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Citation de Charybde2


Pour chacun des textes qu’il livra, du millionnaire de Central Park au SDF du Bronx, la technique de Michael était la même : l’immersion. Il commençait par jouer sur le temps, en le dépensant sans compter. Constamment présent, il observait jusqu’aux plus anodins des événements du quotidien, finissant toujours, malgré sa grande taille et son accent, par se faire oublier. Il prit l’habitude de se promener en permanence avec des centaines de fiches blanches assez fines pour être glissées dans la poche intérieure de sa veste. Ce support, avait-il constaté, était plus discret et, en un sens, moins effrayant qu’un carnet de notes, car il laissait penser que ce qu’il écrivait n’était pas dûment consigné mais simplement jeté sur un bout de papier, appelé à disparaître à un moment ou à un autre.
Lorsque, après des mois de documentation, Michael sentait qu’il en avait assez vu et entendu – c’était une intuition plus qu’une certitude, une impression qui affleurait dans son champ de vision -, il sortait de l’existence de ses sujets aussi brutalement qu’il y était entré. Emportant avec lui leurs histoires jusqu’à son bureau dans son appartement de SoHo, où il s’immergeait à nouveau, adoptant un style romanesque afin de s’effacer non seulement de leur vie, mais aussi de ce qu’il écrivait sur eux. Il était bel et bien présent, à leurs côtés, pour assister aux événements qu’il décrivait – le jour où l’inspection sanitaire avait découvert un rat, le jour où un gamin avait agressé son professeur de maths, le jour où le chien du millionnaire s’était fait écraser – et cependant Michael ne figurait jamais dans la version définitive. Seuls les personnages demeuraient, menant leurs vies à la troisième personne, égrenant les heures et les jours de la ville comme les pages d’un roman.
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