La fameuse Danse de Saint-Guy, qui désola les provinces du Rhin pendant le XIVe et le XVe siècle et dont nous avons montré ailleurs les analogies frappantes avec la grande hystérie de nos jours, ne s’éteignit que lentement. Nous en retrouvons les derniers vestiges au XVIe siècle dans ces processions dansantes qui, à des époques déterminées de l’année, avaient lieu, en manière de pèlerinage, à certaines chapelles privilégiées.
Le hasard voulut qu’un maître dessinateur et peintre, Pierre Breughel, fut témoin d’un de ces singuliers pèlerinages qui se rendait à l’église de Saint-Willibrod, à Epternach, près Luxembourg. Un spectacle si plein de singularité et de mouvement était bien fait pour tenter le crayon de celui qu’on a surnommé le « peintre des paysans » ou encore Wiensen Breughel, Breughel le drôle. Et c’est pour nous une véritable bonne fortune que le dessin d’un maître si habile et si consciencieux. Il est facile, en effet, d’y reconnaître à première vue que l’hystérie et l’hystéro-épilepsie jouaient là, comme elles l’ont fait dans les épidémies proprement dites, un rôle prédominant.
Il est des personnes que le simple rapprochement de la science et de Fart effraye, et qui protestent à la seule pensée de la science s'introduisant dans le domaine de l'art.
Elles se disent qu'il est vraiment impossible de réunir deux termes aussi opposés, de concilier deux choses aussi dissemblables: d'un côté, Fart né de l'inspiration, où tout est convention et fantaisie, dont tous les efforts tendent à manifester l'idéal, et de l'autre, la science née de l'observation patiente et méthodique des faits, où tout est règle et mesure, et dont l'unique souci est la constatation du réel.
Il n'en est pas de même pour les oeuvres des maîtres de la Renaissance. Certaines d'entre elles, celles du Dominiquin, d'André del Sarte, de Rubens, pour ne citer que les plus célèbres, portent avec elles les preuves d'une scrupuleuse observation de la nature. Nous retrouvons dans la figure du possédé tout un ensemble de caractères et de signes que le hasard seul n'a pu réunir, et des traits si précis que l'imagination ne saurait les avoir inventés.
Bien plus, nous pouvons ajouter que, du moins dans les cas particuliers dont il s'agit, le modèle dont s'est inspiré le peintre n'était autre qu'un sujet atteint de grande hystérie, et ce n'est pas une des moindres preuves de la perspicacité et de la sincérité de l'artiste que ce diagnostic rétrospectif d'une affection nerveuse alors méconnue et attribuée à une cause surnaturelle.
A part quelques rares exceptions, le type humain créé par l'art égyptien est une généralisation; il répond à l'homme jeune, en pleine possession de ses forces physiques; le type est le même pour les dieux, les rois ou les simples mortels. Toutefois, lorsqu'il s'agit de représenter un homme d'âge mûr et bien renté, ce n'est point sur le visage que se marque le progrès des ans, c'est sur le torse doté d'un certain embonpoint et marqué à la taille de plusieurs gros plis conventionnels qui représentent la surcharge graisseuse de l'abdomen. Quant à la femme, elle est toujours également figurée, comme dans un éternel printemps, avec les formes pures et sveltes de la jeunesse.
Si, d'autre part, nous considérons l'artiste, il n'y a pas de doute qu'il ne possède les facultés indispensables à l'homme de science. Tous deux également épris des oeuvres de la nature, admirateurs passionnés des spectacles qu'elle déroule incessamment sous leurs yeux, le savant ne peut-il envier cette puissance d'observation, cette justesse du coup d'oeil, cette faculté de discernement, cette juste notion des rapports, ce pouvoir de reconstitution et de synthèse qui fait de l'artiste le meilleur et le plus habile des observateurs ?
Nous décrirons donc les diverses pièces de notre collection en suivant, ainsi que nous l'avons dit, l'ordre chronologique, nous réservant, bien entendu, de signaler simplement les spécimens de moindre importance, pendant que nous ne craindrons pas d'accompagner de longs commentaires les documents les plus sérieux à l'appui de notre thèse. Il était utile, afin d'éviter au lecteur de longues recherches dans des ouvrages spéciaux, de donner un court résumé de la grande attaque hystérique et de quelques unes de ses variétés, telles que nous les observons aujourd'hui. La comparaison sera rendue plus facile. Nous ne terminerons pas sans dire un mot des extatiques, qui, dans certains cas, méritent à plus d'un titre d'être rapprochés des « possédés du démon».
Dans ces récits en reliefs parfois fort saillants, le nu a sa place obligée, lorsqu'il faut représenter Adam et Ève, Daniel, Jonas, etc., comme nous l'avons vu dans les peintures. Mais ces figures nues en ronde-bosse le plus souvent permettent à l'étude qu'on en peut faire plus de précision. Ces personnages revêtent toujours la forme grecque plus ou moins habilement interprétée parfois assez heureusement, d'autres fois assez grossièrement.
Dans leurs canons, les artistes ont généralement donné à la femme les mêmes proportions en hauteur qu'à l'homme. Les subdivisions du corps sont les mêmes et les points de repère aussi. Ils n'ont guère insisté que sur les différences d'étendue des divers diamètres transverses du torse. Mais un travail d'ensemble n'a pas été fait, comme pour l'homme, sur les proportions moyennes scientifiques de la femme à cause de l'insuffisance du nombre des mensurations la concernant, les recherches anthropologiques, ayant surtout porté sur des sujets masculins.
Lorsqu'on parcourt les salles d'un musée égyptien, tout riche qu'il soit en oeuvres de toutes les époques, comme le Louvre, par exemple, il est difficile de se défendre tout d'abord d'une singulière impression d'uniformité et de monotonie. C'est toujours, semble-t-il, le même personnage,figé pour ainsi dire dans un petit nombre d'attitudes toujours les mêmes — debout, assis, à genoux ou accroupi, — bien mieux toujours dessiné ou sculpté d'après les mêmes méthodes, par le même artiste.
Sans se perdre dans des considérations d'esthétique tout au moins superflues, l'anatomiste qui veut servir l'art ne doit avoir qu un but se borner en toute indépendance d'esprit et sans phrases à montrer la nature vivante telle qu'elle est, dans sa forme extérieure et dans les parties profondes en relation de cause à effet avec celle-ci. Il doit chercher non pas tant à décrire qu'à montrer et à expliquer. Deux qualités lui suffisent la clarté et la précision.