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EAN : 9782864321767
66 pages
Verdier (01/09/1993)
4.03/5   19 notes
Résumé :

Ces créatures pareilles à des gemmes, les gemmes, une infinité de choses qui sont belles résident hors de nous, dans leur être propre, où elles s'évertuent à demeurer. Lorsqu'on s'avise qu'elles existent et que leur possession remédierait, un peu, à l'infirmité de notre condition, elles nous échappent. On se souvient. On a gardé une fugace image de leur splendeur, jusqu'au jour où il s'... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
« Je suis resté planté dans le soleil de mai à ruminer mes desseins ténébreux. Il y avait des rosiers, dans l'enclave bizarre que le jardin public formait en pleine ville. Ses grilles de fer pointues encageaient un assortiment de plantes qu'on ne voyait nulle part ailleurs. Des arbres piquants, inapprochables, étaient fichés dans le sol durci. D'autres arboraient des haricots verts géants, parfaitement incomestibles. Il n'est pas jusqu'aux tilleuls qu'une taille féroce ne réduisit aux squelettes torturés d'eux-mêmes, dressant vers le ciel des moignons boulus, sans presque de feuilles, sans parfum, comme des poteaux télégraphiques. »

Ce jardin public sera pourtant pour l'enfant Pierre Bergounioux le théâtre d'une rencontre avec une cétoine dorée, un petit scarabée vert métallisé qu'on peut trouver près de rosiers. Ce sera un des premiers exemples de cette passion qu'il va nourrir toute sa vie pour les insectes. le paradoxe est qu'on ne peut se les approprier, pour les mettre sous verre, qu'après les avoir fait passer de vie à trépas.

Avec sa prose somptueuse, l'auteur nous donne accès dans ce court livre à ce monde étrange des insectes et des milieux naturels qui les hébergent, à leurs particularités. le grand sylvain du titre est un rare papillon diurne, mais il sera aussi question du carabe hispanus.

Une fois encore j'ai été parfaitement fasciné par l'écriture de Pierre Bergounioux.
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La langue française la mieux travaillée ne se trouve pas à Paris.
Il faut aller la chercher au cœur de la France, loin des villes et du tumulte du milieu littéraire.
Il sont deux à manier la langue comme peu le font aujourd’hui, ils se prénomment tous les deux Pierre, et ils ont débuté chez le même éditeur.
Avec « Le Grand Sylvain », Pierre Bergounioux nous livre un récit magnifique sur l’enfance et son prolongement dans la vie d’adulte. Il y est question d’un enfant de cinq ans, qui contracte sans le savoir une dette avec l’adulte qu’il deviendra, en relâchant une cétoine à la cuirasse d’émeraude, parce qu’il ne sait pas comment la faire mourir. Ensuite, l’adulte qu’il sera devenu n’aura de cesse que de retrouver le papillon envolé, à moins que ce ne soit les heures de l’enfance après quoi l’on court.

Il faut du temps pour lire Pierre Bergounioux. Il faut de la vacance, pas celles qui s’écrivent avec un S et qui témoigne de notre société de consommation où l’on va trouver à la « last minute » le séjour le plus exotique, le plus ensoleillé ou le plus époustouflant à raconter en rentrant. Il faut du temps pour descendre dans cette langue :

« Peut-être que le meilleur des soins dont on est continuellement occupé, les travaux et les fatigues de l’âge de raison, ne vont qu’à satisfaire les requêtes impossibles qu’on forma aux premiers jours. Si l’on voyait vraiment, qu’on puisse percevoir les mobiles effectifs de notre action, on n’aurait pas seulement sous les yeux le prosaïque spectacle d’un type en train de suer sang et eau à faire chose ou autre. On discernerait, à trois pas de lui, l’ombre exiguë, le contour du gamin de cinq ans ou huit ou quatorze dont il exécute aveuglément l’injonction. »

On part donc en Corrèze, dans un pays où l’on n’arrive jamais, et on y croise le fantôme d’un enfant qui n’ignore pas que la mort soit de ce monde – son grand-père va le quitter bientôt - mais il ne sait pas comment s’y prendre avec un insecte.
« Il me faudrait seconder la jeune mort. Un gamin de cinq ou sept ans peut très bien faire gicler la pulpe d’une cétoine, lui substituer un désastre d’élytres froissé et de jus pâles. Mais alors, il se privera de cela même qu’il souhaitait passionnément avoir, conserver ».

On respire aussi plus loin l’odeur de l’éther, celle qui fait remonter des souvenirs encore plus lointains, souvenir d’une gorge qu’on soigne avec de longues aiguilles imbibées du liquide anesthésiant, et ensuite « on devra veiller alors, par la suite, à éviter l’objet en question, son odeur surtout, sous peine de voir la vieille épouvante revenir au galop, de se retrouver dans la peau d’un gosse qui tremble à l’autre bout du temps, avec maman qui pleure tout ce qu’elle sait. »

Ironie de l’histoire, ce sera finalement sur le bouchon du réservoir d’essence de la voiture que se posera le Grand Sylvain. Mais ce papillon porte pour sa défense une paire d’antennes pastiches, placés à l’autre extrémité du corps, qui aura trompé une linotte qui lui a croqué une partie de ses ailes. « Il lui avait cédé ses yeux de théâtre et ses narines feintes pour un repas de dupe et, sa beauté perdue, il était assuré de l’immunité lorsqu’il est tombé entre mes mains alors que je savais, moi, comment le prendre sans attenter ni à sa forme ni à ses couleurs, le reflet excepté. »

Méditation autobiographique ou récit sur le temps qui n’est pas linéaire, ce Grand Sylvain est peut-être une métaphore de tout ce que l’on perd et après quoi l’on court ensuite.
« Des années durant, c’est ainsi qu’il en va. On cumule les déficits et les noirceurs. On fait l’expérience réitérée de la séparation et de l’impuissance. Chaque jour inscrit quelque chose au registre des pertes, jusqu’à l’instant où l’on se met à regarder autrement ce qui se passe, où l’on s’avise qu’il n’est pas dit, écrit – pas encore, pas tout à fait – que la colonne dont le pied se perd, là-bas, vers l’origine, se prolongera en droite ligne jusqu’à la fin ».

Une langue superbe pour dire tout cela, et bien d’autres choses encore.

Lien : https://www.biblioblog.fr/po..
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Adorable petit livre à l'écriture travailler qui traite essentiellement de la frustration de l'enfant lorsqu'il n'a pas ce qu'il veut et qui créer donc dans son esprit une liste future de choses à avoir et à faire, liste devant être rempli dans un temps limité, celui de son existence d'adulte. Pour imager la trame principale, c'est l'insecte qui est cité : tout d'abord au travers d'une cétoine -petit bijou couleur émeraude- puis du Grand Sylvain -joli papillon-. Les deux objets de son désir ne pouvant être possédés qu'une fois pris connaissance de la façon de les extraire au monde vivant en les rendant immortel, figé pour l'éternité dans un cadre, il sera nécessaire à l'auteur de grandir pour qu'en découle ce livre, chemin logique l'amenant à la concrétisation de ses projets d'enfant.
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Je découvre cet auteur par ce livre d'entomologiste !!! Soit le livre m'a échappé soit c'est du premier degré. le récit est court, le style précis, c'est agréable à lire.
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Ce dont on se souvient, c’est surtout de ça, du mauvais. Le reste, les heures accordées, ce qui est là, grand-père et tant d’autres, on n’en tient pas compte et, après, on ne se rappelle plus. Les bons moments s’abolissent. La perfection de la vie, c’est le présent pur, sans la traîne sombre de réclamations et de remords, derrière, ni, devant, dans l’avenir, la nécessité de l’effacer par un acte de réparation opposé à chacun des actes laissés inachevés. C’est ainsi, sans doute, que l’autre, sous sa cuirasse, voit les choses, l’angélique et les roses, l’heure qu’il est, et rien d’autre à nul autre moment. Et si on veut la garder, vers cinq ans, ce serait pour participer, à quelque degré, du repos, de la plénitude qu’on lui suppose et qui nous ont été refusés. Ce qui nous comblerait est resté dehors. On ne dispose pas des moyens de se l’approprier. Le monde, ou le décor cartonneux qui en tient lieu, nous est retiré dans le même temps, presque, qu’il nous est livré. Mais on tient registre. On s’éloigne, à reculons, de la paix qu’on voit aux arbres, aux insectes, aux effigies casquées, tout armées, de bronze. On est entraîné si loin qu’on va désespérer d’obtenir quoi que ce soit qui nous aurait, un peu, apaisés. Et pourtant, une main qu’on s’ignore inscrit scrupuleusement chaque honte, perte et dommage, comme si elle savait ce qu’on ne peut encore imaginer : qu’il y aura une fin et qu’elle doit coïncider avec le commencement, le commencement du commencement, avant le premier découvert et la première noirceur. Ou, pour dire les choses autrement, qu’il y a quelqu’un, dans l’air, la lumière – un adulte – que le gosse ne voit pas parce que le moment n’est pas venu. C’est le tour du gosse. Et quand l’adulte va se dessiner, prendre corps, qu’un tiers assis à l’écart, sous les catalpas, verra un adulte dans l’allée sablée, le gosse aura disparu. Du moins, c’est ce qu’on croit parce que c’est ce qu’on voit. Mais avec d’autres yeux, qui nous montreraient la vibration de la lumière, ses corpuscules, la fuite des jours, la dérive des mondes, l’éternelle métamorphose, on devinerait, à trois pas du gosse, l’adulte pour qui, sans savoir, le gosse tient registre et, plus tard, près de l’adulte aux traits marqués, l’ombre pâle, petite, impérieuse, qui lui dicte ses agissements. Et l’autre obéit. Il n’a pas le choix, pas plus qu’on ne l’a eu quand on s’est trouvé inséré dans la gousse de chair, pour la durée de l’intermède, et ce qu’il y avait de beau, de plénifiant, de l’autre côté du tégument, dehors. Tout ce qu’il peut faire, l’adulte, c’est de reprendre point par point la litanie, d’ouvrir en regard, si l’on veut, une autre colonne, une comptabilité en partie double où chaque déficit sera compensé, annulé.
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Il y a une dernière chose qu’on peut envier aux insectes, outre la cuirasse, les cœurs épars, la science innée, la stupeur : c’est la patience.
Ils sont un siècle et demi à cheminer par monts et par vaux, perdus dans les forêts de l’herbe, la nuit, cherchant le passage, le tablier des ponts et on voudrait qu’ils soient là, dans l’instant, parce qu’on a cet instant et la prétention, avec ça, d’acquitter une créance qui court depuis le commencement. Le temps passe. L’instant s’achève et tout ce qu’on trouve, c’est de reprocher au gosse, au vrai, qu’on a traîné avec soi, d’être assis, bras ballants, sur une souche, à ne pas chercher. On lui en veut de ne pas déférer à l’injonction du gosse fictif que ses yeux ne sauraient déceler dans l’après-midi blême alors qu’il devrait être manifeste, aux nôtres, qu’il n’y est pas, pour lui, pas encore, puisqu’il est un gosse, un vrai. Si l’on était raisonnable, on se rendrait à l’évidence. On verrait. On accepterait. On se tairait. Au lieu de quoi on adresse des paroles amères à quelqu’un qui n’a rien fait. On veut le charger d’une part de la vieille dette qu’on a contractée. Finalement, c’est une querelle de gosses, même si l’un des deux n’est plus visible et c’est celui-ci, en vérité, qu’il faudrait chapitrer sur son acrimonie, sa mauvaise querelle, son incurable faiblesse.
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Celui qui nous a expédiés là est trop loin pour qu'on l'aperçoive. Le gain aléatoire, minuscule, qu'on transpire à se procurer doit couvrir une dette dont nulle trace perceptible ne témoigne. Le monde réel, le soleil d'aujourd'hui, le travail de chaufournier n'enferment pas leur raison suffisante.Ils n'existent qu'autant que notre condition nous prédestine à la dépossession et à l'impuissance puis à recouvrer, d'ahan, ce qui nous fut ravi afin de partir comme on est arrivé, tout entier, sans laisser des heures béantes, des fantômes désolés. Ils tourmenteraient, je crois, ceux qui nous suivront. Ceux-ci toucheraient nos obligations mal tenues, notre espoir abandonné, l'intégralité de nos arriérés, avec usure, alors qu'ils seront pareils, promis à perdre et à pâtir avant de s'aviser qu'ils ont à revenir en eux-mêmes pour s'en aller comme ils sont venus.
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C'est de se savoir finie que la vie prend tournure, esquisse la boucle qui la repliera sur elle-même, le signe du néant. C'est pareil , sauf que l'adulte a pris la place du gosse, lequel a passé dans l'air où d'autres yeux, plus pénétrants, le verraient. Et, aussi, que le bon endroit, celui de la rencontre s'est déplacé de quelques centaines de lieues, sous le plus féroces des juillets que j'aie connus. Les coups de trique rimbaldiens, lassés des cieux ultra-marins, avaient choisis, pour y pleuvoir, les gorges supérieures de la Dordogne, où je cherchais, juste après qu'elle est née des volcans.
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On se découvre sevré du repos en soi-même et, quand on voudrait échapper à notre disgrâce, se procurer ce qui nous fut refusé, tout ce qu’on gagne, c’est de se rendre encore plus mauvais, malheureux, disgracié. On n’ose pas demander, si ce n’est à l’absent qu’on imagine, fort mal, dans les limbes, à l’adulte qui naîtra de l’enfant qu’on est. Celui-là, on peut, pour la simple raison qu’on aura disparu lorsqu’il viendra. On se sera réfugié, à son tour, dans l’inaccessible profondeur du temps.
Des années durant, c’est ainsi qu’il en va. On cumule les déficits et les noirceurs. On fait l’expérience réitérée de la séparation et de l’impuissance. Chaque jour inscrit quelque chose au registre des pertes, jusqu’à l’instant où l’on se met à regarder autrement ce qui se passe, où l’on s’avise qu’il n’est pas dit, écrit – pas encore, pas tout à fait – que la colonne dont le pied se perd, là-bas, vers l’origine, se prolongera en droite ligne jusqu’à la fin. Il vient d’arriver que quelque chose, peu importe quoi, qui aurait dû nous être dérobé, comme c’est la règle depuis qu’on a commencé, ouvert le registre, on s’en est emparé. On l’a, contre toute espérance.
Avec un rien de discernement supplémentaire, on verrait ce qui s’est produit, pourquoi on voit différemment. C’est qu’on est différent, que le temps a passé. Quelqu’un s’est éloigné, absenté et quelqu’un d’autre a pris sa place. Mais comme c’est exactement au même endroit, à l’intérieur du sac de peau, la subrogation s’est faite sans qu’on s’en aperçût. Il faudrait de meilleurs yeux pour discerner, à trois pas de l’adulte – puisqu’on est un adulte – le gosse ectoplasmique tenant à deux mains le grand registre noir, diaphane, de ses chagrins.
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Vidéo de Pierre Bergounioux
Cette semaine, Augustin Trapenard est allé à la rencontre de Pierre Bergounioux à l'occasion de la sortie en poche de son livre "Le Matin des origines" aux éditions Verdier. Ce merveilleux ouvrage célèbre l'ancrage profond dans ses racines, dans les terres du Quercy entre Lot et Corrèze, où l'auteur a grandi, dans la chaleur de la maison rose et au sein des paysages qui ont façonné son être. Ces souvenirs, imprégnés dans sa mémoire, représentent une part essentielle de son identité qui demeure là-bas. À travers ces pages, Pierre Bergounioux évoque avec justesse le lien puissant que la terre tisse avec nos souvenirs et nos émotions, révélant ainsi le pouvoir des lieux familiers pour donner du sens à notre passé et à nos moments les plus heureux. Il était donc évident qu'Augustin Trapenard se déplace au coeur de cette histoire, sur les contreforts du plateau des Millevaches, dans sa maison de Corrèze pour un retour aux origines de la vie et de l'écriture.
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