Un léger courant d’air fit danser une mèche de ses cheveux. Elle resta quelques secondes immobile, respiration saccadée, Elle posa la pointe du stylo, prête à coucher sur le papier quelque fulgurance de l’esprit dont elle était coutumière. Meï, dans un état second, leva son vi- sage. Sa main s’agita au-dessus du papier, Les mots noircirent celui-ci avec une vitesse hallucinante. Puis un sifflement aigu commença à agresser ses tympans. Sa tête se balançait de gauche à droite. Meï essaya de faire abstraction de la douleur, poursuivant à en perdre le souffle sa rédaction frénétique. La résonance brutale, suivie des dernières notes du concerto n°23 de Mozart venait de s’évanouir. Le silence qui s’en suivit était certes encore du Mozart...
... mais Meï avait disparu.
— En tout cas ce serait très agréable si nous n’étions pas dans cette situation.
— Dites-vous qu’elle n‘est pas éternelle.... « Le soleil a toujours l’aube comme précurseur ».
Il dit cette belle phrase qui venait un peu de nulle part. Meï choisit de n’en retenir que la beauté.
— C’est très joli.
— Victor Hugo.
— Un ingénieur-poète... je suis impressionnée.
— Vous trouvez cela contradictoire ?
— Je trouve surtout que vous avez beaucoup de qualités... Si j’en crois l’empressement d’Elena à soigner vos bobos.
— Vous allez me faire rougir.
— Je ne le verrai pas.
— En êtes-vous sûre ?
Paradoxalement, lui, le cartésien, l’agnostique, lui qui avait la tête bien faite et bien pleine, semblait avoir été conquis par cette nouvelle foi, même si la finalité de celle-ci demeurait absconse.
En effet, comment expliquer qu’une organisation humaine puisse enlever à loisir des personnes, faire en sorte que l’heure du lever et coucher du soleil soit constante, semaine après semaine, que la température elle-même soit régulée, jour après jour ? Sans compter l’épisode « changement d’apesanteur ». Cela, aucun homme ne pouvait le réaliser.