La Poésie est ma vie et ma mort.
Fugues
Les oiseaux ayant perdu leur teneur d'oiseau
deviennent des vaches roucoulantes mais
les philosophes ayant appelé ces vaches chiennes
voici qu'elles parlent se demandent si les hommes
si les hommes sont bêtes mais
les chiennes ayant dit à ces hommes-là crapauds
tous se battent au bord de l'étang qui soupire
un nain seulement ricane derrière le caillou
le caillou pleure c'est très beau
Langage
Le mot vraiment
Est un curieux mot
Puisqu'il veut dire
Que c'est le vrai
Et qu'il ment
Il dit que le vrai ment
Il est pareil à tous les autres
Mais seul à le dire
J'arrivais au château ce soir d'été. C'était quand les foins fument encore, l'azur a des odeurs, les bêtes rentrent, il y a du mauve dans l'attente et, dans l'heure, de la lourdeur. Les corps s'alourdissent, les mains collent, chaud, il fait chaud mais hors du soleil. Ceux qui maintenant s'aiment, respirent avec difficulté. Les chiens ne bougent plus, sont en de longues siestes, atténués.
Au bord de la brousse
à la lisière
du commencement
des choses
fluctuent
flous
troublants
les mirages
formes de l'informe
éléphants hors d'eux-mêmes
hors de l'éléphantesque
et fantastique
enfantement
du monde
SI JE VIS - Fugues 44.
Oh, quelle poésie …
Extrait 1
Oh, quelle poésie, un saint ratage !
Toujours nous sommes là, en ce point
Et cependant, contre les faits, l’infime flamme
Nul ne l’éteint, ni nos affres
Dans mon bureau, soir de printemps, six heures
Vous aviez frappé, jeune homme, – Et clac ! –
Tout à coup depuis longtemps j’existais
C’est-à-dire que – sorti de moi, loin de ma chaise
Par votre apparition surpris, l’abondant charme
Et la grâce émanant de votre irruption –
Je me défis de qui je fus, suis et serai
Plus seul en votre instant et n’étant plus
Pleinement n’étant plus
Doux, aimable extrêmement, d’un feu
Presque apaisé, un livre en mon ventre
Et s’écrivant tout seul d’un chiffre obscur
…
Les léopards sourirent
ces salopards eurent nos bontés
nous fûmes en un instant morts
déchiquetés dans l'air des broussailles
nous volâmes longuement dans la nuit des steppes
le rire jaune de ces fauves demeura éternel
nous devînmes poussière célèbre
SI JE VIS - Fugues 46.
Je Ne me prends pas pour
Je
Ne me prends pas pour
Moi-même
Ni pour toi
Ou pour l'Autre
Ni pour Je
Si
Étranger
Oh, quelle poésie …
Extrait 2
Fallait sortir, prendre soleil, un rien
Me détacher du souvenir de Madeleine
Quand le dimanche à l’heure du thé on lisait
Avec des biscuits nos poèmes
Elle qui m’enseignait la chose poétique
Et que c’est un destin, cette épopée
Parce que les sages ont tué ce monde
Avec leur haine, une indifférence
Pauvre poète, quel engouffrement
Divaguer fut mon seul chemin
Sommeil, ce puits plein de périls
Fallait que je dévore toute chose
Car j’étais seul, plus seul que moi-même
À quoi ça tient les grands mots, au stupre
La libido de marchandise, érection possible
Navire en vue avec haute cheminée
Et vont se rhabiller philosophies
On mêle Mystique, on touille, on massacre
Je préfère te prendre, ami, dans de doux draps
Dans des décombres effondrés, merveilleux
Sans remède est notre vie
Sans remède est notre vie
Et si le ciel se terre en nous
Nous attend la tombe
Ni la Poésie, ni l'autre
ne guérissent de soi
Même l'errance est impossible