Garde-moi un temps
D'avant le jour
Quand la nuit
Est peuplée
Mystérieuse
Secrète
Promis
Je ne ferai
Plus de bruit
Quand tu passes
Dans un rêve
Et me souris
Garde-moi un temps
D'avant la vie.
Comme ce peintre
Qui aurait décidé de laisser sur le papier
Une esquisse
Et qui chaque jour dans l'invisible
Conçoit des visages différents
De la même femme
J'aime imaginer que mon bonheur
Avec toi
Tient de la constance minérale
D'un tout petit caillou
Et du mouvement des jacinthes
Sous un petit vent délectable.
( " Les petites gares et le verger")
Et ce soir
Toucher le bleu
Juste un peu de douceur
Du bleu avant l'infini
(" Les petites gares et le verger")
Je veux bien
Que tu me montres encore
Le chemin
Je n’ai pas l’autonomie
Des étoiles
Je n’ai pas le sentiment
De la durée
Qui pousse la lune
Dans les vergers
J’ai un mot choisi
J’ai la poésie
Je veux bien
Que tu désignes encore
La route
Que surplombent
Les hanches du doute
Je n’ai pas l’autonomie
Des pierres
J’ai la poésie
Mais je n’ai pas la clef
Du sanctuaire
Donne-moi encore
Un baiser
Promis
Je serai sage
Dans le paysage
Lent
Où il est simple
De t’aimer
Je n’ai pas l’autonomie
Du brasier
Pour dissoudre
La rage verbale
La sentence de la foudre
Je n’ai pas la puissance
De l’orage
Je n’ai pas l’autonomie
Du mot des origines
Je suis tombé
Un soir d’été
Non désiré
Dans la vasque
D’une vie
Que contient
La poésie
Donne-moi encore
Un baiser
Promis
Je serai sage
Dans le paysage
Lent
Où il est simple
De t’aimer
Il est sans doute à l'arrière des chemins
Une maison solitaire au milieu de la nuit
La lampe restée allumée et rien
Ne vient troubler la paix la lumière et la vie
C'est là où veille sur les frères humains
Le souffle de la poésie
Quelques mots sur la porte de l'humilité
Bousculés entre imaginaire et immensité
C'est là où veille l'invisible du poème
Le toucher délicat de quelques mots qui vous aiment
Et même s'il faut rester longtemps
Pour atteindre au plus clair des ciels
Dans l'intime du vent
Les cloches vibrantes
Et l'essentiel
La nuit est assez vaste pour apaiser l'attente.
(" Le souffle de la poésie ")
J'aime la résine de ta profondeur
mon sexe dans le théâtre
Souffleur sur tes lèvres
les langues me tombent
sur l'âme agenouillée
entre tes cuisses
Je vais - miséréré -
joindre mes lèvres
aux tiennes
mouiller le peu de toi
que je sais déjà
* Partition de la Nuit
Les fenêtres sont closes
Entre deux craquements du bois.
Le cèdre de la mémoire,
L'essence et sa résine.
L'ensemble du manuscrit
Ne saurait être consulté
Dans le même temps.
As tu gardé de l'enfance
L'imprécision?
La douleur du mythe fondateur,
Les mots de ta mère?
Dans le cèdre
sont ouvertes
Les chambres de l'amour;
Un théâtre
Où l'essentiel du jeu
Est invisible
Dire
Je me souviens
C'est choisir
Une pierre
Parmi celles
Qui retombent
Aussitôt
Dans un puits.
Ecrire
C'est sans doute
Ralentir l'érosion,
Etreindre
La part vibrante
De l'encre et du bois
Je suis un enfant à la fenêtre,
C'est l'été à la campagne,
Les mouches sont les sœurs courtes
D'un ennui sidérant.
Les cartes sur la table
Encadrent les doigts rhumatisants.
Je le sais - un jour j'écrirai
Ces heures lentes qui vacillent.
Pour l'heure je suis soumis
A deux générations de silence.
Patrick Chemin
Extraits du livre Percussions de l'instant 2018
Un poète qui meurt
Emporte avec lui
Deux papillons
Les ailes étroites
Et longues
du renoncement
La part sombre
Et celle
Lumineuse
la rouille érode
Le fer
Le papier est préservé
Ce qui est dit
Est dit
Dans la pierre
Ce qui est écrit
Supplée
La lumière
Clôt
Les absences
Latérales
Si je t'offre un mot d'amour
Ne pense pas à ce mot
Il vient de toutes ces années
Où je t'attendais
Sans le savoir
Si je t'offre un mot
Ne pense pas à ce mot
Pense au silence
Qui l'a précédé