Il n'est pas suffisant [...] de demander poliment aux banques d'arrêter de financer les projets d'exploitation d'énergies fossiles, ou au président d'un pays d'installer des politiques efficaces pour mettre fin aux violences sexistes et sexuelles, pour que ce soit fait. La stratégie de lutte non-violente doit donc également s'appuyer sur la force de la contrainte pour remporter des victoires et faire avancer les luttes.
Cette utilisation de la contrainte fait partie intégrante d'une lutte non-violente. C'est un aspect de la lutte souvent mal compris, voire injustement assimilé à de la violence. Construire une stratégie de lutte non-violente, c'est entamer une partie d'échecs, même si, le plus souvent, le premier pion est avancé sans que personne ait accepté de participer. Le premier mouvement doit être pensé pour qu'en face celui ou celle identifiée comme notre adversaire ne puisse pas ignorer notre attaque et soit obligée de se placer face à nous : c'est la génération d'un conflit. Elle est nécessaire pour révéler les injustices, pour nous positionner en tant qu'interlocuteurs et interlocutrices et faire connaître la lutte au public afin de rassembler des soutiens. C'est la manière dont nous résolvons le conflit, dans le respect de nos adversaires, qui confère à la lutte son caractère non-violent.
Réveiller notre agressivité pour se préparer à la lutte, être en mesure de susciter le conflit. Nous touchons là à l'exigence de la non-violence : contrôler notre colère sans l'étouffer, utiliser notre agressivité sans céder à nos pulsions destructrices, pour les transformer en énergie créatrice. Agir, s'interposer, aider. Avec sa voix, son esprit, son corps. Avec pour moteurs ses tripes. Pour carte les stratégies. Pour boussole la non-violence.