Enfin, pour tout dire, outre ce penchant inné vers les études scientifiques, outre le rêve ancien d’une œuvre générale, outre l’instinct d’une originalité à dégager et le désir de délimiter d’avance sa carrière de romancier, d’en chasser l’imprévu, l’argent lui-même, la question d’argent, le poussa à entreprendre les Rougon-Macquart. Toujours sur le qui-vive, sorti de la misère, mais connaissant encore la gêne, il s’était dit depuis longtemps qu’une rente mensuelle de cinq cents francs, assurée par quelque éditeur, le mettrait à l’abri du souci et de l’incertitude. Pour traiter sur ces bases, il fallait s’engager pour une suite de romans.
Non seulement l’emploi dans la maison Hachette tira Zola de la misère, l’affranchit des dangers de l’oisiveté et des compromissions funestes de la bohème ; mais sa véritable éducation littéraire et parisienne fut faite là. Il dut à ses fonctions mêmes de chef de la publicité, toute une initiation. En rapports quotidiens avec les écrivains et avec les journaux, avant d’être du bâtiment, il acquit une connaissance précoce et bien utile de tout le personnel du monde littéraire.
En huitième, Zola fut d’abord à la queue de la classe. Mais, intelligent et réfléchi, plein d’une précoce prudence, il sentit qu’il était d’une famille moins aisée de jour en jour, que rien n’était plus incertain que l’avenir, qu’il ne serait jamais quelqu’un ou quelque chose que par son travail.
Vivre de sa plume, remplacer les deux cents francs de son emploi, qui lui tombaient régulièrement chaque fin de mois : tel était tout d’abord le problème.
Un crayon à la main, il [Zola] venait les visiter [les Halles] par tous les temps, par la pluie, le soleil, le brouillard, la neige et à toutes les heures, le matin, l’après-midi et le soir, afin de noter les différents aspects.