Un certain genre de capitalisme, nourri aux frais des paysans par l’intermédiaire de l’État, s’est dressé vis-à-vis de la commune ; il a l’intérêt de l’écraser. C’est encore l’intérêt des propriétaires fonciers de constituer les paysans plus ou moins aisés en classe mitoyenne agricole et de transformer les cultivateurs pauvres — c’est-à-dire la masse — en simples salariés, ça veut dire du travail à bon marché. Et comment une commune résisterait-elle, broyée par les exactions de l’État, pillée par le commerce, exploitée par les propriétaires fonciers, minée à l’intérieur par l’usure ?
Ce qui menace la vie de la commune russe, ce n’est ni une fatalité historique ni une théorie : c’est l’oppression par l’État et l’exploitation par des intrus capitalistes, rendus puissants aux frais et dépens des paysans par le même État.
Théoriquement parlant, la « commune rurale » russe peut donc conserver son sol – en développant sa base, la propriété commune de la terre, et en éliminant le principe de propriété privée, qu’elle implique aussi ; elle peut devenir un point de départ direct du système économique auquel tend la société moderne ; elle peut faire peau neuve sans commencer par se suicider ; elle peut s’emparer des fruits dont la production capitaliste a enrichi l’humanité sans passer par le régime capitaliste, régime qui, considéré exclusivement du point de vue de sa durée possible, compte à peine dans la vie de la société. Mais il faut descendre de la théorie pure à la réalité russe.
La propriété privée, fondée sur le travail personnel... va être supplantée par la propriété privée capitaliste, fondée sur l’exploitation du travail d’autrui, sur le salariat.