À l'occasion de l'édition 2021 (Auteur/lecteur) du Festival Résonances, les rencontres du patrimoine littéraire et de la création, nous vous proposons ici "Trajectoires découte", une série d'entretiens avec Pierre Dhainaut, par Thomas Demoulin.
Résonances Festival
Offrir et ne jamais finir( extrait)
...offrir un caillou
que tu ne prends que pour le reposer
dans le lit du torrent. Tu saurais bien
quelle est ta place à genoux sur la rive,
la sienne aussi entre tant d'autres
au milieu des remous, toi silencieux,
lui lumineux, ensemble.
...offrir dans le sable
ces empreintes d'oiseaux
que la brise interprète en effaçant .
Tu ne pèserais plus
sans savoir où, te saisirait
le claquement d'une aile,
tu ruissellerais sous la vague...
Ces bouts de phrases que nous emmenons dans le sommeil,
qui semblent gratuits, incompréhensibles,
souvent le poème du matin en découle, presque sans heurts,
Il ne les explique pas, il les éclaire.
Il vient de l'urgence, c'est toujours la nuit
tant que l'on ajoute à la mort
des supplices,des massacres,
il n'oublie rien, ni les cris ni les plaintes
ni le silence qui étouffe,
en écoutant ici, en lui plus loin que lui,
il élargit le poing jusqu'à la paume,
il n'a pas froid contre les murs,
pour les traverser il leur parle,
avec un peu d'air sous les portes,
il a ce regard d'un enfant
face aux vents du rivage,
l'essor de l'arbre et l'envol des oiseaux
ensemble; il fend les pierres,
jamais il ne meurtrit l'espace:
confiance, dit le poème, dans chaque poème,
dans le matin libre, le souffle imprévoyant,
il a besoin seulement de vos lèvres.
La chance du poème : commencer, ne jamais épuiser le commencement.
Femme ton corps m'irrigue
tu es la sève
plus vive au chant de source
et la mer dans l'écho
se précipite creuse un nid
d'oiseaux limpides
fragile source mais l'unique.
Et maintenant j’ai rendez-vous avec le petit jour
Comme on n’aimerait pas en rencontrer au coin d’un bois.
Comme il fait froid
Dans un grand cœur qui s’ensommeille
Versez la vie.
Deux doigts,
Deux doigts de femme
De la tisane des grands vents.
Cinq heures, dit l’horloge. La mousse du café s’assemble au bord de
la tasse.
On dit que ce sont les baisers perdus.
La buée sur la vitre
Est une femme qui regarde.
Effacez la vitre.
C’est vite le geste de l’adieu.
L’air est une fourrure soluble.
Dans la glace est restée une épaule de jour.
Les ongles des ronces en sont à leur premier quartier.
Je salue, comme la fougère,
Du poing fermé de la forêt.
(Les maisons de feuillages, éditions St Germain-des-Près, 1976)
TOUJOURS JEUNES, LES PARFUMS
Avril en fleurs, tu ne courais si vite
à l’extrémité du jardin que pour reprendre
haleine, tu ne savais alors aucun nom d’arbre
sauf celui de lilas, et comme dans les contes
tu te retrouvais sur leurs cimes
à la hauteur d’un mur, mais au-delà
tu n’avais nul besoin de voir : le monde
sans fin oscillait, respirait
en la couleur de son parfum, qu’elle soit
blanche ou mauve, tu y restais des heures,
le laissant t’imprégner, dire à ta place
le mot qui recueille autant qu’il dilate.
Neige
à travers
la face,
étoiles
au bout
des doigts,
silence
heureux
ici ou là,
l'heure
est patiente
à la fenêtre,
notre coeur
sans frontière
Une parole indispensable
ne voile rien de ses balbutiements ne se tourmente pas
de nous survivre, exalte l'ombre,y trouve
un second souffle et collabore à l'invisible
avec le bruit véhément du feuillage.
Un art des passages
Quel sera ce poème ,
grâce à lui tu l'ignores,
tu pars à sa rencontre.
A la nuit il emprunte
sa source, son souffle,
le poème limpide.
La mer en cette chambre,
tu la vois, tu l'écoutes
avec l'oreille des poèmes.
Les enfants le savent,
les poèmes, aucune vitre
n'arrête la buée.
Trois vers suffisent
à l'essor des poèmes
ils sont tous au long cours.(...)
("Dans la lumière inachevée "), publié dans la revue de poésie ARPA , merci, Sauveterre!