D'après Grétry, la musique est un art d'imitation. Il le formule avec toute la netteté possible. Et sa thèse sera certainement reçue comme le comble du
paradoxe par les nombreux esprits qui se sont accoutumés à penser, tout au contraire, que la musique n'est pas un art d'imitation et que la place qui lui revient est à côté de ces arts, tels que l'architecture, la géométrie, qui créent ou composent des formes sans modèles dans la nature. La peinture, la statuaire reproduisent aux yeux des objets visibles. La poésie reproduit ces objets invisibles, mais parfaitements définis, qui sont les sentiments humains.
Ces sentiments et ces idées composent le Romantisme. Rousseau n'est pas à l'égard du Romantisme un précurseur. Il est le Romantisme intégral.
D'où vient donc cette vieille croyance si répandue, à l'existence d'un rapport spécial et mystérieux entre la musique et les mathématiques ? D'où, l'attrait qu'y trouve l'imagination ?
Tous les arts ont un certain fondement mathématique plus ou moins patent et commode à définir. Mais partout ce fondement et le rôle particulier qu'il joue dans la structure de l'art se présentent sous des aspects moins simples, moins gros, dirai-je, que dans la musique. Et ils sont moins suggestifs dans les autres arts pour la simple raison qu'ils y sont moins accessibles
Que reproche-t-on au plan d'études des lycées ?
Une grosse erreur de principe. Il sacrifierait ce qui est l'objet même et la raison d'être du lycée ou du collège, savoir la formation générale de l'esprit, la formation de l'homme, au fallacieux utilitarisme d'une spécialisation prématurée. Il détruirait ou du moins affaiblirait, au point de le paralyser, le nécessaire et traditionnel instrument de cette formation, les humanités classiques, accusées de ne donner qu'une culture de luxe exclusivement convenable à l'homme de lettres. Sous prétexte d'augmenter la valeur professionnelle des individus, il s'ingénierait à les adapter dès les bancs de la classe à leur genre de profession future, de telle sorte que la classe, détournée du seul office auquel elle soit bonne : l'éducation commune, obligée de faire ce qu'elle ne peut aucunement faire: l'éducation spéciale, y perdrait la moitié de sa vertu et de sa fécondité.
Il est vrai que les choses vraiment belles sont toujours bienfaisantes. Elles communiquent leur noblesse à l'âme qui les sent. Elles l'arrachent à la servitude des soucis individuels, elles lui ouvrent de vastes et hauts horizons. Dans les épreuves, comme on l'a dit tant de fois et de tant de manières, elles sont ses plus sûres consolatrices. Adversis refugium et solatium praebent. Mistral est, à mon sens, au premier rang des génies qui répandent en abondance cette consolation et ce charme et je trouverais dans le souvenir de ce que je lui dois un motif suffisant pour rappeler l'attention du public sur ses poèmes, aussi célèbres que peu connus.
La considération des origines ethniques de Renan a beaucoup d’importance. Je m’étonne qu‘elle ait été négligée par ceux qui nous ont parlé de lui. Tout le monde sait que Renan était Breton. La critique ne parait pas avoir vu a quel point il l’était. On ne m’attribuera pas, je suppose, la déraisonnable intention d’expliquer par l’influence de sa race les caractères et les directions de sa pensée. Il s’agit simplement de constater et de mesurer la part que cette influence y a eue. C’est une question délicate.
Le signe de toute civilisation, d’après Nietzsche, ce sont les moeurs. Dans le vaste et confus concert d’éléments que l’on a coutume de désigner sous ce mot de civilisation, elles donnent la note humaine. Elles disent ce qui est advenu de l’homme lui-même dans les conditions d’existence que lui font, à un moment et en un lieu donnés, les accidents de l’histoire, l’état des sciences, de l’industrie, des relations de commerce, etc.
La position et l'action de l'Allemagne dans le commerce intellectuel des peuples ont un caractère très singulier. Elle est dans cet ordre de choses
la dernière venue des nations européennes. Demeurée à peu près étrangère au mouvement de la Renaissance d'où est parti l'essor de la science, de la
philosophie et des littératures modernes, elle a depuis la fin du moyen-âge, passé trois siècles à végéter.
L’homme est fait d’une multiplicité de tendances, d’affections, d’impulsions, de mobiles, puissances discordantes qui le déchireraient bien vite et le feraient périr de son propre désordre, s’il ne se les représentait nettement dans des rapports de subordination et de dépendance qui assignent à chacune d’elles son rang, sa dignité, sa valeur.
La royauté de Voltaire n'avait été en mainte occasion que la royauté de Scapin. On l'adorait pour ses grâces infinies. Mais il ne déplaisait à personne qu'il fût bâtonné. Un autre cependant se préparait, qui sur cette sensibilité et cette curiosité publiques trop émues, allait jeter les prises d'une souveraineté bien plus profonde. La domination de Voltaire fut comme un essai léger de celle de Rousseau. Celle-ci remplit la seconde moitié du dix-huitième siècle et aucune voix ne lui dispute l'empire.
On a vu ce qui lui frayait le chemin. Il fallait aux âmes de larges brèches pour y laisser entrer le torrent d'idées et de sentiments le plus subversif qui se fût jamais déchaîné parmi les hommes.