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Citation de brigaldufenec


Une corde s'était cassée. Elle a claqué très haut sur le manche m'accrochant le dos de la main au passage pour y laisser une fine trace sanglante.
Je suis resté hébété. Elle n'aurait pas dû casser. Pas une seule des cordes de mon luth n'était usée à ce point. Pourtant cela s'était produit et, lorsque les derniers échos de la musique se sont tus, j'ai senti le public commencer à s'agiter. Les auditeurs émergeaient du rêve éveillé que j'avais tissé pour eux avec les fils de ma chanson.
Dans le silence, je l'ai senti s'effilocher, tirant le public d'un songe inachevé et détruisant tous mes efforts. Alors que pendant ce temps, ce qui brûlait en moi, c'était la chanson. La chanson!
Sans savoir ce que je faisais, j'ai reposé mes doigts sur les cordes et je suis descendu en moi-même. J'y ai retrouvé le temps où les coussinets de mes doigts étaient endurcis par un cal et où ma musique m'était aussi naturelle que ma respiration. Je suis revenu à l'époque où j'avais tiré d'un luth à six cordes le bruit du Vent qui fait virevolter une feuille.
Je me suis remis à jouer. Lentement, tout d'abord, puis avec une vélocité plus grande au fur et à mesure que mes doigts se souvenaient. J'ai réuni les brins effilochés de ma chanson pour leur faire reprendre la place qu'ils avaient occupée un instant plus tôt. Ce n'était pas parfait .....mais j'étais parvenu à faire passer l'émotion et j'ai senti le public se détendre, soupirer et retomber doucement sous l'influence du sortilège que j'avais créé à son intention.
J'ai cessé de penser au public. Une minute plus tard, je l'avais complètement oublié. Mes mains dansaient, couraient et se fondaient avec les cordes tandis que je luttais pour que les deux voix de mon luth continuent à chanter avec la mienne. Puis j'ai oublié mes doigts, alors même que mes yeux étaient rivés dessus. J'ai tout oublié, obnubilé par l'idée de mener ma chanson jusqu'à son terme.
Le refrain est arrivé et Aloine a repris la parole. Pour moi, ce n'était pas un être humain ni même une voix, c'était seulement une partie de la chanson qui jaillissait de moi tel un flot de lave brûlant.
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