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Citations de Pierre-Albert Jourdan (56)


Incartade. Tu peux rêver sur ce mot comme s’il t’aidait à te défaire de ce fardeau
des acceptations répétées creusant un espace sans saveur. Tu peux rêver ce brusque saut s’il approche de cette vérité enfouie dans les herbes, dans les ronces. Si bien distante qu’elle ne rôde plus qu’aux confins.
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« Ne vous y trompez pas : à chaque instant nous jouons notre vie. Sans les automatismes et les bandeaux, la vague d’effroi nous engloutirait peut-être.

[…]

Les fous sillonnent désormais la terre entière. Elle doit frissonner de peur et de dégoût. Nous étions abandonnés, nous sommes maintenant à deux doigts d’être happés par ce courant glacé où flottent ces cervelles pourries.»
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Il y a sans doute pour chacun de nous un cœur lointain qui aspire et refoule sans cesse un paysage élu ; que le sang longe et appelle désespérément ; une odeur de fumeur dans les heures débroussaillées d’avant-printemps comme un secret d’enfance perdu et familier. Ainsi l’attente se dilate au point d’être, à l’inverse d’une économie, une brassée d’instants, de fleurs continuelles. Là est le chemin qui bifurque, vivifiant. L’homme qui est en passe de perdre ses forêts, son sommeil, le furtif cliquetis d’armes, luisantes par éclairs comme un fleuve lointain, ne le surprend pas, il s’échappe. Il y a un maquis du bonheur désormais. Aussi bien, à l’intérieur de cette menace — les armes inutiles — ce sont des vergers qui tendent vers le ciel de fines épées teintées de sang, une tout autre bataille où l’homme dépossédé tente une dernière, une dérisoire alliance.
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« On ne peut pas sortir de soi pour saisir le sens ; on ne peut que tâter le courant,
à moitié noyé la plupart du temps ; ce qui n’est pas du tout la même chose. »
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Bleu
   
Comme une brume de beau temps qui se lèverait, qui effacerait les aspérités du paysage. Et le regard, un instant, peut voler dans cet espace. Il dessine cette demeure.
Tout ce qui était perdu, que l’on disait distance, tous ces lointains ne forment plus qu’une poudre bleue, diluée dans le bleu.
La preuve est là, dans cette grande douceur. Un acte désespéré pour nous approcher. Sans image vraiment : simplement parce que quelque chose s’inscrit, s’efface, pour nous montrer que de plus hauts degrés sont possibles. Qu’il est possible à ce corps de les gravir. Tu pourrais naître dans ce bleu.
 
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Ébauche d'un paradis perdu - extrait
     
Très loin, le craquement d'une écorce. Un arbre qui étouffe.
     
Il faut grandir. Les rêves sont prohibés. L'immémorial été a franchi les colonnes de la terre. Les saisons neuves déjà se bousculent et plantent leurs blasons. Et cette route infatigable passe par leur corps. Et ils se savent dans le sommeil liés à ce corps délirant, ils n'ont que lui comme miroir. La grande table de la terre !
     
Il faut grandir ; ils grandissent, mêlés aux touffes de thym, aux romarins vibrants, aux fleurs brutales des grenadiers. Membres épars dans ce massacre, ils savent les liens. Ils se fortifient d'absence. (Les rides sont le langage du dieu).
     
Il faut grandir encore mais déjà, comme un enfant émerveillé lance les dés, l'aube roule sur les collines. Il y a dans leurs muscles, au réveil, la trace d'un chemin inconnu.
     
Qu'ils partent ! Qu'ils soulèvent la poussière ! Ô, qu'ils partent et que la poussière se tasse sur leur chemin, que la poussière leur soit douce !
     
- - -
     
L'homme s'éveille avec peine de cette longue nuit. Il s'arrache aux liens tissés. Il le croit. Il secoue sa compagne, comme si la prière de l'aube résonnait encore dans sa tête. Partir ! Mais il contemple ce corps allongé près de lui. Il lèche cette chair endormie. La chaleur monte dans ses reins. Et le désir s'échappe, glisse dans les terres, frappe l'ombre miroitante et se love dans les collines. Il gonfle la pâte des nuages, étoffe les feuillages, leur donne odeur puissante. Il entaille la terre, l'ouvre aux semences.
     
L'homme et la femme marchent d'un même pas. La tâche n'est pas remplie, vide est encore l'horizon qu'ils ne foulent pas. Il faut donner un nom à cette beauté éparse, la convaincre d'exister.
     
Ils franchissent des terres innombrables. Veulent-ils oublier ce lieu sauvage d'éblouissement et de terreurs ? Peuvent-ils fuir ? Ils ne fuient pas. Ils sont ces étranges intercesseurs sans rien connaître de la nécessité qui les porte. Ils longent de grandes étendues et la fatigue voilent leurs yeux. Depuis combien de jours déjà ?
     
Parfois comme une voix semble raser l'herbe nouvelle : de frêles tiges de sauterelles où bleuissent de petites mousses ; des plaques rousses sur le sol craquelé, l'étendue passionnément grise. Une voix, oui, qui froisse de longues tiges noires et jaunes et d'un duvet la caresse soyeuse, petites crinières de vent.
     
Et le vent est partout.
     
Ils s'arrêtent, se logent dans cet abri. Des oiseaux blancs aux longues pattes d'or dessinent les étoiles d'un ciel commun.
...
     
pp. 275-276
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À la rencontre d’un pin

La parole chargée de guérir a dressé cette ruine
de quelques chardons bleus, de poussière et de vent ;
ce chemin où la mort, empoignée par tant de mots,
comme un figuier portant ses fruits dans un vieux mur
et l’embellie de lierre sur la porte fanée,
se referme sur le devenir joyeux,
le lointain, très lointain murmure
d’un pin amoureux.
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Fleurs de cerisiers

Le petit espace de temps où tu traverses les fleurs du cerisier, éclatantes au soleil, déjà s’effaçant comme neige, c’est toute ta vie que tu traverses ainsi d’un regard. Elle est ce pur espace comme il va s’effondrer d’un nuage, d’une brume, d’une nuit ; ce pur espace qui tremble dans l’espace et qui ne se déploie que par blessures, jamais glissade heureuse, sinon de ce regard accroché un instant à un blason de vert tendre et de blanc. Ceci n’est pas compté, jamais, cette somme de ta vie ! La blessure est ancrée dans le corps mais lui n’a pas de racines – pas encore – il porte ces fleurs comme un aveugle (en une nuit parfois il ne reste que cette promesse du fruit – trop rouge le fruit !), il porte ces fleurs, il les broie avec ses pilons d’os.
Ô poudre commune, comme nos chemins sont légers !
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Le corps à nu......

Je sais qu’il me faut porter ton blason

D’ocre et de brun de pierre grise

Le paraphe de ton chant

L’amoncellement des racines et des boucles

Je sais qu’il y a ce cri rauque

Dans ta bouche dévorée de bleu

Ce ploiement du regard

Lorsqu’il atteint les collines lointaines

femmes plus immobiles et stridentes d’été

Je sais les distances abolies

Te peau si proche

Le grain de ton sol sous les mots

Je sors dans ta lumière corps éclaté

Rendu à la vérité
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Le jardin des errances



extrait 3

Crachez les plumes et le fiel, embrochez,
tournez sept fois la langue dans la bouche
ne dites pas que c'est vous qui l'allumez
si vous avez tout desséché
cœurs désertiques vous faut-il donc
ces monstres pour vous empaler ?
Si le pacte d'alliance se fait sur terre
plaignez-vous de l'avoir perdu !
Et si le bleu ne descend plus
plaignez-vous de l'avoir recouvert !
Si le pacte est fragile – c'est sur terre
somnambules nous errons
la cavalcade, la ronde en nous ne cesse point.
Suffirait-il d'adoucir les gestes
il y aurait tant à brûler !
Sommes-nous si peu mélodieux
que la harpe nous transperce…

Quand donc, équilibristes impossibles
trouverons-nous la route du cœur ?
Terra incognita.
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Le jardin des errances



extrait 2

Qu'y-a-t-il donc de faussé ?
Avaleurs, avalés ; dévoreurs, dévorés,
déjà les animaux pouvaient se poser la question :
tout cela est-il vraiment bon ?
Ne rêvaient-ils pas de refaire la création
pressentaient-ils qu'aujourd'hui, illisibles,
rayés de la carte ils seront bientôt
tout aussi étrange bestiaire ?
Ainsi pensait peut-être ce canard ?
(entre moine et sirène)
barbotant dans les livres…

Non, le ciel n'est pas rouge encore
l'incendie couve-t-il ?
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Le jardin des errances



extrait 1

Équilibristes de l'impossible condition humaine
non, le ciel n'est pas rouge encore
épargnés les oiseaux deviennent confidents du rêveur
il s'est bouché les oreilles, yeux clos il voue
Icare du songe
ses frères font commerce de fruits, leurs mains
se tendent, caressent, on dirait
qu'ils découvrent la douceur du temps suspendu
fondant sur les bouches entrouvertes -
plutôt rêveurs, oui, assoupis parmi les plumes
et la cohabitation paraît suave…
à peine un attouchement
(mais c'est un fruit aussi que la main palpe)
ou bien cette variante de l'art floral…
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Premier volet



extrait 1

(…)

Dans cette image déchirée de mon enfance, au-dedans de moi,
je ne savais pas ce soir-là, je devine à peine aujourd’hui, quelle
force avait pris racine et me nourrissait. Le ciel où nous nous
heurtions enfants, les collines traversées, août furieux, les pluies
de septembre, les perpétuelles vendanges, cela forme une aire à
fouler, à parcourir jusqu’au vertige ; une aire d’envol : tout ce
qui reste pour s’évader du labyrinthe. (…)
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Premier volet



extrait 2

(…)

Un vorace nuage de sollicitations tourbillonne autour de moi.
Demain le matinal parfum des pinèdes sacrera la maison.
J’ai l’impression de m’éveiller, d’être en retard. Mon pas
fait rouler les pierres, je les entends cascader, c’est un bruit
poignant, étouffé, de passé qui s’écroule. Je lève les yeux.
Oui, là-haut, peut-être…
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Avec mon pinceau …



Avec mon pinceau je trace dans l’air
des signes d’encre
oh si légers !
ils sont nuages au couchant

Le soleil a sauté
les grillons parlent
eux seuls
ils strient finement l’espace
notre espace de nuit claire
la douleur n’est plus
que semence dans mes paumes
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Donnez-moi une place au soleil
le creux d’une pierre
où le lézard s’est chauffé
si près du tremblement des herbes
qu’un autre espace s’y reflète

Les dimensions de la peur se sont réduites
à cette offrande secrète d’un corps
car les distances aussi s’amenuisent
qui ramènent à la terre
herbe pierre lézard
sont les pas qui s’en approchent

Paupières fermées sur le soleil
ô le rouge tremblement de ce couchant
la demeure inviolée dans les fibres de l’être
et son éclatement peut-être
quand l’autre place si longuement frôlée
soudain étouffera
l’impossible silence des mots
là sous la pierre nue

et le lézard sera pensée
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En creusant



Le silence est notre chambre depuis toujours
les solitudes ne peuvent s’atteindre
qu’à travers de multiples déchirures
et c’est sans doute le sens ultime
de la lente pénétration de la terre dans nos corps.
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Marcher



Pierre et poussière du chemin,
homme désagrégé, homme comblé
tout entier dans cette image de son sang,
de son avenir de silence ;
lente et lourde pierre poussiéreuse
qui dévale le sang abrupt,
long cri se délivrant
de l’étouffant tableau de calme inaccessible

le corps soudain se connaît cible,
se fait violence
à portée de la masse obscure
qui l’étreint.
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Donnez-moi une place au soleil…



Donnez-moi une place au soleil
le creux d’une pierre
où le lézard s’est chauffé
si près du tremblement des herbes
qu’un autre espace s’y reflète

Les dimensions de la peur se sont réduites
à cette offrande secrète d’un corps
car les distances aussi s’amenuisent
qui ramènent à la terre
herbe pierre lézard
sont les pas qui s’en approchent

Paupières fermées sur le soleil
ô le rouge tremblement de ce couchant
la demeure inviolée dans les fibres de l’être
et son éclatement peut-être
quand l’autre place si longuement frôlée
soudain étouffera
l’impossible silence des mots
là sous la pierre nue

et le lézard sera pensée
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Jardin suspendu

Surgissent à nouveau de vieilles douleurs, tout est
en place. La porte s’ouvre sur des murmures de soleil,
ponctuation de crêtes. Le fauteuil n’est qu’un peu
de terre autour d’un tronc noirci. Puis vient l’apaisement,
le déferlement de l’espace.

Les degrés de la sagesse, ici, sont de pierres grises,
tachetées d’ombre, masquées d’herbes sèches, paroles
élémentaires. Une saison clémente se met en marche,
comment nommer ce fruit ?

Un dessin de sol craquelé, lambeau de désert bordé
de mamelons de pierres comme s’entassent les siècles ;
une soif grise. La montagne s’alanguit, domination
sereine qui s’éprend, semble-t-il, de lassitude
ourlée de cigales en touffes, repères de feu.
N’était-il pas question d’un fruit ?

Le mal précieux de cette rose injurieuse
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