ROUGE EDEN un roman de Pierre JB BENICHOU
Le visage de Karloff, par ailleurs se prêtait merveilleusement au maquillage.
Pierce lui rendit la peau aussi grise que celle d'un cadavre, il l'affubla d'un crâne démesuré, de lourdes arcades sourcilières avec ça et là, de longues cicatrices, marques de l'assemblage.
Les lèvres, très fines, dessinaient une bouche en coupure de couteau, légèrement de travers.
Afin d'accentuer la terreur que devait inspirer le monstre, Pierce fit raccourcir les manches du costumes pour donner une impression de démesure.
Pour rendre la démarche de Karloff difficile - un voyageur d'outre-tombe ne peut ressembler à une ballerine - un véritable attirail de torture fut inventé.
Karloff dut porter des chaussures d'étendeur de goudron alourdies, et une épine dorsale de plusieurs kilos.
D'autre part, ses jambes furent raidies par des supports en acier.
Le monstre de Frankenstein était né.....
(extrait de "les monstres du docteur Frankenstein", deuxième chapitre du volume paru aux éditions "PAC Collection Tête d'Affiche" en 1977)
Les livres font l'homme avant que l'homme n'écrive des livres.
- Combien, Will ? hasarda le pasteur.
- Exactement, je ne sais pas. J'ai arrêté de compter après les vingt premières. C'était tellement facile, vous n'avez pas idée ! Il me suffisait juste de repérer une proie, de la suivre, d'attendre le moment propice... Ni vu ni connu. L'Amérique est un grand pays. J'aurais encore pu continuer pendant des années.
Est-il possible qu'un homme soit si fragile lorsqu'il s'agit des autres, et par ailleurs tellement indifférent à lui-même ?
Les coups reprirent. Il décrypta.
- Radimir.
Puis une autre question.
- Koulak ?
Timofey répondit par le seul qualificatif qui lui paraissait adéquat.
- Innocent.
- Ici, tous coupables.
- Passeport perdu.
- Pire.
- Pourquoi .
- Ils vont trouver quelque chose.
- Comment faire ?
- Avoue. Tu seras tranquille.
- Avouer quoi ?
- Ce qu'ils veulent.
- Et ensuite ?
- Goulag. Vivant.
Même s'il s'en doutait, Timofey sentit une main glacée se poser sur sa nuque. Au bord d'un découragement si intense qu'il ressemblait presque à l'agonie, il trouva encore la force d'envoyer :
- Et toi ?
- Décollé une affiche. Besoin papier cigarette. Comportement antisoviétique.
Les questions courtes prenaient quelques secondes. Cette réponse prit une minute. Timofey demanda :
- On t'interroge ?
- Non. Fini. Jugé.
- Combien ?
- Trois ans.
Timofey serra les lèvres et les paupières. Trois ans d'exil pour une affiche décollée ?
D’après certaines croyances kabbalistes, Dieu aurait créé le monde avec des lettres en commençant par la deuxième de l’alphabet hébreu, le « beth », b en français, « bravo » en code militaire. Max croit volontiers à la capacité créatrice des mots. Le monde ne saurait exister sans la possibilité d’exprimer par écrit les sensations qu’il produit. Une lettre peut tout changer, le sens d’un mot, le destin d’un être. Tu es n’est pas tuer. Mais cette magie a cessé d’émerveiller les hommes, blasés par érosion, au point de mépriser l’orthographe, et de préférer la phonétique, sans se soucier du risque que les mots leur échappent et les détruisent, par décomposition.
Si la vie se résume à un tel monceau d'injustice... quelle absurdité !
Si Dieu existe, autant y croire. S'il n'existe pas, on aura quand même eu l'espoir.
Je ne sais pas si j'ai une conscience, mais je suis certain d'une chose qui me trouble. Je n'arrive pas à éprouver de vrais remords.
Il suffit d'annoncer à quelqu'un qu'il va avoir des ennuis pour que les ennuis viennent, tant la conviction de chacun influence les événements de la vie.