu besoin qu'il me dise cela pour être convaincu que cette affaire est loin d'être terminée et que le hidjab – ne parlons même pas du reste – va continuer d'entretenir les (mauvaises) passions à l'image de ces pauvres types qui, à Paris, ont agressé Latifa Ibn Zyaten, la mère de l'une des victimes de Merah parce que, justement, elle porte le voile.



Omar Benlaala a continué son apprentissage religieux. Il a mémorisé de nombreuses sourates. Il a maîtrisé la langue arabe. Avec ses camarades prosélytes, il a sillonné la région parisienne, se déplaçant de mosquées en salles de prières. Puis, est venu le temps des voyages initiatiques à travers le monde. Le Pakistan, l'Inde… D'autres pays musulmans. Dans ce périple, Omar a eu de la chance. L'hydre djihadiste ne l'a pas capturé. Sa quête identitaire et religieuse l'a mené plus vers les champs de la spiritualité. Puis ce fut le retour à Paris et cette étrange combinaison : la barbe, toujours et encore, autrement dit la persistance d'un lien avec le religieux, et… la défonce sur les pistes de dance. On lit cela étonné. On relit. On se souvient des textes de Fanon ou de Werth à propos de la danse, de son caractère exutoire, de ce qu'elle dit des violences refoulées.



La quête d'Omar l'a conduit vers l'apaisement et une pratique spirituelle plus sereine. Tout cela est écrit avec talent et simplicité. Les mots choisis sont justes, l'humour y est souvent présent sans pour autant que l'auteur ne tombe dans le piège du style « wech-wech ». De temps à autre, des institutions publiques font appel à Omar Benlaala pour qu'il raconte son parcours aux jeunes des quartiers populaires. Il accepte de bon cœur, conscient des enjeux de notre époque. On lui souhaite bonne route, on attend de le lire encore – il recueille actuellement la parole et les souvenirs de ses parents immigrés algériens – et le seul conseil que l'on puisse se permettre de lui adresser est de se méfier des médias obnubilés par le djihadisme qui sévit en France, faune toujours à la recherche d'un « bon musulman » utilisable à souhait pour donner du crédit au discours islamophobe.

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Tu n'habiteras jamais Paris

Omar Benlaala, auteur par ailleurs d'un récit autobiographique sur son expérience précoce de la « radicalisation islamiste » dans la France de ce début du XXIe siècle, entreprend ici de rapporter les mémoires de la migration de son père, Kabyle venu à Paris comme maçon et devenu enfin syndicaliste. Peut-être par le hasard du nom du lieu où se sont déroulés les entretiens, il découvre une multiplicité d'analogies entre le parcours migratoire paternel et celui de Martin Nadaud, lui aussi immigré à Paris depuis la Creuse dans la première moitié du XIXe siècle, lui aussi maçon devenu député et promoteur de la loi de 1898 sur les accidents du travail. Les deux récits, à la première personne, s'alternent et se croisent savamment, pour mettre en évidence les invariants multiples dans les tribulations et l'ostracisme subis par les deux hommes, à environ cent ans d'écart ; ce n'est qu'avec une grande parcimonie et discrétion filiale que l'auteur ajoute sa propre voix, en italiques et qu'il tente, presque sans succès, de recueillir aussi la parole maternelle.

Les éléments de similitude entre les deux biographies, outre les outrages liés à la mauvaise réception des « prolétaires » venus d'ailleurs, que le titre de l'ouvrage résume et le chapitre initial introduit – discrimination urbaine dans le logement pour Bouzid Benlaala, plusieurs exils dus aux turbulences politiques du XIXe s. pour Nadaud –, représentent les conditions générales du passage de la tradition à la modernité : d'abord linguistique, par la maîtrise du français (on parlait encore le patois dans le Limousin), ensuite dans le voyage migratoire – y compris l'arrivée décalée des épouses et la recomposition du foyer – ou encore dans la progression sociale à travers le travail, en particulier pour « le peuple des bâtisseurs », jusqu'à la question cruciale de l'émancipation, personnelle et de sa progéniture, grâce à l'instruction. Le contexte politique aussi aurait pu offrir des analogies, qui malheureusement n'apparaissent qu'en filigrane : des frustrations et hostilités liées à la guerre d'Algérie à l'apparition de la « question musulmane » qui occulte à peine la dégradation du marché du travail à partir du début des années 80, pour l'un, les avatars sanglants de l'action politique révolutionnaire et socialiste sous les différents régimes institutionnels, pour l'autre.

Mais hélas, même en dehors de cette omission, les deux récits n'ont pas le même poids : la reconstruction fictionnelle de la biographie de Nadaud, dont pourtant il doit exister plusieurs sources, est presque ancillaire par rapport à l'autobiographie retranscrite du père. C'est mon plus grand regret. Par contre, j'apprécie beaucoup la précision avec laquelle la langue du personnage du passé a été rendue, à la fois légèrement obsolète et chargée de ces expression argotiques, régionales, figurées (populaires et sans doute tirées du jargon du métier) qui le rendent tout aussi vivant que le personnage du père : à cette maîtrise linguistique on reconnaît, en fin de comptes, l'étoffe de l'écrivain.
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L'Effraction

Comment donner du plaisir quand t’as pas encore appris à en prendre !



Si le livre n’avait pas été un roman, j’aurais commencé par une citation de la fin de préambule : « un jeune Français d’origine Kabyle confronté à la difficulté de vivre sa sexualité dans une société déchirée par son passé colonial ». J’aurais vraisemblablement discuté du lien entre être-d’origine, culture, et sexualité. La focalisation sur les éléments nommés culturels ne me semble ni appropriée pour discuter des socialisations, ici masculine, ni sur « les événements de Cologne » (Et sur ces événements j’aurais renvoyé aux textes divers publiés sur le blog).



J’aurais peut-être émis un doute sur la sociologie de Pierre Bourdieu en particulier sur la domination masculine.



J’aurais plausiblement indiqué que nous (les êtres humains socialisés comme homme) avons tous des difficultés à vivre notre sexualité et nous en faisons payer le prix à nos partenaires (ce n’est pas à un homme de parler à la place des êtres humains socialisées comme femme)…



Je m’éloigne en lisant et en écrivant de la présentation éditoriale.



La force du roman d’Omar Benlaala est dans sa construction, le choix des situations et des ruptures, les titres de chapitre aux lectures possiblement multiples (eau de Cologne, à l’intérieur, histoire trouée). Un livre comme un des chantiers que le personnage principal aime tant.



Des dialogues, « C’est fou cette faculté qu’on a à se raconter des histoires quand on rencontre plus fort que soi », le récit de dialogues, une invitation perçue immédiatement comme une erreur.



La Kabylie, le regard d’ici et de là « Pas vraiment de double nationalité, plutôt moitié de chaque ». La famille et les silences, « le silence des profondeurs ». Le sexe, les sexes.



L’ambiguïté et l’effraction, « ce n’était pas exactement là que nous en étions », la violence sourde que l’on s’inflige, le paravent des mots, « des mots en retard, qui n’arrivent pas assez vite pour répondre à l’offense », la vente permanente « du rêve, de la salive et du vent », garçon ou fille dans une histoire…



De quoi l’effraction est-elle ici le nom ? Concerne-t-elle un ou des personnages ou la lectrice et le lecteur ? Le silence rompu ou une vérité dévoilée ? La colonisation, l’effraction d’un corps ou les mots pour le dire ?



Des livres laissés. Une lecture, l’ouverture à la compréhension…



Toutes les lectures possibles allumées par l’incandescence des phrases…
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La barbe

En vérité, un cycle se clôt



Avant de m’affranchir de la lettre du récit, je reproduit le résumé de l’éditeur :



« Omar retrace dans ce livre un itinéraire précurseur, le sien : comment, jeune Français d’origine algérienne, il est devenu, au milieu des années 1990, l’un des premiers « barbus ». Il raconte les étapes successives de sa quête d’identité : décrochage scolaire, apprentissage accéléré de l’islam dans les mosquées de la région parisienne, voyages initiatiques à travers le monde, puis défonce sur les pistes de danse. Au terme de ces expériences, il trouve finalement son équilibre dans une pratique spirituelle apaisée. Il y a dix ans, alors qu’un nombre croissant de jeunes font le choix de l’islamisme, Omar coupe sa barbe et redevient invisible. Commence alors pour lui une nouvelle quête, ne visant plus ni l’absolu ni la distinction, celle du calme intérieur. Le parcours singulier d’Omar aide à comprendre celui d’autres jeunes qui, aujourd’hui, se cherchent dans la religion. »



Un livre, pas seulement un récit, des mots et des phrases qui donnent sens au passé proche et au présent, « Je ne cours plus, je lis, j’écris ». Omar Benlaala donne à voir, à un travers son livre, une histoire, des possibles et des bifurcations, des ruptures… « N’ayant jamais mis les pieds dans une mosquée, je ne savais pas ce que j’allais y trouver. Mais parfaitement ce que je fuyais ».



Milieu des années, une ville et un quartier populaire, « leurs vêtements suintent l’humilité, leur mine l’épuisement », des rencontres plausibles…



Changement de look, barbe et ce « mixte entre la tunique héritée de l’arrière-pays pakistanais et la robe de l’homme d’affaires saoudien », sans oublier le turban « Et si, en plus, dans le package, ils fournissent le turban… »



Un monde si différent et si proche, entremêlé à ce qui lui semble séparé, monde des croyants, monde des super-héros, autre temporalité, « une discipline bien venue : apprendre me manquait ». Un monde de mots, de métaphores, « mais je n’ai pas aperçu aucune nuée de flamants escorter le groupe ». Dois-je rappeler ici que les lectures ne sont jamais littérales, hors des espaces et des temps…



Échapper à sa condition, pas forcément « devenir un virtuose », participer et être… Trouver et mettre une clé dans une serrure pour ouvrir les portes… « Je résume ma joie d’avoir trouvé un lieu de vie, des amis, ma nouvelle ambition, et tout un tas d’histoires ».



La société nous fait malades et « Au malade, il faut un remède radical. Le comportement irréprochable que promet l’institution religieuse apparaît comme une panacée ». Il fut un autre temps où le radical se nommait « socialisme »…



Chacun-e se construit ses mondes plausibles, les pensées plus ou moins contraintes par les environnements et les possibles envisageables, « mon imagination se hâte de construire des mondes où je suis le héros », et ce héros est invité à parler, à prêcher, « Moi, le boutonneux de service, je devenais celui dont on parle, que l’on regarde, et j’adore ça », amour propre, rayonnement et retour à la réalité du métro parisien et ses jeux de miroirs, « Je me sens tout d’un coup moins seul, mais redeviens insignifiant… ».



Rapport avec d’autres jeunes, le respect, « j’ai taquiné le juge quand eux n’ont pas dépassé le commissariat », sociabilité et socialisation des hommes…



Voyage en Inde, au Pakistan, « Et à mon âge, mesdames et messieurs on ne craint rien. On expérimente ». Voyager alors, ce n’est pas comme aujourd’hui, « Aux yeux des douaniers, nous sommes des excentriques, pas encore des suspects ». D’autres rapports aux êtres humains, d’autres relations spirituelles, d’autres inclinaisons sensorielles, « Le son, bien plus que l’image, fait la différence : le sermon est psalmodié, comme c’est de coutume pour la récitation des versets du livre »… Beauté du langage des « chants » religieux…



Un voyage expérience, « Un mois au Pakistan vaut un an sous les armes » ; dérivés religieux et commerce, « Les commerçants entourent la poule aux œufs d’or de mille attention » ; le devoir de croyant, « ici, on responsabilise ; on n’ordonne pas » ; des interrogations « ma religiosité ne serait pas, comme la sienne, le fruit d’un conditionnement ? »…



Retour, les constatations grimaçantes, « A ma gauche, une femme aussi outrageusement fardée que je suis travesti ; nous sommes bien plus semblables que sa grimace ne le suggère : la camouflage diffère, pas la pathologie »…



Le désir d’autres moments, d’autres rencontres, « laissez-moi danser », le contact avec les femmes ; faire et défaire, « Le religieux se nourrit de remords » ; retour à la drogue, « la drogue ne crée qu’un semblant d’égalité » ; la fin d’un cycle, « Entre le saint et le noceur, les premières semaines de cohabitation sont un cauchemar » ; de « lumière du quartier » à vampire…



Changement de vêture, d’accoutrement, reste la barbe « collée à ma gueule de métèque, que je me refuse à élaguer, persuadé que je ne fais que traverser les limbes », gueule de métèque, cette gueule qui ne rentre pas dans le moule d’une certaine blanchité, cette gueule aussi des schwartz, ces juifs/juives des années 30, ces immigré-e-s de l’Europe de l’est, ces immigré-e-s de autre coté de la Méditerranée… Et aujourd’hui ceux/celles qui sont et ne sont pas vraiment des « français » comme les « autres », ceux/celles qui portent aussi une casquette à l’envers, un foulard, une perruque, un turban, une kippa, des signes qui les font montrer du doigts… Mais je m’égare…



Retour sur soi, basculement du siècle « Ni les tapis, ni les parquets ne me retiennent plus ». Nouvelle spiritualité, Chypre, le dhikr… « je décide de trancher dans le vif ».



Le dernier chapitre « Anonyme ». La barbe coupée, un petit logement, un contrat, deux années à la Réunion… Retour au quartier « Un rêve se réalise. J’ai enfin acquis le seul véritable superpouvoir : l’invisibilité ». Le temps aussi de l’écriture, « Je ne cours plus, je lis, j’écris ».



Un livre, un écrivain plein d’humour, loin des inventions complotistes, des simplifications racialisantes… Il est des rêves dont on ne se réveille pas, d’autres qui tournent au cauchemar, d’autres enfin qu’on espère rêver…
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La barbe

Omar Benlaala raconte son parcours. Il a 20 ans dans les années 90. Pauvre, désœuvré, drogué, il pousse la porte de la mosquée de son quartier au moment où l'ecstasy fait un carnage chez les toxicos . Ses objectifs : « «échapper à sa condition », « devenir un autre », mais aussi s'amender auprès de ses parents. Mais ces derniers désapprouvent son engagement : « cette fois-ci, ce ne sont pas les voyous qui prennent leur fils, mais les barbus ». Sa formation religieuse se poursuit par un long voyage qui le mène au Pakistan, au Bangladesh et en Inde. Là, il sombre à nouveau dans la drogue mais redécouvre une manière plus libre de pratiquer sa foi. Dès son retour en France, il prend ses distances avec la mosquée. Et malgré encore de nombreuses années d'errance, il parvient à trouver son équilibre entre sa vie personnelle et sa foi. Si la religion est montrée comme une voie de sortie possible pour un ado en rupture, dans le cas d'Omar, la démarche se fait sans haine ni violence contre quiconque, juste dans la volonté de s'en sortir. Sa vivacité d'esprit se heurtera très vite à l'autorité et au dogme rigoristes qu'on cherche à lui imposer et c'est elle qui lui permettra de s'en sortir, dans tous les sens du terme.
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L'Effraction

Un bon exercice du style en réponse du livre d'Edouard Louis, que j'ai beaucoup aimé, même s'il va plus loin, de plus, le sujet sur la misère sexuelle dans les quartiers défavorisées, sujet central au final, et décrit de façon plus intime et présent à la fois, qu'on pourrait le croire.
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La barbe

Après avoir lu "Tu n'habiteras jamais Paris" où il était question de son père en grande partie, j'ai eu envie de rependre le récit d'Omar Benlaala écrit dans la collection "raconter la vie". Un livre dans lequel il revient sur son parcours à lui cette fois-ci. Un parcours dans lequel il découvre la religion avant de vivre uniquement par rapport à elle puis d'évoluer dans les extrêmes. Omar Benlaala avec précision revient sur une trajectoire marquée par le décrochage scolaire, un rapport aux drogues complexe, sa découverte de la religion ou encore la quête d'un équilibre qu'il peine à trouver. L'auteur se livre et déconstruit les raisons qui l'ont poussé à faire tout ce qu'il a fait. Il essaie de comprendre, témoignage, constate, ne juge pas. C'est souvent de petits bouquins passionnant cette collection initiée par Pierre Rosanvallon et "La barbe" d'Omar Benlaala ne fait pas exception. N'hésitez pas à découvrir ce texte.
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Tu n'habiteras jamais Paris

Un livre bouleversant sur les conditions de vie des travailleurs immigrés dans les années 70 mises en parallèle avec celles des travailleurs de la Creuse ou du Limousin au 19ème siècle.

Ceux qui ont construit les immeubles et monuments de Paris sans jamais pouvoir y habiter.
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Tu n'habiteras jamais Paris

Bouzid, émigré algérien en 1960 et Martin, exilé creusois en 1830, ont des points communs. Le premier, ils sont devenus maçons à Paris pour gagner leur vie, pour échapper à ce qui leur était promis, une vie étriquée, miséreuse, repliés sur eux-mêmes. La misère, ils vont la connaître tous les deux ainsi que l'injustice sociale. Ils vont refuser tous les deux ce que la société leur réserve, se battre pour l'accès à l'instruction, à la culture, pour les autres, pour leurs enfants.

Par le biais d'Omar, fils de Bouzid, ce récit à plusieurs voix met en évidence la situation ouvrière, quelque soit l'époque et l'origine, les problématiques des ghettos, de l'éducation, de la langue. Rien n'a changé sous le soleil hélas !

Le récit n'est pas revendicatif ni agressif. Bouzid explique sa trajectoire de vie avec calme et sérénité comme souvent les émigrés de première génération.

J'ai aimé le parallèle fait entre la vie des deux hommes et le ton de l'ouvrage, dire les choses clairement et calmement dans le but de progresser... et de ne pas oublier non plus.
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Tu n'habiteras jamais Paris

L'auteur retrace le parcours de son père en lui donnant la parole. Au fil du dialogue, on découvre un homme venu de Kabylie jeune pour travailler en tant que maçon en France, dans des conditions difficiles. Son père se livre un peu comme dans des mémoires et l'on découvre un homme qui découvre un pays avec en arrière fond du racisme à son arrivée en 1963. Bouzid explique à son fils Omar l'écrivain que petit à petit il trouve sa place et finit par défendre d'autres collègues ouvriers en se syndiquant. La lutte l'anime tout comme la défense des conditions de travail des maçons parisiens. Mais l'apprentissage est long et laborieux notamment son rapport à la lecture. En parallèle on découvre l'histoire étrangement similaire de Martin Nadaud, un homme qui vient de la Creuse au début du XIXe siècle. Ce dernier migre aussi vers Paris pour y travailler comme le père de l'auteur et il est maçon, et comme le père de l'auteur il va se politiser en devenant député. Une autre époque, mais une trajectoire similaire. Omar Benlaala écrit un livre touchant et construit sur ces deux trajectoires. Un livre qui raconte les migrations et le difficile sentiment de se sentir entre deux pays, entre deux mondes. Il y a aussi de très beaux passages sur la paternité de son père et l'arrivée de ses deux enfants, dont Omar le plus jeune qui finit par faire les quatre-cents coups lorsqu'il grandit. "Tu n'habiteras jamais Paris" est un livre à découvrir.
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Tu n'habiteras jamais Paris

Petit roman très court. J’ai apprécié le stylé ça se lit facilement. En revanche je me suis parfois perdu dans les Changements de narrateurs ... c’est dommage. Ça aurait bien collé pour le thème des terminales identité diversité. Il s’agit d’un algérien qui raconte son intégration en France.
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Tu n'habiteras jamais Paris

Livre reçu avec l'opération Masse Critique.

Voici, après celui parut en 2015 sur la période où il était l'un des premiers barbus français, le récit d'Omar Benlaala sur les premières années de son père venu à Paris chercher du travail.

L'auteur narre les souvenirs de son père Bouzid, algérien, venu à Paris dans les années 60 afin de travaille après avoir quitté sa terre natale où il a laissé sa femme et sa famille. Il trouvera des emplois de maçon, métier exercé pour la plupart par les étrangers.

Bouzid est fier de son travail malgré les moments difficiles et les problèmes rencontrés dus à la langue.

Omar Benlaala ne se contente pas d'écrire l'histoire de son père. Un autre personnage rentre dans ce récit. c'est Martin Nadeau, maçon lui aussi. Mais celui-ci est né en 1815 dans la Creuse. Et comme Bouzid, il viendra aussi à Paris.

Quel lien entre ces deux personnages ? le monde ouvrier et toutes les difficultés rencontrées.

L'auteur nous promène dans un Paris à reconstruire et tisse le lien entre ces deux mondes : celui du 19ème et des années 60.

Un récit plein de nostalgie, de misère et de courage face aux difficultés.

En même temps, même si les descriptions sont intéressantes, ce récit a un air de déjà lu. Une histoire où l'on ressent les clichés littéraires sur les différences de classe sociale et culturelle qui viennent ternir une belle idée de départ.

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L'Effraction

Un court roman. Stimulant.
Lien : http://www.lepoint.fr/livres..
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L'Effraction

Ce livre se veut une réponse à la violence subie par Edouard Louis une nuit d'hiver et qui a débouché sur "Histoire de la Violence" avec pour conséquence une plainte pour viol contre Reda le jeune homme qui l'avait dragué et avec qui il avait passé la nuit.



Dans ce récit Réda est plongeur dans un restaurant en attendant mieux, ce qui lui permet de subsister, et de garder la tête hors de l'eau. Dans l'espoir d'améliorer sa condition, il prend des cours de théâtre le dimanche, son seul jour de congé, avec une jeune fille qui lui donne la réplique et dont le père est sociologue. Celui-ci tient, dans ce récit le rôle de psychologue, confesseur, qui par ses questionnements fait prendre à l'intéressé, conscience, non de l'injustice sociale, ça il l'a connait déjà, mais à réfléchir au pourquoi de son comportement, aux causes réelles de ses accès de violence.



La nuit de Noël, Reda se fait aborder par Edouard Louis. Tout d'abord étonné, ayant plus l'habitude de se faire interpeller par la police que par un "ange tout blond qui sentait le printemps", celui que sa mère ramène de la Mecque. Afin de jouir encore de son odeur, il décide de le laisser approcher. Au fil de leur marche commune et de leur conversation, son intérêt pour la Kabylie, plus le parfum, l'incite à prolonger ce moment en l'invitant chez lui dans le 11ème arrondissement.



Toutefois, il y a maldonne, un énorme malentendu. Réda invite Edouard qu'il rebaptise Hédi, afin qu'il l'instruise, qu'il lui parle de la Kabylie, de la guerre d'Algérie qui a rendu son oncle, hospitalisé depuis de nombreuses années en psychiatrie. Or, à peine Edouard/Hédi est-il entré dans l'appartement, qu'il se sent piégé, et pressent qu'Edouard-Hédi attend autre chose, tout en n'arrivant pas à définir quoi. Celui-ci étant poli et respectueux, il est partagé entre l'envie de le mettre dehors tout en souhaitant voir comment la situation va évoluer. Un regard d'Edouard sur des photos de Reda et de ses cousins au bled et en maillots de bain, suffit à le classer parmi les pervers et générer un mouvement de colère.



L'histoire continue scindée en deux par les questionnements et échanges entre le sociologue et Reda ce qui permet à l'auteur de faire des digressions, religieuses, politique, sous couvert du pseudo Reda. Partagé entre deux cultures, le "cul entre deux chaises", qui aimerait tout en ne le voulant pas avoir une liberté de disposer de sa vie, de sa sexualité, sans toutes les contraintes et tabous dont il a été nourri par des parents immigrés de la première génération.



Et là ça ne fonctionne pas !. La transposition est erronée, on a bien compris que pour l'auteur l'homosexualité de Reda pose un problème. Mais elle est bien là, inutile de tourner autour du pot et d'inventer un motif à la mord moi le noeud pour justifier que Reda ait abordé, et accepté l'invitation d'Edouard. Ce qui est arrivé ensuite entre les deux hommes ne regardent qu'eux étant l'un et l'autre consentant.



Je réfute ce plaidoyer larmoyant pour justifier tout acte délictueux, toute violence quelle qu'elle soit. Je ne peux malheureusement que constater que ce sont toujours les mêmes qui sollicitent la compréhension, l'indulgence quand ce n'est pas le pardon à défaut d'oubli pour des actes répréhensibles commis en raison d'une culture différente. Ce que certains ne comprennent pas ou ne veulent pas comprendre c'est que l'on juge un peuple sur la conduite de ses ressortissants.



Ces justifications contestables qu'il met dans la bouche de Réda sont en fait les siennes. Car si l'on prend ses remarques sur la guerre d'Algérie, son héros s'il a même âge qu'Edouard n'est pas la première génération d'émigrée mais plutôt la troisième vu, la démographie "galopante", alors que lui Omar Ben Laala....



D'autres peuples (ex-colonies) de notre pays et autres sont confrontés aux mêmes problématiques, qu'elles soient religieuses, économiques et sociales, parfois pire lorsqu'il faut rajouter des séquelles psychologique et physique de guerre , la barrière linguistique, etc... et qui ne deviennent pas pour autant des délinquants et des criminels...!!! Heureusement car il y aurait de quoi désespérer !




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