Certains soirs d'été
l'orage s'en retourne
avec son édredon
de cumulonimbus
qui se laisse glisser
sur l'arrête dorsale
du massif de Belledonne
et la ville s'endort
toute rose sous les nues
alors qu'un peu plus haut
dans la vallée une gorge
inspire une brise légère
( revue 75 secondes)
Le Républicain social est une espèce de passereau endémique du sud de l’Afrique
une fois de plus
je suis rentré de la pêche avec
mon short trempé
et mes godasses pleines de boue
tu m’as dit un truc comme
« putain
MAIS tu peux pas t’emm’ner
des fringues de r’change lÀ-bas ? »
…
or
pendant ce temps-là
quelque part dans un désert d’Afrique du sud
…
au quatorzième étage d’un genre de H.L.M.
en paille
…
la femelle du républicain social
détruit souvent son nid quand elle revient
le soir et c’est
le mâle
qui passe ses journées à
remolletonner de poils et de coton
le foyer conjugal
Les humains travaillent dur. Ils savent même pas pourquoi. On dit qu’ils cherchent peut-être à se trouver de bonnes raisons de noyer leur ivresse. Ou bien des paravents pour cacher leur inutilité derrière. Les humains voient des films d’amour en flague et des films de guerre en famille. Ils ont le droit de s’entretuer si le vent souffle suffisamment loin. Jamais vraiment de s’entr’aimer. Les humains pensent qu’ils vivent sur un grain de sable assez intéressant pour ce qu’ils appellent dieu. Ils font d’étranges cérémonies à l’intérieur de drôles de petits tas de cailloux. Auxquels ils donnent plus d’importance qu’à une montagne ou qu’à un océan. Certains humains se sentent parfois totalement étrangers à leurs semblables. Ceux-là sont plutôt rares et on les considère comme des extraterrestres. En fait les humains-mêmes ne se comprennent pas toujours très bien.
à la venue des premiers froids
d’automne le mâle
humain tapi dans son terrier de brique
aime
se blottir dans le dos de la femelle humaine
pour profiter un peu
de la chaleur d’un corps déjà
ronflant
celle-ci possède parfois
la judicieuse
capacité de diffuser un souffle d’air
chaud couramment nommé
« pet »
le mâle
émet
alors un grognement
dont les humanologues n’ont pas encore
pu déchiffrer le sens mais la
femelle répond
d’un couinement si curieux
étonnamment mignon
que notre couple d’êtres humains
s’endort
sous une couette habilement réchauffée
quelque part sur la Terre
Y’a des explosions qui font trop d’étincelles. Et s’éteignent un peu plus discrètement. Puis laissent seulement une empreinte de pétard mouillé. Y’a des blessures comme des grandes gueules prêtes à lacérer le premier bon samaritain qui tombe dedans. Y’a des gens c’est des pièges. Mais surtout pour eux-mêmes. Ils le savent pas puis un beau jour ça leur pète au visage. Y’a des armes à feu qu’on se tient tout contre le cœur comme le doudou en peluche d’un enfant avide de vengeance.
Regarder passer les falaises
en grimpant dans le ciel
celui-là ressemble à un clebs
et lui on dirait une mémé
regarde regarde
une grosse quenotte
un condor géant
une tête de macaque
la pierre aussi a ses nuages
ils font juste plusieurs
milliards de tonnes de siècles
Mon grand-père est un cyborg
une barre de fer sur le
fémur un pacemaker
contre le cœur un so-
notone derrière l’oreille
– derrière quoi ? – derrière
l’oreille ! moi à son âge
je serai un cyborg
beaucoup plus performant
La Nouvelle ode
(Collection automne-hiver 2015)
...
cette année
la campagne porte une robe
léopard jaune et rouge
sous une veste encore légèrement verdoyante
...
un fleuve
passe
dans les tons bleus
et roses pastels
d’un foulard brumeux
...
les cimes ont mis
de drôles de bonnets de premières laines
au-dessus de leurs gorges échancrées
...
on aimerait
bien rester un peu plus
sous l’œil bleu ciel
à la pupille couchante
de cette grande
créatrice de mode
qu’ils surnomment
Versatile
...
mais les jambes
maigrichonnes
de la route sont déjà loin
sur le podium de la nuit
Pions noirs contre esclaves blancs. Maillots crevés versus costards cravates. Cœurs d’or coffres de fer. Ceux qui ont tort d’avoir raison. Ceux à qui la raison manque à tort. Imbéciles convaincus anti intellectuels-douteux. Vieux croûtons jeunes crétins. Femmes faciles à mater contre mal d’homme inné. Croyances pieuses athées pieds. Pervers sucent prudes. Nature contre-nature. Supporters de Satan. Hooligans du Seigneur. Des émeutes anti émotion. Bonnes cendres. La coupe des cons. Continue.
Pur jus de dinosaure
les argentinosaures
grands comme des barres d’immeubles
broutant les cimes bleues
des forêts alentour
sont tombés
comme des feuilles
sur le sol
leurs corps déchus ont fermenté
dans la Terre qui est devenue « bleue
comme une orange » pressée
et c’est ce jus de dinosaure
jaune pisseux
qui nourrit ma voiture
à la station essence
où des grues broutent les barres d’immeu-
bles mortes
et le ciel argenté