Au Yémen, une femme est définie essentiellement par le fait qu'elle soit mère ou épouse.
Les célibataires comme moi sont vues comme des femmes incomplètes et font un peu pitié.
Le pire, c'est que tout le monde se met à te chercher un mari … l'horreur.
C’est ce que dit le Coran : Dieu ne changera pas la situation des gens tant que ceux-ci ne changeront pas ce qu’ils ont dans le cœur. Et dans 1984, Winston Smith dit pratiquement la même chose : “il n’y aura pas de révolution sans conscience”.
C'est à ce moment-là que j'ai compris que mon père, ça ne lui posait pas de problème que je fasse mes études à l'étranger. Ce qui l'inquiétait, c'était que les gens sachent que je faisais mes études à l'étranger.
Son honneur ne dépendait pas de mon comportement, de mes choix ou de mes actes.
Non, c'était entièrement lié au qu'en dira-t-on.
(p. 98)
(…) au Yémen on ne peut jamais être sûr du fait que quelque chose soit vrai ou pas.
[Au Yémen]
De toute façon, le niqab n'a rien à voir avec la religion. C'est une invention récente. Un cadeau des Saoudiens.
Dans le Coran il n'est écrit nulle part qu'on doit se couvrir le visage.
Personnellement je ne connais aucune femme qui porte le niqab par conviction.
Il y en a qui le mettent parce que leur mari ou leur père les y obligent...
Mais dans beaucoup de cas, c'est pour éviter d'être emmerdées dans la rue.
Si tu ne le portes pas, il y a des hommes qui vont penser que tu es une femme facile et ils te feront des propositions.
Sinon, ils peuvent aussi t'insulter. C'est hyper désagréable.
C'est comme ça que la justice fonctionne ici. Si tu as des relations, tu peux faire tout ce que tu veux. Et si tu n'en as pas, la moindre chose devient un problème.
Au Yémen on n'oublie rien. Et on ne pardonne rien.
Aujourd'hui, j'ai eu une journée très dure. On a passé cinq heures à opérer un mort. Oui, c'est bien ce que j'ai dit. Un mort. C'est la politique de l'hôpital. Quand on nous amène un cheikh ou quelqu'un d'important, on doit faire semblant de faire le maximum pour lui sauver la vie. Même si ça ne sert à rien...même s'il est déjà mort, comme aujourd'hui. Si ses fils ou les hommes de sa tribu considéraient qu'on a pas tout tenté, ils nous tiendraient pour responsables du décès et se vengeraient. Plusieurs médecins se sont fait tuer pour ça.
Au Yémen, les femmes dépendent d'un wali. Généralement c'est un homme de la famille : le mari, le père, le frère, l'oncle... C'est selon. Wali, ça veut dire "gardien" : le terme donne une bonne idée de ses attributions. C'est lui qui nous donne la permission de faire les choses. Il doit donner son accord pour tout ce qu'on fait. C'est comme ça pour les femmes, ici. On nous traite comme si on était des mineures à vie.
Dans le Coran il n’est écrit nulle part qu’on doit se couvrir le visage. Personnellement, je ne connais aucune femme qui porte le niqab par conviction. Il y en a qui le mettent parce que leur mari ou leur père les obligent. Mais dans beaucoup de cas, c’est pour éviter d’être emmerdées dans la rue. (…) C’est pour ça qu’ici les femmes se sentent plus libres avec un niqab, parce qu’elles peuvent sortir dans la rue sans qu’on leur casse les pieds. Et on ne peut pas nier que le niqab a certains avantages : ça permet de faire des choses interdites sans que personne ne le sache. Qui va te reconnaître sous ton déguisement de ninja ?