AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de annelyon


Mettez-vous bien dans le cœur l’espérance que recèle une vie qui consiste à ramasser de la boue dans une hotte, à vider cette hotte dans la charrette et à recommencer jour après jour jusqu’au soir une œuvre du même tonneau, avec pour aubaine à venir du pain noir, du pain de plomb, et par là-dessus un sommeil de plomb pour le faire passer ; et le dimanche, la cuite plomb. L’aubaine aussi de besogner dans les mois noirs en Limousin quelque chose qu’on appelle une femme par courtoisie, mais qui n’évoque une femme qu’à l’issue d’une opération métaphorique compliquée. Vous y êtes ? Vous êtes bien dans la carpe mûre jusqu’au cou ? Charriez. Ramassez la terre morte avec les poissons dedans. Mangez-en un si le cœur vous en dit, il est à vous, aux mouettes et aux corneilles. Mangez-le. Maintenant, relevez la tête. Voyez là-haut à deux pas la robe d’or, et au-dessus de la robe un regard posé sur vous. Et sous la robe d’or, avec plus de fulgurance, voyez le corps nu de la belle dame. Vous sentez dans vos braies l’émotion immédiate, la divine, l’intense, la seule ? Imaginez ceci encore : quoique limousin vous avez vingt ans et la beauté d’un dieu, et dans les bras la vigueur qui vous a permis de respirer jour après jour dans les nuées de moustiques la carpe mûre et n’en pas mourir, comme sont morts la moitié de vos congénères, tombés d’une échelle, étouffés dans la boue, secoués par les fièvres, pas plus que vous n’êtes morts petit, à trois ans dans le puits, à huit ans sous la charrette, à quinze d’un couteau, comme sont morts vos dix frères et sœurs. Sentez votre vigueur, votre beauté, votre chance d’une certaine façon. Car ceci se passe : la belle dame privée d’homme longtemps vous regarde avec, dans le regard, l’aveu qu’elle a dans ses jupes l’émotion que vous avez dans vos braies. Mais soudain elle regarde ailleurs et ne vous regardera plus, parce que la loi est de fer et que le Père universel veille, et parce que Dieu est un chien. Et si Dieu est un chien, vous avez peut-être licence d’être vous-même un chien à son image, de grimper le talus, de jeter à terre, de trousser et forcer, et de saillir sans façon à la mode des chiens. Et l’enfant qui vous observe (mais cela, vous n’avez pas le temps de le noter), l’enfant qui a tout vu en somme, souhaite passionnément que vous grimpiez le talus et disposiez de sa mère sous ses yeux. Et c’est ce qu’il craint le plus au monde.
Vous y êtes ? Vous sentez bien le trop de désir et le si peu de justice ? Vous portez à même la peau le double masque de l’amour ? Vous êtes Sade et Jean-Jacques Rousseau ? C’est bien, nous pouvons revenir au tableau. Nous pouvons de nouveau nous tourner vers Les Onze.
Onze Limousins, n’est-ce pas ? Onze Limousins drus. Onze barons drus, levés et regardant entrer votre mère jeune et nue dans la salle basse d’un château du marquis de Sade. Onze blondinets coupant des têtes, c’est-à-dire tranchant dans les jupes de leur mère.
Commenter  J’apprécie          50





Ont apprécié cette citation (5)voir plus




{* *}