Considéré comme le plus vieux cold case français, l’affaire du Grêlé a connu un rebondissement incroyable l’automne dernier alors que le nom du coupable était enfin dévoilé…
Patricia Tourancheau, journaliste judiciaire, nous raconte tout de A à Z. Des premières victimes aux années de recherches infructueuses jusqu’à la révélation inattendue. Enquête sur les traces d’un tueur en série vraiment pas comme les autres !
Des portraits-robots, des dizaines de victimes et témoins, les empreintes digitales, l’ADN… tout semblait réuni quasiment dès le départ pour que le criminel baptisé « le Grêlé » soit facilement attrapable. Et pourtant, il aura fallu plus de 35 ans aux enquêteurs français pour enfin mettre un nom sur cette énigme. Pourquoi tout ce temps ?
Patricia Tourancheau aborde tous les détails de l’enquête : les difficultés matérielles des années 80, les cafouillages, la lenteur administrative, les fausses pistes… tout est raconté, avec beaucoup de minutie. Forte de son expérience et de nombreux entretiens, la journaliste offre un texte dense et hyper documenté.
La construction du livre proposée ici est intéressante car suit la chronologie de l’enquête et de ses découvertes successives. Le lecteur découvre ainsi les pièces du puzzle en même temps que les policiers. Ce n’est pas linéaire, il faut parfois faire des recoupements qui n’avaient pas été faits jusque là : et si le meurtre de 2 adultes dans une chambre de bonne en 1987 était aussi du fait du Grêlé ?
Ce sont définitivement les avancées scientifiques – la découverte de l’ADN – qui vont permettre les liens entre des agressions qui semblaient pourtant très éloignées dans le temps, l’espace et surtout le mode opératoire ! Le tueur en série s’attaquait à des enfants, des adolescentes, des adultes, volait, violait, enlevait, ligotait, poignardait… l’ADN le confirme formellement.
Oui, mais c’est bien beau d’avoir des preuves scientifiques, encore faut-il réussir à les relier à une identité précise… Le Grêlé semble stopper ses crimes au milieu des années 90 et ne jamais avoir été associé à aucun délit. Il n’apparaît dans aucune base de données, c’est une anguille.
Il faut attendre 2014 et la nomination d’une nouvelle juge d’instruction (la 9ème sur le dossier !) pour que l’affaire soit relancée. Nathalie Turquey, fine enquêtrice et chercheuse entêtée reprend les anciens témoignages et fouille dans les anciens dossiers. A force d’obstination, elle parvient à isoler quelques centaines de noms de gendarmes ayant été en poste à Paris et dans la proche région en 1986/1987 et demande à ce que chacun d’eux subisse un prélèvement ADN.
Convoqué en septembre 2021, François Vérove se sent acculé et, celui qui se révèlera avoir été le Grêlé, s’enlève la vie.
Les annexes à la fin de l’ouvrage comportent une chronologie complète qui croise la vie de François Vérove à toutes les agressions et tous les crimes qui pourraient être reliés au Grêlé. Malheureusement, beaucoup de ces affaires ne pourront jamais formellement lui être imputées (des preuves ont été détruites, perdues ; des enquêtes ont été bâclées…) mais l’ampleur de l’ensemble est assez édifiant. Et terrifiant. C’est une trentaine de victimes qui sont ici citées car pourraient avoir croisé l’agresseur.
Sont également disponibles en annexes, les portraits des principaux acteurs (enquêteurs) ainsi que quelques photos d’illustration (au centre) : des cartes professionnelles, des clichés d’époque, les portraits robots les plus utilisés lors des recherches…
J’ai apprécié la richesse et la précision de l’enquête mais aussi le discours servi par Patricia Tourancheau. J’ai eu la sensation que la journaliste souhaitait mettre en avant le travail d’enquête de longue haleine de tous les professionnels ayant été impliqués dans l’affaire ainsi que la voix des victimes et de leurs proches, sans dénaturer leurs témoignages.
La partie véritablement dédiée à la personnalité de François Vérove – le Grêlé – est certes assez brève (les derniers chapitres) mais il me semble qu’on n’a encore trop peu d’éléments pour se permettre de faire un portrait psychologique de l’homme. Et puis, éviter de sacraliser le coupable pour davantage mettre en avant le travail d’investigation et les victimes, c’est bien aussi.
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