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4.17/5 (sur 9 notes)

Biographie :

Dans son premier roman, Pierre Avrial esquisse avec justesse, gravité et humour le portrait d'un homme qui s'interroge sur son identité et part à la recherche du bonheur. Le style vif de cette histoire trépidante tient en haleine le lecteur jusqu'au bout.

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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Le plafond était jaunâtre. Dans un angle, une auréole que personne n'avait pris la peine de masquer témoignait d'une ancienne fuite d'eau. Il eut sans doute fallu repeindre toute la pièce. Les néons à l’extérieur projetaient par intermittence leurs lumières bleu et rose à travers la petite fenêtre. L'ambiance était celle d'un aquarium dans un restaurant asiatique. Cette chambre tout entière était un aquarium.
Simon flottait allongé sur le lit. Tout habillé, il gardait les yeux ouverts, arrimés au plafond. Sa respiration était calme, son esprit en apnée. Malgré l'heure avancée, il ne dormait pas. Ses sens prenaient tour à tour le relais. À présent c'était l'odeur de tabac froid, mélangée à celle des canalisations de la salle de bains, qui lui parvenait aux narines. Il disséqua ensuite les sons, distinguant la ventilation mécanique, les voitures dans la rue, l'eau qui coulait dans une autre pièce et les éclats de rire de quelques noctambules dans un recoin indéterminé de l'immeuble. Les bras étendus le long du corps, Simon n'avait que la peau de ses mains en contact direct avec le dessus-de-lit. Un tissu satiné constellé de bouloches glissait sous ses paumes.
Quelle idée de petite vengeance mesquine lui était passée par la tête ? ! Découcher une nuit lui était apparu comme la touche « reset » de sa petite vie minable. On formatait le disque dur et on repartait à zéro. Une nuit pour faire le point, prendre de la distance. Une nuit pour tirer le signal d'alarme, inquiéter juste un peu, mettre en garde que cela pouvait recommencer n'importe quand. Une fugue fugace. Une provocation muette suivie d'effusions de sentiments ou de tacites promesses.
En sortant de la gare, Simon avait marché pour se rafraîchir les idées dans l'air nocturne de Paris. Il avait longé des boulevards, l'esprit encore grisé par son audace. Au fil de sa promenade, l'excitation rivalisait avec la culpabilité. Il s'arrêta un court instant pour consulter son téléphone portable. Trois heures de retard et pas de message. L'évidence le rattrapa pour le rassurer. Sophie était en séminaire à Lyon et devait encore dîner avec des clients. Elle prenait rarement le risque de le réveiller en lui souhaitant bonne nuit d'un coup de fil. Si Margot ne s'était pas manifestée, c'était que le frigo était plein et la wifi branchée. Elle s'endormirait la lumière allumée et le smartphone serré des deux mains contre son ventre.
Simon considéra alors le risque que son entreprise ne serve à rien. Si personne ne s'apercevait qu'il n'avait pas dormi chez lui ? Contrarié, il bifurqua dans les rues secondaires qui menaient à la gare du Nord. Ignorant coiffeurs africains, épiceries et taxiphones ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre, il levait les yeux en l'air. L'enseigne lumineuse attira son regard. Désormais il cherchait le sommeil dans cet hôtel deux étoiles.
Après avoir jeté un dernier coup d’œil à son téléphone toujours indifférent, il l'éteignit pour économiser la batterie. Il se leva pour aller boire de l'eau. Sous ses pieds, il fut saisi par le contraste qu'il ressentit à travers ses chaussettes entre la moquette rase de la chambre et le carrelage glacé de la salle de bains. Il inspecta brièvement le verre, le rinça, le remplit et but une première gorgée avant celle qui l'aida à avaler un anxiolytique.
Simon retourna se coucher à l'identique, au milieu du lit, vêtu, sans défaire les draps, son cartable posé à ses pieds. Le médicament eut pour effet de le couper progressivement de son environnement. Les sons s'estompaient, ses yeux scrutaient le noir derrière ses paupières baissées, son corps ne trahissait aucune tension, aucune douleur. Simon pensa un instant que les circonstances l'accompagneraient vers une sorte de transe chamanique. À son réveil il se sentirait changé. Les solutions à ses problèmes émaneraient de lui. Une force nouvelle lui insufflerait le courage d'affronter les obstacles un à un et remettre de l'ordre dans sa vie. Sa vie actuelle, pas une autre. Même si ses choix avaient été dictés par les sursauts de son existence, il aurait aimé pouvoir les assumer plutôt que les ignorer et tourner le dos à son passé.
De fait son sommeil fut visité par des fantômes. Ses parents tels qu'il les avait vus ce jour de printemps, il y a trente-deux ans déjà, si heureux de partir en week-end en couple. Ses parents qu'une plaque de verglas en montagne avait précipités dans un ravin. La première image avait de la consistance, représentait un moment vécu, sensible, réel, tactile. La seconde n'était qu'une construction de son cerveau d'enfant, imaginant la carcasse d'une voiture fumante dans un abîme hérissé de pins.
Surgit sa tante Magali lui donnant à lire les recettes de cuisine qu'elle exécutait avec minutie. Son visage n'était pourtant pas celui de la jeune femme pétillante et joviale qui l'avait élevé mais le masque gris et fatigué de la maladie qui l'avait emportée.
Suivit Marion dont le souvenir était si lointain. Cependant, Simon rêva d'elle en grand-mère volubile entourée de jeunes enfants qui se disputaient les bonbons qu'elle distribuait. Simon s'avançait timidement, persuadé d'être un intrus. Elle lui sourit et lui caressa la joue avant de lui tendre une énorme pièce en chocolat enveloppée dans un papier doré dont l'éclat subjuguait Simon. Il ressentit un grand tourbillon, comme une tornade qui aspirait tous ces souvenirs et dont l'origine était le centre de sa poitrine. La sensation le réveilla brutalement. Trempé de sueur, il ouvrit les yeux. Son esprit tentait d'arbitrer le combat entre confiance et pessimisme.
Le plafond était jaunâtre. Dans un angle, une auréole que personne n'avait pris la peine de masquer témoignait d'une ancienne fuite d'eau. Il eut sans doute fallu repeindre toute la pièce.
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