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Biographie :

Philippe Fabry est historien du droit, des institutions et des idées politiques. Il a enseigné à l'Université Toulouse 1 Capitole. Féru d'histoire romaine, il est aussi passionné par la doctrine libérale, politique comme économique, et spécialement les travaux de l'Ecole autrichienne. Il contribue au site d'information Contrepoints.


Source : Decitre
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Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
{N. B. : Je ne partage pas la vision libérale de l'auteur, mais je trouve les définitions des termes intéressantes.}

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que gauche et droite d’une part, libéralisme et socialisme d’autre part désignent des choses qui n’appartiennent pas du tout au même domaine. Libéralisme et socialisme appartiennent au domaine des idées politiques. Gauche et droite sont des sensibilités politiques. Il n’y a donc aucune idée qui soit de gauche ou de droite. Au contraire, historiquement, les idées politiques voyagent dans le champ des sensibilités politiques, toujours de la gauche vers la droite. Et je voudrais montrer que si nous comprenons bien comment fonctionne le système droite-gauche, nous pouvons tirer de précieux enseignements […].

QU’EST-CE QUE « LA GAUCHE » ET « LA DROITE » ?

Gauche et droite sont des sensibilités politiques, c’est-à-dire des tendances non raisonnées, des ensembles de préoccupations instinctives qui dépendent du sujet considéré. Imaginons un axe allant de l’extrême-droite à l’extrême gauche. De tout temps on trouvera :
- à l’extrême-droite : les réactionnaires, soit ceux qui pensent que c’était mieux avant, qu’il faut renverser l’ordre politique existant et revenir au statu quo ante, généralement un passé idéalisé.
- à droite : les conservateurs, soit ceux qui pensent que les choses sont plutôt bien telles qu’elles sont, et que si l’on change ce sera pire.
- à gauche : les progressistes, soit ceux qui pensent que les choses peuvent être améliorées et que si l’on change, cela sera mieux.
- à l’extrême gauche : les révolutionnaires, soit ceux qui pensent que le système est entièrement mauvais, que ce qu’il y avait avant était aussi mauvais ou pire, et qu’il faut instaurer un nouveau modèle idéal.

Dans cet ensemble, on constate aisément que les extrêmes partagent leur mentalité du bouleversement, alors que progressistes et conservateurs se retrouvent dans leur adhésion au système en place. Dans le groupe des extrêmes on trouve toujours une minorité d’individus, la majorité étant constituée de ceux qui adhèrent globalement au système en place.

Rien, dans cette répartition suivant la sensibilité, n’est dû à une réflexion. Personne n’est de droite ou de gauche pour des raisons intellectuelles, puisqu’il n’est pas question d’idées. Droite et gauche sont des réalités sociologiques, voire anthropologiques, mais certainement pas rationnelles.

Le fait qu’il s’agisse de sensibilités, et qu’elles soient ce qu’on en a dit, distribue logiquement la population comme suit :
- À droite une population globalement plus âgée/plus installée économiquement, qui a tout intérêt à la préservation du système et voit d’un œil inquiet tout changement éventuel : la droite se caractérise par la tendance au pessimisme ; c’est le camp qui porte le discours décliniste et dont les valeurs sont l’ordre, l’autorité, la tradition, le respect des institutions.
- À gauche une population globalement plus jeune/moins installée économiquement, qui pense gagner à des réformes et porte un regard critique sur ce qui se fait traditionnellement : de tendance optimiste, la gauche porte le discours idéaliste, qui est contestataire et se définit principalement en opposition avec ce que défendent les conservateurs.
- Aux extrêmes on trouve nécessairement des gens qui auraient beaucoup à gagner d’un changement brutal de paradigme, mais ce qui les distribue est l’origine de leur situation d’exclus du système : ceux qui appartenaient jadis à une population favorisée et ont été déclassés seront d’extrême-droite, nostalgiques d’une période plus faste pour eux (exemple : les nobles ruinés déchus d’Ancien Régime au XIXe siècle), alors que ceux qui appartiennent à une population défavorisée d’origine nouvelle seront d’extrême-gauche (exemple : les ouvriers de l’industrie du XIXe siècle).

Étant des sensibilités, qui se distribuent dans une population selon la loi des grands nombres, n’importe quelle population suffisamment importante se verra toujours composée à peu près moitié/moitié de gens de gauche et de droite. On ne voit, à l’échelle d’un Etat, jamais une population à 95% de gauche ou de droite. […]

LA VARIATION DE SENS

Dans n’importe quel système politique, les idées naissent à l’extrême gauche et meurent à l’extrême droite. De la façon suivante :
- À l’extrême-gauche sont ceux qui, contestant absolument l’ordre existant ou ce qui a précédé, sont ouverts aux idées nouvelles de changement le plus radical ; c’est donc ici qu’apparaissent, systématiquement, les idées nouvelles dans leur formulation la plus violente.
- À gauche sont ceux qui cherchent à améliorer l’existant, mais ne sont guère enclins à la violence ; ils s’inspireront souvent de ce que la critique extrémiste peut avoir de plus aiguisé, mais le transposeront pour proposer des réformes plus mesurées, allant dans le même sens.
- À droite sont ceux qui veulent maintenir le statu quo. Ils cherchent donc à conserver ce qui existe déjà, le défendent comme bon en soi, et répugnent aux changements d’un système qui leur semble d’expérience avoir fait preuve d’efficacité.
- À l’extrême-droite sont ceux qui regrettent le temps passé et cet ordre précédent que les conservateurs de l’époque n’ont pas réussi à maintenir.

Cette structure favorise le déplacement des idées. En effet les progressistes proposant des réformes années après années, finissent toujours par les imposer à la droite, par faibles doses successives, en portant régulièrement des réformes très mesurées, sur un mode de compromis entre réforme et tradition.

Or au fil du temps, une ou deux générations, il advient que l’ordre établi est un ordre qui a été progressivement changé. Mais la mentalité conservatrice, elle, demeure, et les nouveaux conservateurs seront des gens qui défendront le nouvel ordre établi. À l’extrême droite seront repoussés ceux qui sont encore attachés à l’ancien ordre.

Semblablement, à gauche, les nouveaux progressistes sont des gens qui considèrent comme ordre établi ce qui fut en réalité un ordre instauré suivant les idées des progressistes quelques décennies en arrière. Et en progressistes, ils contestent cet ordre établi et veulent le réformer, le modifier ; ils contestent même directement ce que les progressistes de jadis défendaient. Et pour cela, ils adoptent des idées plus radicales, celles de l’extrême-gauche de deux décennies plus tôt.

L’extrême-gauche, elle, en vient à inventer de nouvelles formes de contestation, puisqu’elle est composée d’individus qui se sentent exclus par le système et veulent en changer. Un bon exemple de variation de sens en France est celui du régime politique. Voici quels régimes politiques défendaient les diverses sensibilités de la Révolution à la fin du XXe siècle (les dates sont approximatives) :

1789 — extrême gauche : république ; gauche : monarchie constitutionnelle ; droite : monarchie traditionnelle ; extrême droite : monarchie féodale (réaction nobiliaire).
1840 — extrême gauche : république sociale ; gauche : république ; droite : monarchie constitutionnelle ; extrême droite : monarchie traditionnelle.
1900 — extrême gauche : république socialiste ; gauche : république sociale ; droite : république ; extrême droite : monarchie.
1980 — extrême gauche : république communiste ; gauche : république socialiste ; droite : république sociale ; extrême droite : république.

On voit bien sur ce tableau le déplacement de gauche à droite des idées politiques. Certains analystes disent aujourd’hui, à tort, que la France est « gauchisée » parce que la pensée socialiste y a profondément pénétré. C’est une erreur : c’est assimiler « gauche » à « socialisme ». Or, répétons-le, les idées naissent toujours à gauche, mais ne sont pas « de droite » ou « de gauche ».

Dans la même veine, songeons au libéralisme : c’étaient les idées des révolutionnaires, de gauche, de 1789. En 1840, le libéralisme était devenu une valeur de droite, défendue par des individus comme Adolphe Thiers. En 1910, elle était une valeur exclusivement de droite, la gauche étant devenue socialiste. Dans les années 1980, il n’y avait plus guère que l’extrême-droite pour se dire reaganienne, et Jacques Chirac, lorsqu’il avait des positions libérales, était considéré comme très à droite. Et aujourd’hui, politiquement, le libéralisme est mort en France. Il a disparu à l’extrême-droite, remplacé par le socialisme nationaliste aujourd’hui porté par Marine Le Pen.

Issu de " Gauche, droite : de quoi il s’agit vraiment, et pourquoi les libéraux gagneraient à le comprendre " sur le site internet www.contrepoints.org, publié en ligne le 5 avril 2013.
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Un grand pays libéral est-il mécaniquement destiné à sombrer dans le socialisme ? On peut, devant le terrible cas romain, se poser la question. Nous avons répété à plusieurs reprises quelle est la première cause de l'extinction du libéralisme romain : l'apparition d'un capitalisme de connivence, l'utilisation de la puissance publique par la classe dirigeante romaine pour s'enrichir, forme de socialisme par le haut qui constitua un déséquilibre initial.

Chapitre conclusion : Leçon antique pour notre temps.
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Le profit n'est pas qu'une question de gros sous, par définition il est tout ce qui fait du bien, qui profite aux individus : constitution d'un patrimoine, certes, mais aussi reconnaissance sociale, bonheur familial, satisfaction intellectuelle, épanouissement spirituel...
[...]
Le libéralisme, en assurant le respect des droits individuels sans entraver l'exercice de larges libertés individuelles optimise le rendement d'une société, lui permet de devenir dynamique, de produire de la richesse qui, par l'échange, profitera à tous (puisque nul n'échange librement s'il n'y trouve profit).

Chapitre I : Le libéralisme romain originel : les débuts de la République.

(P. S. : on peut très largement discuter la seconde partie de l'affirmation de Philippe Fabry, ne serait-ce que lorsqu'il prétend que le libéralisme, par l'échange, profite à tous. C'est un mensonge éhonté lorsqu'une entreprise, par l'exercice d'une position dominante voire d'un monopole oblige les particuliers à se saigner de tous leurs biens pour assurer leurs besoins essentiels [alimentation, habillement, logement, chauffage, etc.]. Certes, les gens échangent, certes pour un profit (à savoir rester en vie) mais ne s'enrichissent absolument pas. D'où mes plus grands doutes sur cet argument spécifique de l'auteur.)
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Si l'on peut discuter [...] de l'élément prioritaire dans les aspirations de telle peuplade à tel moment, le fonctionnement psychologique de l'homme n'a pas plus changé depuis l'Antiquité qu'il n'a cessé d'être Homo sapiens sapiens : il recherche toujours ce qui lui profite, et fuit ou combat ce qui le peine. SI les échelles de valeurs changent, le mode de calcul individuel est constant.

ROME : DU LIBÉRALISME AU SOCIALISME, Chapitre I.
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L'état de droit est effacé par le droit de l'État. La mise sur pied du Dominat par Dioclétien, au terme de l'anarchie militaire, devait en grande partie réaliser ce projet néfaste. Les " Institutes " d'Ulpien étaient certes un manuel de droit, mais un manuel qui portait une vision du pouvoir, une idéologie devant animer des générations de juristes qui seraient non point des défenseurs des droits individuels mais des zélateurs de la mission organisatrice de l'État.

Chapitre IV : Vers le Dominat : les Sévères et l'anarchie militaire.
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Si le règne de Dioclétien est marqué par une chose, c'est l'œuvre d'achèvement de l'intégration de l'Empire : il n'y a tout simplement plus de Romains ni de provinciaux, la réorganisation administrative, avec son découpage total et rationalisé de l'Empire en diocèses, montre un nivellement. Ce genre de découpage arbitraire faisant souvent fi des frontières culturelles et traditionnelles est un comportement typiquement constructiviste : on le retrouve chez les révolutionnaires jacobins créant les départements, ou chez les nazis divisant le Reich en Gaue. Les uns comme les autres voulaient effacer les repères traditionnels, gommer les différences culturelles au sein de leur peuple pour créer un homme nouveau, uniforme : les Jacobins ne voulaient plus de Gascons, de Provençaux, de Bretons mais uniquement des Français ; Hitler ne voulait plus ni Bavarois, ni Saxons, ni Prussiens, mais seulement des Allemands. En déracinant les entités politiques historiques, la masse humaine devenait plus malléable.

Chapitre V : L'achèvement de l'intégration de l'Empire.
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Le droit est une technologie sociale et politique. Comme toute autre technologie, il permet des gains de productivité. La machine fonctionne bien à condition d'être bien conçue, bien huilée et de respecter les lois de la physique.

ROME, DU LIBÉRALISME AU SOCIALISME.
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Avec l'Empire, la liberté, dans tous les domaines, a reculé au profit d'une avancée de l'État et de ses interventions, bien que celles-ci fussent limitées par les moyens de l'époque. Mais en Italie, le principat fut synonyme de régression de la liberté économique, politique, judiciaire, artistique et même religieuse, tandis que le régime impérial cherchait à utiliser la puissance publique pour diriger tous les aspects de la société. Le principat, dictature en Italie nourrissant son socialisme par la prédation sur le monde romain, et en dehors quand c'était nécessaire, marqua un premier palier dans le déclin de Rome : la perte du dynamisme social et économique qui avait tiré sa force du modèle libéral romain et lui avait permis de conquérir le monde.

Chapitre III : Le Principat, dictature socialiste.
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Le tournant historique — ou plutôt l'officialisation juridique d'un mouvement en cours — fut le célèbre édit de Caracalla, en 212, qui étendit la citoyenneté romaine à tout homme libre habitant l'Empire. Contrairement à ce que l'on dit parfois, ce n'était pas là un geste grandiose d'ouverture, un appel à la mise en place d'une citoyenneté universelle, mais au contraire un assujettissement supérieur de tout le monde romain au gouvernement impérial : alors que sous le principat les provinces jouissaient d'une assez grande autonomie dans la gestion de leurs affaires internes, elles allaient devenir beaucoup plus directement soumises aux exigences du pouvoir impérial. [...] L'édit de Caracalla ne consiste pas, dans les faits, à hisser tous les hommes libres au rang de citoyens romains, mais à abaisser tous les citoyens romains et hommes libres de l'Empire au rang de sujets du gouvernement unique de l'empereur.

Chapitre IV : Vers le Dominat : les Sévères et l'anarchie militaire.
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Ulpien n'était pas seul : un demi-siècle avant lui l'empereur philosophe Marc-Aurèle, qui bénéficie lui aussi d'une image très positive, livrait dans ses Pensées la formule suivante : " Ce qui n'est pas utile à l'essaim n'est pas utile à l'abeille non plus ". Ce n'est pas là une considération bucolique mais une réflexion éminemment collectiviste qui suggère l'effacement total de l'intérêt individuel devant le seul intérêt du groupe, et montre que dès la dynastie des Antonins une forme d'idée totalitaire était présente au sommet de l'État impérial. Juridiquement, le collectivisme philosophique flagrant chez Marc-Aurèle prendra la forme de la notion de plus en plus envahissante, et employée régulièrement à partir d'Ulpien, d' "utilitas publica", intérêt commun mal défini et en réalité le plus souvent synonyme d'intérêt de l'État et de son appareil, justifiant l'écrasement des intérêts privés durant tout le Bas-Empire.

Chapitre IV : Vers le Dominat : les Sévères et l'anarchie militaire.
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