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Citation de ZahraAroussi


On se découvre sevré du repos en soi-même et, quand on voudrait échapper à notre disgrâce, se procurer ce qui nous fut refusé, tout ce qu’on gagne, c’est de se rendre encore plus mauvais, malheureux, disgracié. On n’ose pas demander, si ce n’est à l’absent qu’on imagine, fort mal, dans les limbes, à l’adulte qui naîtra de l’enfant qu’on est. Celui-là, on peut, pour la simple raison qu’on aura disparu lorsqu’il viendra. On se sera réfugié, à son tour, dans l’inaccessible profondeur du temps.
Des années durant, c’est ainsi qu’il en va. On cumule les déficits et les noirceurs. On fait l’expérience réitérée de la séparation et de l’impuissance. Chaque jour inscrit quelque chose au registre des pertes, jusqu’à l’instant où l’on se met à regarder autrement ce qui se passe, où l’on s’avise qu’il n’est pas dit, écrit – pas encore, pas tout à fait – que la colonne dont le pied se perd, là-bas, vers l’origine, se prolongera en droite ligne jusqu’à la fin. Il vient d’arriver que quelque chose, peu importe quoi, qui aurait dû nous être dérobé, comme c’est la règle depuis qu’on a commencé, ouvert le registre, on s’en est emparé. On l’a, contre toute espérance.
Avec un rien de discernement supplémentaire, on verrait ce qui s’est produit, pourquoi on voit différemment. C’est qu’on est différent, que le temps a passé. Quelqu’un s’est éloigné, absenté et quelqu’un d’autre a pris sa place. Mais comme c’est exactement au même endroit, à l’intérieur du sac de peau, la subrogation s’est faite sans qu’on s’en aperçût. Il faudrait de meilleurs yeux pour discerner, à trois pas de l’adulte – puisqu’on est un adulte – le gosse ectoplasmique tenant à deux mains le grand registre noir, diaphane, de ses chagrins.
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