Pour rien au monde, je ne voudrais décourager l'éditeur au début de son entreprise. Il me semble pourtant que vingt volumes de petits poètes du dix-huitième siècle, c'est un peu beaucoup. On aura quelque peine, je le crains, à former la collection. Tout dépend, après tout, des choix que l'on compte faire et de l'esprit qui présidera à ces choix.
Les poètes sont à la fois les initiateurs et les amis les plus chers du peuple. Leurs vers sont recueillis pieusement et volent de bouche en bouche. Chaque peuple, chaque cité retrouve dans leurs chants ses croyances, ses traditions, ses légendes, et, de plus, cette vision plus pure des choses supérieures, et comme l'écho d'une voix faite pour les dieux : Mens divinior, os magna sonaturwn. Ne demandons pas aux sociétés modernes ce qu'était le poète des races helléniques ; aucun nom, aucune œuvre ne saurait nous en donner une idée De nos jours, le poète vit le plus souvent en dehors des autres hommes, qu'il appelle dédaigneusement la foule. Son âme a besoin de recueillement et de silence ; les choses d'ici-bas lui sont étrangères ; par ses idées , ses sentiments, la matière même et la forme de son oeuvre, il ne s'adresse qu'à un public restreint et cultivé.