Ce peintre clochard fut parfois comparé à Utrillo, l'artiste de Montmartre, l'alcoolisme et les séjours en asile en moins. Marcel Bascoulard mena la vie en marge, avec ce don de suggérer, au seuil de la rue la plus insipide, les prémices d'un monde à découvrir. Son existence asociale ressemble à un puzzle aux pièces manquantes, à un manteau d'Arlequin (...) Cet homme n'a ni su ni voulu profiter d'une reconnaissance à portée de main. On ne peut que s'incliner devant sa probité de missionnaire, plaider l'indulgence pour ce grain de folie qui lui a rendu l'existence épineuse. Et surtout, au-delà d'une vie peu banale, apprécier son talent brut. (p.20)
Le dessin de Bascoulard par Frédérik Pajak
« (...) Le dessinateur a disposé son décor à la fois simple et foisonnant. Il l’a vidé de toute présence animée : aucun passant ne traîne sur le chemin, aucun passant ne traîne sur le chemin, aucun habitant ne se présente alentour, ni chien, ni chat, ni même un oiseau. Touts est là, à sa place, et le large ciel se déploie au-dessus de la vanité du monde, un grand ciel si calme, si terriblement ordinaire. Bascoulard ne semble pas tenir à la vie, et surtout pas à sa représentation. Il offre à notre regard sa vision dépouillée- et pourtant descriptive et virtuose. Partout, on devine l’usure des choses, parce que les traits à peine appuyés se resserrent, se superposent et les abîment. Elles sont en assez bon état, ces choses : les maisons sont habitées, sans doute, les trains circulent, c’est presque certains, et pourtant elles semblent abandonnées, désaffectées. Il y a certes de la mélancolie, de la désolation ou de la nostalgie dans ses dessins, mais ces sentiments ne sont pas ostentatoires. Comme si le dessinateur s’en méfiait. Et l’on peut se poser la question : que veut-il exprimer, au juste ? Le temps suspendu, peut-être.
La foisonnante simplicité du temps suspendu. Cela a suffi à son art.
« p. 132)
L'homme s'est affublé de trop de déguisements pour se déclarer totalement innocent. Il entretenait volontiers le mystère. Gueux comme Job, cynique comme Diogène de Sinope, il se fit passer à l'occasion pour Crésus. Il mourut peut-être de cette boutade.