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J'enfonçais dans la neige et je pensais à la Bérézina. C'est cela qu'il m'aurait fallu peut-être, une épopée, pour me persuader dans le fond que la vie a un sens, que je me perds dans la bonne direction, que là où je vais, c'est droit dans les livres d'histoire, et pour des siècles, que j'ai bien raison d'avoir ajourné mon départ, tant de fois, en enlevant au dernier moment le canon de la carabine de Gachentard que je glissais dans ma gorge, les matins où je me sentais vide comme un puits à sec. Le goût du fusil... c'est d'un drôle ! La langue s'y colle. Picotements. Parfums de vins, roches claires.