Contre le point de vue trop français de tous ses prédécesseurs, de Bougainville à Loti, Segalen imagine l'effroi d'un Tahitien devant l'invasion des « hommes blêmes », le débarquement à Matavaï du premier capitaine et des officiers emperruqués, le vaisseau grand comme un îlot,et tout son apparat de cordages à pendre depuis les vergues, « cette pirogue était lourde et chevelue ». Les hommes de Matavaï pensèrent à l'arrivée d'une île voyageuse. « (…). Comme les riverains pagayaient vers la haute pirogue pour y jeter des feuillages de paix, l'on entendit un bruit de tonnerre : sur le récif un homme tomba. Il n'avait pas reçu de pierre, pas de lance à travers le corps. On le soutint par le dos : il fléchit comme un cadavre. Les pêcheurs de Matavaï redoublèrent leurs présents. Les étrangers descendirent au rivage. Ils étaient pâles, et parfois on les voyait enlever leurs chevelures ».